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Cours d'économie - Economie politique - Déficit budgétaire et dette publique

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Les cours d'économie du forum des étudiants de Sciences Po

Déficit budgétaire et dette publique

 

La question du déficit budgétaire et de la maîtrise de l’endettement public est au cœur des débats actuellement en Europe, face aux difficultés de certains Etats, parmi lesquels la France et l’Allemagne, à satisfaire aux critères du PSC. La tendance à la dégradation du déficit budgétaire à l’échelle européenne, si elle est préoccupante, mérite néanmoins d’être relativisée. En effet, le déficit de la zone euro s'élève à 2,7% du PIB et est aujourd'hui, le plus faible de ceux des grands pays de l'OCDE (4,8 % du PIB pour les Etats-Unis, 3,2 % pour le Royaume-Uni), qui ont pourtant connu une croissance supérieure en 2003 (3,1 % aux Etats-Unis, 2,3 % en Grande-Bretagne). L’existence d’un déficit budgétaire, n’est pas mauvaise intrinsèquement et peut être utile momentanément, dans une optique keynésienne, pour stimuler la croissance et l'emploi dans une économie en récession. Ainsi, en dépit des critiques libérales qui insistent sur les effets néfastes de l'accroissement de la dette, la régulation conjoncturelle continue d’occuper une place importante dans l’affectation des ressources budgétaires.

Bibliographie recommandée pour cette fiche :

Finances publiques de François Adam, Olivier Ferrand et Rémy Rioux

Finances publiques en 100 fiches actualisée et augmentée de Eric Péchillon

Finances publiques de Michel Bouvier, Marie-Christine Esclassan et Jean-Pierre Lassale



Déficits publics de Patrick Artus

La dette publique, une affaire rentable : A qui profite le système ? de André-Jacques Holbecq, Philippe Derudder et Etienne Chouard

Dettes publiques européennes de François Chesnais

Histoire de La Dette Publique En France, Volume 1 de A. Vhrer

Histoire de La Dette Publique En France, Volume 2 de A. Vhrer

Tous ruinés dans dix ans ?: Dette publique : la dernière chance de Jacques Attali

L’efficacité de l'arme budgétaire est par ailleurs conditionnée par sa crédibilité, laquelle repose en partie sur sa soutenabilité dans la durée ; c'est l'enjeu de la maîtrise de la dette publique.




On ne peut donc envisager l'analyse du déficit budgétaire, outil de régulation conjoncturelle à court terme, en dehors d’une perspective de long terme, qui est celle de la variation de l'endettement public. Cette évolution est en effet porteuse d'effets décisifs pour la croissance pérenne de l'économie, ce qui contribue à faire de la maîtrise de la dette publique et du déficit budgétaire un enjeu majeur des politiques économiques actuelles;          

I.Le lien entre déficit budgétaire, dette publique et activité économique

1.Les différences entre dette publique et déficit budgétaire

Le déficit budgétaire est la situation dans laquelle les recettes du budget de l'État (nettes des transferts) sont inférieures à ses dépenses. Il s'agit donc d'un solde négatif. On notera que le déficit budgétaire se différencie du déficit public, car il n'englobe pas le solde des recettes et des dépenses des collectivités locales et de la Sécurité Sociale.

Pour financer son déficit, l'État a recours à l’emprunt. La dette de l'État se définit comme l'ensemble des emprunts effectués par l'État et résulte de l'accumulation des déficits. Le flux du déficit budgétaire vient alimenter l'encours de dette (stock), qui en retour agit sur le niveau de déficit par l'augmentation des intérêts versés, qui sont une charge (dépense) budgétaire (15 % des dépenses budgétaires de la France en 2000).

2.Contrainte budgétaire de l'Etat et effets sur la production

La variation de la dette publique est égale au déficit de l'année en cours, lequel se décompose comme la somme du déficit primaire de l'année (G –T) et de la charge d'intérêts dus sur l'encours de la dette (B) à la fin de l'année précédente. Soit, avec r  le taux d’intérêt réel :     

B t – B t-1  =  r B t-1  +  (G t – T t)               ->       B t  =  (1+r) B t-1  + (G t – T t)                

Dans le long terme, le respect de la contrainte budgétaire impose un ajustement des dépenses et des recettes (une baisse des impôts de 1 aujourd’hui implique une hausse des impôts de (1 + r)n dans n ans).

Selon la théorie de l'équivalence ricardienne, reprise et développée par Barro dans les 70’s, les agents prennent en compte la contrainte budgétaire de l'Etat (i.e. intègrent les futures hausses d’impôts) et rendent, par le jeu de leurs anticipations, toute politique de déficit et de dette publique sans effet sur l'activité. Si un gouvernement finance ses dépenses par déficit, l'épargne privée va donc croître du même montant d'où un niveau d'épargne globale et d’investissement inchangé. Une politique de déficit budgétaire conduit donc à l'accroissement de la dette publique mais reste sans effet sur l'accumulation du capital.           

Dans les faits, il est difficile aux agents de prévoir avec précision à quel horizon auront lieu de futures augmentations d’impôts et ils sont donc susceptibles de les ignorer. Ainsi, on constate qu’à court terme, les politiques de déficits budgétaires permettent de soutenir une demande défaillante (effet du multiplicateur keynésien) et d’augmenter la production et, qu’à long terme, une dette publique élevée réduit l'accumulation du capital et diminue la valeur de la production. Ce constat, s'il ne remet pas en cause le recours au déficit budgétaire, implique que ces pratiques, utiles en période de récession, doivent être contrebalancées en période de croissance par une accumulation d'excédents budgétaires, afin de stabiliser l'évolution de la dette et la valeur à long terme du PIB.

3. La dynamique de la dette n'est pas exogène par rapport à l'activité économique

Exprimée en termes de ratio de la dette au PIB, l'évolution de la dette se calcule comme suit (où g désigne le taux de croissance du PIB) :         B t/Y t  -  B t-1 / Y t-1  =  (r - g) B t-1 / Yt-1  +  (G t – T t) / Yt      [1]         

La variation du ratio de la dette dépend donc de la différence entre le taux d'intérêt réel et le taux de croissance, du ratio initial de la dette ainsi que du ratio du déficit primaire. Ainsi, en dehors de tout effort budgétaire, les périodes de forte croissance ont tendance à réduire le ratio d'endettement.

On distingue ainsi deux sortes de déficits, l’un conjoncturel et l’autre structurel. Le déficit structurel mesure ce que serait le déficit, si la croissance était à son niveau « naturel ». Ainsi un déficit budgétaire global élevé, s'il correspond à un déficit structurel nul, est signe d'une politique respectant un objectif d'équilibre budgétaire. La dette augmente tant que le PIB n'a pas rejoint son sentier de croissance mais se stabilise quand le taux de croissance retrouve son niveau naturel. Au contraire, un déficit structurel fortement positif impliquera de prendre des mesures exceptionnelles pour stabiliser la dette lors du retour à la croissance.

Par ailleurs, les recettes et les dépenses publiques fonctionnent comme des " stabilisateurs automatiques " qui contribuent à amortir les variations conjoncturelles de l'activité économique car certaines dépenses publiques sont mécaniquement liées à la conjoncture. C'est notamment le cas des dépenses d'indemnisation du chômage ou des prestations sociales versées sous condition de ressources, qui augmentent quand l'activité économique se dégrade. Le budget de l’Etat est déséquilibré et tend au déficit, mais il prend ainsi en charge une part des difficultés. Les agents privés sont alors en partie préservés des heurts de la conjoncture, ce qui permet de sauvegarder, dans une certaine mesure, leur dynamisme, et favorise la reprise. Les « stabilisateurs automatiques » agissent spontanément en sens inverse, en période faste. Les entrées fiscales augmentent alors que les besoins sociaux diminuent, le budget de l’Etat peut se reconstituer. Cette stabilisation automatique doit permettre, à long terme, de lisser les heurts de la conjoncture.

II.Les dangers d'un endettement excessif

 

De manière générale, l'augmentation de la dette publique entraîne une augmentation de la charge de la dette et réduit donc les marges de manœuvres de la politique budgétaire future et sa capacité d'influence contra cyclique à court terme.

1.Les effets d'éviction (cf. fiche technique sur le sujet)

L'augmentation des déficits conduit à une hausse des taux d'intérêt car l'accroissement de l'offre de titres publics suscite une baisse des prix et oblige l'Etat à offrir des taux supérieurs. Cette hausse des taux peut conduire à l'éviction de l'investissement privé, la rémunération de l'investissement public devenant plus attractive.

2. Les incidences en termes de transfert entre générations et d’inégalités

La dérive de la dette publique autorise des facilités aux générations actuelles en faisant peser la charge des remboursements sur les générations futures. Elle accroît par ailleurs les inégalités sociales en période de hausse des taux d'intérêt réels, car la charge de la dette correspond à un transfert au profit des catégories les plus aisées, détentrices de titres d'Etat, au détriment des catégories moins favorisées.

           

3.Le défi du vieillissement

Le vieillissement des populations des pays de l'OCDE représente un défi majeur pour les finances publiques en raison de la pression croissante que sont amenées à exercer les dépenses de santé au sein du budget des Etats. Elles rendront les politiques de redressements budgétaires d'autant plus difficiles. Retarder le traitement de ce problème équivaut à en reporter l'effort sur les générations futures.

4.Soutenabilité de la dette, effet " boule de neige "

Le financement par emprunt a un effet cumulatif sur la dette. Tant que le taux de croissance excède le taux d'intérêt réel des emprunts publics, le ratio dette/PIB peut être stabilisé même si le budget primaire de l'Etat est déficitaire, le risque d'effet boule de neige n'existe pas. En revanche, lorsque le taux de croissance tombe en dessous du taux d'intérêt réel, la stabilisation du ratio dette/PIB exige un excédent primaire; si tel n'est pas le cas, l'effet boule de neige joue à plein, gonflant indéfiniment le ratio dette/PIB. En outre, la seule  croissance de la dette exerce une pression à la hausse sur les taux d’intérêt qui aggrave encore la situation. Cet enchaînement créé un mécanisme autoentretenu de l'endettement, "effet boule de neige", et pose la question de la soutenabilité des finances publiques. Il faut aussi noter que la simple appréhension, même non fondée d'une incapacité du gouvernement à honorer sa dette, peut facilement devenir auto réalisatrice dans la mesure où elle conduit à une hausse des taux.

Face à un endettement excessif les gouvernements n'ont d'autres choix que de mener des politiques d'austérité dans la durée afin de dégager des excédents budgétaires sur plusieurs périodes pour prévenir toute situation d'insolvabilité, qui ne peut se résoudre que par la répudiation de la dette.

Aujourd'hui la maîtrise de la dette publique est devenue un enjeu majeur de la politique budgétaire, dans un contexte de croissance des taux d'endettement pour l'ensemble des pays de l'OCDE depuis 20 ans (Cf. Annexe I).

III.Quelles politiques de la dette ?

1.La politique américaine

L'ère Clinton-Greenspan a été marquée par une politique budgétaire visant le retour à l'équilibre et la stabilisation de l'endettement. Le budget fédéral avait atteint des niveaux record de déficits de l'ordre de 6% suite à la "relance Reegan " et à la forte hausse des taux d'intérêts au début des années 90. L'administration Clinton a pris des mesures de contrôle stricts et de restriction de la dépense budgétaire (Omnibus Budget Reconciliation Act de 1993, Balanced Budget Act 1997) qui ont contribué au retour à l'équilibre budgétaire en 1998. Cette politique de réduction budgétaire a été régulière, elle a bénéficié d'un contexte favorable de croissance de l'économie américaine et à d'une coordination optimale avec la politique monétaire menée par la FED. Néanmoins, depuis 2000, la politique budgétaire a repris une orientation fortement expansionniste et l'endettement est reparti à la hausse. Le solde des comptes publics est passé d'un excédent de 1,6 point de PIB en 2000 à un déficit de 4,6 points en 2003, du fait des allégements d'impôts adoptés de 2001 à 2003, de la hausse des dépenses de défense et de sécurité intérieure et l'impact de la conjoncture économique et boursière. Le taux d'endettement rapporté au PIB pour 2003 avoisine les 63%.   

2.Le PSC et la politique de la zone Euro

Les deux objectifs de la politique budgétaire au niveau européen, guidée par les principes du Traité de Maastricht, puis du Pacte de Stabilité et de Croissance sont de veiller à la stabilité conjoncturelle du niveau des taux d'intérêt de la zone et de s'assurer que la solvabilité des Etats est garantie. Pour cela le solde budgétaire des états membres doit être en moyenne proche de l'équilibre et le déficit public ne doit pas être supérieur à 3% du PIB en cas de mauvaise conjoncture. Le souci de respecter les critères de Maastricht s'est traduit de 1994 à 1999 par des politiques budgétaires strictes dans les pays candidats à l'euro facilitées par la croissance, les bas niveaux des taux d'intérêt, et les mannes issues pour certains pays des opérations de privatisation ou de la vente des licences UMTS.

Le PSC a été suspendu en novembre 2003 suite aux infractions de la France et de l'Allemagne à la règle des 3%, lesquelles ne se sont pas vues imposer de sanction. L'heure est donc à la redéfinition de ce pacte, phénomène qui illustre la difficulté à établir des normes et des règles de conduites intemporelles en matière de politique budgétaire et de gestion de la dette publique. En outre, l'émergence d'une politique monétaire indépendante exercée à l'échelle de l'UEM rend improbable une accélération forte de l'inflation qui réduirait le poids réel de la dette comme cela a pu être le cas dans le passé.

Le défi posé par le couple dette publique - déficit budgétaire est celui de la compatibilité à trouver entre une stratégie de long terme de réduction des déficits et de réduction de l'endettement à des niveaux soutenables et une capacité à gérer la conjoncture à court terme. A cette problématique centrale viennent se greffer les incertitudes liées aux coûts du vieillissement et, pour l'Union Européenne, à la crédibilité de sa politique budgétaire sur le long terme, largement conditionnée par le respect des sanctions liées au PSC ou par une nécessaire adaptation du Pacte.

 

 

ANNEXES

Evolution des taux d’endettement en % du PIB

 

 

1985

1995

2001

France

38

59.3

64.8

Allemagne

40.6

57.1

60.3

Zone Euro

52.9

74.8

71.9

Japon

67.7

80.4

132.8

Royaume-Uni

59.2

60.6

52.5

USA

59

74.5

59.5

 

Les années 90 ont vu des progrès considérables dans l’assainissement des finances publiques, mais dans la plupart des pays de l’OCDE les situations budgétaires se sont récemment dégradées. Les ratios de dette publique qui, sauf au Japon, avaient baissé dans la seconde moitié des années 90, ont cessé de décroître et ont même augmenté de nouveau dans certains cas.

(Source : OCDE)

 


 

[1] Cf. Macroéconomie Blanchard & Cohen - Ch. 25 pour le détail du calcul


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