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Le traité de Rome la charge d’assurer « le respect du droit dans l’interprétation et l’application du [présent] traité et des règlements d’exécution. » Aujourd’hui elle est composée de vingt-cinq juges et de huit avocats généraux, qui en toute indépendance rendent leurs arrêts, ayant force exécutoire dans l’ordre interne. En 1988, pour éviter qu’elle ne soit victime de la place décisive que lui assignent les traités et la pratique, lui a été ajouté un Tribunal de première instance, qui à son tour pourra s’appuyer sur la création de chambres juridictionnelles, qui existent potentiellement dans le traité de Nice. La Cour est une institution originale, dotée de larges compétences juridictionnelles en matière de recours, qui lui donnent une place à part dans le droit international
I Les recours dirigés contre les institutions communautaires
1) Le recours en annulation Directement inspiré du recours pour excès de pouvoir français, ce recours a pour but de faire annuler un acte d’une institution communautaire dans un délai de deux mois à compter de sa publication au journal officiel de l’Union européenne (JOUE) ou de sa notification au requérant, à défaut, à partir du jour où celui-ci en a eu connaissance. Ces actes attaquables sont ceux émanant de la Commission, du Conseil, du Parlement, de la Banque centrale européenne, du conseil des gouverneurs et du conseil d’administration de la Banque européenne d’investissement (BEI), auxquels la jurisprudence de la Cour a ajouté les actes de la Cour des comptes. En pratique ce sont surtout les règlements, directives et décisions, mais en droit cela concerne tout acte modifiant la situation juridique d’une personne. Le recours peut être formé par les « requérants privilégiés », Etats membres, Conseil, Commission, qui n’ont pas à justifier leur intérêt à agir, contre tout acte décisoire, général ou individuel Le Parlement peut pour sa part attaquer un acte du Conseil ou de la Commission dans le seul but de sauvegarder ses prérogatives si elles sont menacées. Pour les particuliers (personnes physiques et morales), ils ne peuvent attaquer que les actes les concernant individuellement et directement. Cette restriction évite que les règlements, de portée générale, ne soient remis en cause par tout un chacun. En cas d’incompétence de l’institution auteur de l’acte, ou encore s’il y a irrégularité dans sa procédure d’adoption ou non conformité par rapport au droit communautaire, la Cour annule tout ou partie de l’acte, avec en général effet rétroactif.
2) L’exception d’illégalité C’est une voie de recours incidente, c’est-à-dire qu’on ne peut y faire appel qu’au cours d’un recours déjà intenté devant la CJCE. Bien qu’ouvert au mêmes entités que pour le recours en annulation, elle s’adresse principalement aux particuliers, pour qui le recours en annulation d’un règlement est prohibé. S’ils attaquent une décision individuelle fondée sur un règlement, ils peuvent en soulever l’illégalité par ce biais, mais quand elle est admise l’exception d’illégalité d’un règlement n’a d’autorité qu’à l’égard des parties, et ne peut être invoquée par des tiers.
3) Le recours en carence Faisant pendant au recours en annulation, qui sanctionne des actes illégaux des institutions communautaires, ce recours sanctionne lui, l’illégalité d’une inaction de leur part. Si le recours aboutit à une condamnation, l’institution fautive devra prendre les mesures jugées obligatoires par la Cour dans un délai déterminé. Ouvert aux mêmes requérants que pour l’annulation (Etats et institutions communautaires d’un côté et particuliers de l’autre quand ils sont directement et individuellement concernés), ceux-ci doivent au préalable avoir formellement interpellé l’institution concernée sur le contenu de l’acte qu’elle devrait prendre. Si il y a inaction dans les deux mois qui suivent cette interpellation, la saisine est possible.
4) Le recours en réparation, ou recours en responsabilité extra contractuelle Tout Etat ou personnes physiques ou morales peut saisir la Cour pour déterminer la responsabilité extra contractuelle de la Communauté et le cas échéant réclamer des dommages-intérêts. C’est-à-dire déterminer les dommages causés aux citoyens et aux entreprises par les institutions, ou leurs agents dans l’exercice de leurs fonctions, dans un délai de cinq ans à compter de la réalisation du dommage.
II Le recours en manquement, un recours dirigé contre les Etats membres
Son objet est de faire respecter les obligations qui incombent aux Etats membres en vertu du droit communautaire. L’existence de ce mode de règlement exclusif des différends relatifs à l’application des traités entre les Etats, et la place faite dans la procédure à la Commission, organe supra-national, sont des éléments clefs de la spécificité de l’ordre juridique communautaire au sein du droit international public. Cependant la saisine de la cour est l’aboutissement d’une longue procédure précontentieuse visant à résoudre le litige par la confrontation des positions. Bien que l’initiative de la procédure appartienne aux Etats et à la Commission, en pratique c’est presque toujours la Commission qui intervient. En général les litiges sont résolus dès le début, quand la Commission demande des explications à l’Etat concerné. Dans le cas contraire, elle lui envoie une lettre de mise en demeure sur l’infraction présumée, demandant à l’Etat de faire connaître ses observations dans un délai donné. Enfin elle peut adresser un avis motivé avec les raisons de l’infraction présumée et le délai pour y mettre fin, au terme duquel elle peut ester devant la Cour par une requête reprenant les griefs de l’avis motivé.
La Cour peut alors rendre un arrêt déclaratoire qui constate le manquement et ordonne d’y mettre fin sans délai. Si l’Etat ne s’y conforme toujours pas, la Cour sur nouvelle saisine de la Commission, peut exiger le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte calculées par la Commission elle-même.
III Les recours en interprétation et en validité
1) Le renvoi préjudiciel Le renvoi préjudiciel constitue la spécificité principale du droit communautaire et contribue à son développement. En effet dans chaque Etat, les juridictions nationales sont appelées à appliquer les règles du droit communautaire (c’est à dire les actes pris par les institutions mentionnées pour le recours en annulation). Ainsi, le juge national est le juge de droit commun de l’ordre juridique communautaire. Or la diversité des cultures juridiques fait peser un risque sur l’uniformité d’interprétation de ce droit. Ainsi les traités instituent un système de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, afin d’interpréter une règle communautaire pour le litige qu’elles ont à juger. En outre, l’arrêt Foto-Frost aff 314/85 du 22 octobre 1987 rend obligatoire le renvoi devant la Cour pour apprécier la validité d’une disposition communautaire. Seule la Cour peut déclarer son invalidité. De son côté, seul le juge a la faculté de saisir la Cour, et non les parties. Cependant cette liberté est limitée quand les décisions de la juridiction nationale concernée ne peuvent faire l’objet d’un recours dans l’ordre juridique interne. C’est le cas de la Cour de Cassation ou du Conseil d’Etat, juridictions suprêmes. Alors ces juridictions sont tenues de saisir la Cour si une question de droit communautaire se pose à elles. Néanmoins, il n’y a pas d’obligation de saisine quand la Cour a déjà eu l’occasion d’interpréter un cas similaire, ou quand le sens d’une disposition s’impose avec évidence. On touche ici aux limites de cette procédure coopérative, où rien ne sanctionne le refus d’y recourir. En effet il arrive que les juridictions suprêmes statuent sans poser de question préjudicielle, sous prétexte que la règle communautaire est claire (« théorie de l’acte clair » du Conseil d’Etat). Or il arrive que la Cour, dans une affaire ultérieure, vienne contredire l’interprétation du juge national… Dans tous les cas la Cour se prononce avant que le jugement ne soit rendu, c’est donc une coopération entre les juridictions puisque la Cour ne vient pas ensuite confirmer ou infirmer le verdict mais contribue à son élaboration. Son rôle est d’interpréter la règle communautaire, ce qui signifie qu’en aucun cas elle ne doit appliquer elle-même la règle communautaire au litige, ou encore écarter une règle nationale incompatible, il n’y a que le juge national qui soit compétent pour tirer les conséquences de l’interprétation demandée. L’arrêt a pour effet de s’imposer à toutes les juridictions de l’Union pour des questions similaires. Il faut aussi noter que les dispositions déclarées invalides par la Cour, sont sensées l’avoir toujours été (effet rétroactif), ce qui peut engendrer des difficultés de mise en œuvre, notamment dans le cas du remboursement de sommes versées sur le fondement de l’acte invalidé. Par conséquent, la Cour se reconnaît le droit de limiter l’effet rétroactif d’une déclaration invalide. Par exemple l’arrêt Defrenne II du8 avril 1976 qui condamnait la différence de rémunération entre stewards et hôtesses de l’air ne s’appliqua expressément qu’à partir de l’arrêt, étant donné le risque de mettre en faillite les compagnies aériennes de bonne foi par des remboursements rétroactifs vis-à-vis de tout leur personnel féminin.
2) La compétence d’avis Parallèlement à la question préjudicielle, le Conseil, la Commission et les Etats peuvent, de façon facultative, saisir la Cour pour avis, afin de vérifier la compatibilité avec la charte constitutionnelle d’un accord que la Communauté envisage de conclure. Cet avis peut aussi porter sur la compétence de la Communauté ou d’une institution à conclure l’accord. En cas d’avis négatif, l’entrée en vigueur est liée à une révision des traités.
IV Les pourvois contre les arrêts du Tribunal de première instance
A l’image de la Cour de cassation dans l’ordre interne, la Cour peut être saisie de pourvois limités aux questions de droit contre les arrêts du Tribunal de première instance. Elle peut déclarer irrecevable le pourvoi ou casser la décision du Tribunal. Dans ce cas soit elle renvoie l’affaire au Tribunal qui est lié par la décision rendue lors du pourvoi, soit elle tranche le litige elle-même quand l’affaire le permet.
La CJCE est donc bien au centre de la construction communautaire et à part dans le droit international public. En effet elle s’y distingue par ses singularités : dans les cas prévus par les traités, sa juridiction est obligatoire et non subordonnée au consentement du défendeur ; dans les litiges où elle est compétente, sa juridiction est exclusive, les litiges sont soustraits à la compétence concurrente des juridictions nationales ; nombre de ses recours sont accessibles aux personnes physiques et morales qui s’opposent aux institutions ou aux Etats eux-mêmes ; enfin ses décisions sont contraignantes et obligatoires non seulement dans l’ordre intracommunautaire mais aussi interne.
Bibliographie
· Dubouis, Louis, Les notices de l’Union Européenne, La documentation française, Paris, 2004 · Mouton, Jean-Denis et Soulard, Christophe, La Cour de Justice des communautés européennes, PUF, Paris, 2004 · Simon, Denys, Le système juridique communautaire, PUF, Paris, 1998 · Site de la Cour de Justice des Communautés européennes http://www.curia.eu.int/fr
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