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La refonte du processus de Lisbonne - Cours sur l'Union euroépenne - Sciences Politiques

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La refonte du processus de Lisbonne

 

Le 23 et le 24 Mars 2000, le Portugal qui présidait l’Union européenne au premier semestre organise à Lisbonne un Conseil européen extraordinaire axé sur la problématique suivante : "l’Emploi, la Réforme économique et la Cohésion sociale - Vers une Europe de l’Innovation et de la Connaissance". L’objectif était de profiter de la fenêtre d’opportunité que représentait la croissance en 2000 pour réformer l’Union Européenne et pérenniser cette croissance, tout en rattrapant notamment le rival américain.

L’objectif final était de « devenir l'économie de la connaissance, la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable de croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale ». Il y a donc deux objectifs : un objectif économique et un objectif social.

 

Des objectifs quantifiés ainsi que des repères à atteindre ont été fixés, notamment pour la croissance moyenne annuelle au niveau de l’UE (3%) et pour le taux d’emploi (70%). Toutefois, l’échec de ce processus, constaté à toutes les réunions du Conseil Européen du Printemps de chaque année a poussé à la création d’un rapport de «groupe de haut niveau » présidé par M. Wim Kok, rapport qui propose des réformes et des nouvelles orientations au processus.

 

En effet, si le processus de Lisbonne a dégagé des problèmes à résoudre et les méthodes idoines (I), son échec met en avant la nécessité d’une refonte du processus de Lisbonne (II)




 

I. Le processus de Lisbonne

 

A. Les constats d’une Europe améliorable

Le conseil Européen constate à Lisbonne que la croissance économique prévu pour 2000-2001 (3%) montre à la fois la faiblesse économique de l’Union Européenne (Europe moins dynamique que les Etats-Unis) et ouvre une fenêtre d’opportunité pour réformer. Les 15 tablent alors sur une stratégie sur 10 ans pour faire de l’Union Européenne en 2010 l’économie la plus compétitive du monde.

 

Le Conseil constate un paradoxe :

- un taux d’emploi de seulement 61%, avec en sus des inégalités fortes selon l’âge et le sexe.

-  un chômage endémique (15 millions de personnes et un coût colossal, estimé entre 1000 milliards et 2000 milliards d’euros par an - 12% à 20% du PIB).

- L’existence dans l’économie de la connaissance dun gisement inexploité d’emplois En effet, il existerait entre 500 000 et 1 000 000 postes vacants dans l’économie de la connaissance, qui ne peuvent être comblé à cause d’un manque de qualification dans le secteur de la haute technologie et à cause de coûts concurrentiels qui peuvent être diminués : absence de brevet Européen, coût des communication (dont Internet) élevés.

 

L’économie de la connaissance ne peut être basée que sur une forte recherche. En effet, la recherche représente entre un quart et la moitié de la croissance économique, elle est donc absolument prioritaire. Or, la recherche reste fragmentée et compartimentée en Europe.

 

Dès lors, le Conseil réuni à Lisbonne dégage 4 objectifs généraux:

- Une croissance économique accélérée et soutenue

- Une économie sans exclus, fondée sur la connaissance

- La restauration du plein emploi (au niveau américain)

- La modernisation des systèmes de protection sociale

 

B. Les pistes de réformes.

Pour atteindre ces quatre objectifs, le Conseil décide qu’il « suffit » de se concentrer sur deux : la poursuite de la réforme économique pour préparer économie de la connaissance et le renforcement du modèle social européen en insistant sur les personnes (c’est-à-dire les compétences. Pour le premier point, le Conseil propose des réformes sur 6 axes (dont 3 contiennent propositions concrètes) :

La création d’une eEurope, c'est-à-dire une Europe avec une pénétration et une utilisation de l’Internet accru. Pour cela, les prix d’Internet doivent baisser, donc il faut favoriser la concurrence entre les réseaux locaux Un accord sur le commerce électronique est à faire

L’amélioration du marché intérieur, qui n’est pas assez performant. Il existe une sur réglementation qui doit être rationalisée (notamment dans la catégorie de la passation de marchés publics), mais surtout le Conseil se prononce en faveur d’un brevet communautaire en 2001 pour limiter le coût trop élevé de la protection de la propriété intellectuelle. Les entraves transfrontalières à l’échange de service à éliminer.

La création d’un espace Européen de la recherche avec la mise en réseau des centres d’excellence, et l’accroissement de la mobilité des chercheurs. L’investissement privé doit également être améliorée, via notamment des incitations fiscales.

L’intégration européenne des marchés financiers reste à achever

La favorisation de l’esprit d’entreprise en Europe ; notamment en encourageant les femmes à devenir chef d’entreprise et en supprimant les obstacles culturels.

Le renforcement des instruments financiers de l’Union

 

Sur le renforcement du modèle social européen, le Conseil dégage surtout des objectifs (passer le taux d’emploi de 61% à 65% en 2005 et 70% à 2010, ramener le taux de chômage moyen à 4% et porter le nombre de femme dans population active de 51 à 60%). Pour cela, l’éducation  et la formation paraissent être le critère essentiel. Aussi Conseil européen propose de connecter toutes les écoles (et localités) à Internet (2001), de faire acquérir des aptitudes informatiques à tous pour 2005, de faire passer la part de l’investissement dans les ressources humaines à 25% (2005) puis à 50% (2010). Enfin, le conseil se propose de faire passer personnes vivant sous seuil de pauvreté de 18% à 10%, et réduire pour 2010 toujours la moitié de la pauvreté qui touche les enfants. Le Conseil examinera au moins une fois l’an au Printemps les résultats de sa politique.

 

II. Une refonte nécessaire

 

A. L’échec du processus de Lisbonne.

Dès les premières réunions des Printemps (Stockholm, Barcelone) le Conseil met en avant l’échec du processus de Lisbonne, malgré des « succès politiques notables ». Ainsi dès Stockholm en 2001 le Conseil constate bien la création de 2,5 millions d’emplois en 2000, les 2/3 occupés par des femmes, mais constante également que le marché intérieur n’est pas encore accompli, que la cohésion sociale n’a pas progressé et que les investissements restent faible. Il constate également l’absence de progrès sur la question vitale du brevet Européen. Les mêmes constats sont faits à Barcelone. Le Conseil de 2004 constate que l’action de l’Union Européenne reste largement en deça de ses espérances et que les objectifs intermédiaires ne seront pas atteints en 2005. La rédaction d’un rapport de mi-parcours qui proposerait une nouvelle stratégie cohérente pour atteindre les objectifs de Lisbonne est confiée à une Commission composée de représentant des Etats-membres (mais pas des nouveaux Etats-membres, le rapport aura d’ailleurs une vue très utilitariste des nouveaux Etats-membres) et présidée par Wim Kok (ancien premier ministre hollandais), qui le remet le 3 novembre 2004. Selon ce rapport, les objectifs n’ont été réalisés nulle part. Les résultats de l’économie européenne ont été décevants, avec une croissance plus faible qu’aux Etats-Unis et qu’en Asie, notamment à cause de la maintenance de faiblesses structurelles. Lisbonne «ne présente pas le tableau irrémédiablement sombre que certains aiment à dépeindre». Des progrès significatifs ont été accomplis dans le domaine de l’emploi, et le taux d’emploi est passé de 62.5% en 1999 à 64.3% en 2003, et 7 Etats des 15 vont atteindre l’objectif intermédiaire de 67% pour 2005. Des progrès ont également été fait dans la diffusion des TIC et de l’Internet dans les écoles et dans les ménages, et ce point de la stratégie de Lisbonne est un succès.

 

Toutefois, la création nette d’emploi est fortement ralentie, l’objectif de 70% de taux d’emploi  ne sera probablement pas atteint, de même que celui de 50% pour les personnes âgées. Seuls deux pays consacrent plus de 3% de leur PIB à la recherche. Enfin, certains grands objectifs tels que le brevet communautaire ne sont toujours pas en place.

 

Alors que l’Europe affronte un double défi externe (apparition de la Chine et de l’Inde sur la scène internationale, à la croissance très solide, forte croissance économique Américaine) et interne (vieillissement de la population, nouveaux Etats-membres), Wim Kok dégage trois raisons pour la faiblesse de la stratégie de Lisbonne :

- un champ d’action trop large(«Lisbonne traite de tout, donc de rien»),

- une déresponsabilisation des Etats («tout le monde est responsable, donc personne ne l’est»).

- Une manque d’engagement et de volonté politique (par exemple le brevet européen).

 

Il faut donc resserrer les objectifs plutôt que de desserrer la contrainte temporelle étant donné que l’Europe doit répondre dès aujourd’hui aux défis.

 

B. Le nouveau processus de Lisbonne

Wim Kok propose de resserrer le processus de Lisbonne a cinq grands domaines politiques : la réalisation de la société de la connaissance, l’achèvement du marché intérieur, l’établissement d’un environnement favorable aux entreprise, la création d’un marché du travail adaptable et la promotion de stratégies économiques de long terme. Tout le volet social du processus de Lisbonne disparaît. La réalisation de la société connaissance reste un objectif proche de ceux originels de Lisbonne. L’objectif de consacré à la recherche de 3% du PIB est maintenu, ainsi que celui de définir un cadre réglementaire favorable aux communications et au commerce électronique, et favoriser l’éducation et la formation. Aussi, il est nécessaire d’attirer plus de chercheurs en faisant sauter les obstacles administratifs à la mobilité vers et dans l’UE, de créer un Conseil Européen de la Recherche qui financera et coordonnera la recherche fondamentale, d’accroître l’accent aux réseaux à large bande et surtout de mettre en place le brevet communautaire.

 

L’achèvement du marché intérieur est nécessaire, notamment en ce qui concerne les services et les industries de réseau (gaz, électricité,…). Notamment en transposant les directives en attente, et en éliminant les dernières entraves par une politique active du Conseil et du Parlement.

 

La création d’un environnement favorable aux entreprises passe par l’amélioration de l’accès aux financement, par la réforme de la législation sur les faillites mais aussi par la réduction des obstacles administratifs (formalités, temps et coûts) nécessaires à leur création. La politique du guichet unique (dans un Etat) pour créer une entreprise est fortement recommandée, l’objectif étant d’atteindre les résultats moyens obtenus par les 3 Etats membres les plus performants.

 

La création d’un marché du travail adaptable change peu dans ses objectifs (taux d’emploi de 67% en 2005, de 70% en 2010, de 57% (2005) et 60% (2010) pour les femmes, de 50% (2010) pour les travailleurs âgés, promotion de l’égalité des chances, éradication de la pauvreté), même si un nouveau objectif apparaît  (augmentation progressive de 5 ans de l’âge moyen effectif auquel les personnes cessent de travailler) ; Le rapport conseille des stratégies nationales pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (ce qui lie à nouveau ce point à la partie « connaissance » du processus de Lisbonne) et inciter financièrement et légalement les travailleurs à rester actifs plus longtemps (et les employeurs à les garder)

 

Enfin, la création d’une stratégie économique sur le long terme passe par la ratification du protocole de Kyoto, avec pour objectifs quantifiés 12% des  besoins en énergie primaire et 21% de la consommation brute d’électricité couvertes par des énergies durables, ainsi que l’application des directives sur la taxation de l’énergie (2002) et la responsabilité environnementale (2004). La Commission Européenne et le Conseil devraient promouvoir le développement et la diffusion des «éco-innovations», et éliminer les subventions ayant des effets préjudiciables sur l’environnement, tout en incitant à l’usage de technologie non polluantes/renouvelables.

Le rapport Kok insiste sur la nécessité de relancer la volonté politique, notamment en axant le mandat du futur président de la Commission sur la progression de la stratégie de Lisbonne et éventuellement en créant une Commission permanente «de Lisbonne» au Parlement Européen

 

Conclusion :

La refonte du processus de Lisbonne a été bien accueilli par le président de la Commission Barroso le 4 novembre et par le Conseil de l’Union Européenne le 16 novembre. Le Conseil concède que la stratégie de Lisbonne est « bonne et impérative». Il accepte de se concentrer sur la croissance et le niveau d’emploi, accepte les 5 priorités, appelle à une application stricte du calendrier et ajoute une politique de consolidation fiscale. De son coté, Mr Barroso a même proposé la création d’un «Mr Lisbonne» dans toutes les capitales, la création de plans nationaux de coopération et même la création d’une formation «Lisbonne» du Conseil.

 

Mais c’est au Conseil Européen de Printemps 2005 (sous présidence Luxembourgeoise) que sera confiée la refonte de la stratégie de Lisbonne, au cours duquel les Etats-membres – y compris les nouveaux Etats qui n’ont pas participé au rapport – pourront valider totalement ou partiellement – ou pas du tout – les préconisations du rapport Kok./.

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