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L’activisme de la Cour de Justice des Communautés Européennes de Luxembourg y est pour beaucoup. Ses grands arrêts, intervenus dans les années 60-70, ont largement limité la souveraineté juridique des Etats-membres, au point qu’on peut parler avec raison de la CJCE comme d’une instance à vocation fédérale.
Fidèles à la méthode des « petits pas » chère à Jean Monnet, les juges de Luxembourg ont en effet progressivement accru leur pouvoir d’abord en faisant du droit communautaire un droit supérieur à celui des Etats-membres (I), notamment grâce à deux arrêts fondateurs, l’arrêt van Gend en Loos (1963) et l’arrêt Costa contre Enel (1964). Puis, dans les années 70, avec les arrêts van Duyn (1974) et Simmenthal (1978), la Cour s’est attachée à surmonter les réticences d’Etats soucieux du respect de leur souveraineté en veillant par sa jurisprudence à ce que cette supériorité du droit communautaire se traduise concrètement en droit interne (II).
I) L’affirmation d’un droit supranational
A) L’arrêt van Gend en Loos (1963) : l’effet direct du droit communautaire
Dans cette affaire, l’entreprise de transport néerlandaise Van Gend en Loos avait introduit devant un tribunal des Pays-Bas une action contre l’administration des douanes néerlandaises, au motif que celle-ci avait perçu un droit de douane majoré de 3 à 6 % à l’importation d’un produit chimique en provenance de la République fédérale d’Allemagne.
L’entreprise estimait qu’il y avait là une violation de l’article 12 du traité CEE (devenu l’article 25 du traité CE), qui interdit aux États membres d’introduire de nouveaux droits de douane ou d’augmenter des droits de douane existants dans le marché commun. La juridiction néerlandaise a suspendu la procédure et a saisi la Cour de justice en lui demandant de clarifier la portée et l’interprétation juridique de l’article invoqué du traité établissant la Communauté européenne.
La défense de l’administration des douanes néerlandaises repose sur l’interprétation classique du droit international selon laquelle il appartient uniquement aux Etats qui ont signé un traité de l’interpréter. Mais la CJCE rejette cet argument en se livrant à un raisonnement téléologique, c’est à dire à une interprétation de la volonté réelle ou supposée des Etats membres lors de la signature des traités plutôt qu’à une analyse des textes (raisonnement exégétique). Elle interprète la création d’un marché commun comme la manifestation de la volonté des Etats d’instaurer des droits de douane communs. Elle affirme alors d’une part que les traités communautaires ne sont pas des traités internationaux ordinaires, mais qu’ils créent un nouvel ordre juridique reposant sur des limitations ou des transferts de souveraineté. D’autre part, en imposant des obligations aux États membres, le « traité constitue plus qu’un accord qui ne créerait que des obligations mutuelles entre les Etats contractants ». Il fait aussi naître des droits nouveaux pour les individus qui peuvent exiger le respect des obligations souscrites par les États membres. La nécessité de garantir la sauvegarde des droits des particuliers justifie le contrôle des institutions communautaires. L’effet direct a donc un double objectif : protéger les droits des individus mais aussi garantir l’efficacité de l’application du droit communautaire. Avec cet arrêt, la Cour de Luxembourg affirme que le droit communautaire a la capacité d’engendrer dans le patrimoine des ressortissants des droits et des obligations sans que les États membres puissent s’y opposer d’une quelconque manière. Cet arrêt a provoqué la stupéfaction des gouvernements nationaux qui ont parfois relancé le vieux spectre du « gouvernement des juges », popularisé par le livre éponyme d’Edouard Lambert paru en… 1921.
B) L’arrêt Costa c/Enel (15 juillet 1964) : la primauté du droit communautaire sur le droit national
À peine un an plus tard, l’affaire Costa/ENEL devait permettre à la CJCE d’approfondir encore davantage son analyse.
En 1962, l’Italie avait nationalisé la production et la distribution de l’électricité et avait transféré le patrimoine des entreprises électriques à la société ENEL. En tant qu’actionnaire de la société touchée par la nationalisation, Flaminio Costa, avocat à Milan, s’était vu privé de dividendes lui revenant et avait refusé de payer une facture d’électricité de 1 926 lires. Il s’adresse alors au juge de paix de Milan et fait valoir que l’Enel n’avait pas le droit de lui réclamer le paiement car il considère que sa nationalisation était contraire au traité de Rome . Le juge de Milan saisit alors la Cour de Luxembourg par le mécanisme de la question préjudicielle.
Le gouvernement italien estime que le recours est irrecevable car le juge national n’a pas à se soucier que l’Enel se soit constituée contre le traité. De plus, la loi de nationalisation de l’Enel date de 1962 : elle est donc supérieure puisque postérieure. Même dans le cas où la loi serait contraire au traité, l’affaire relève selon lui de la responsabilité du gouvernement italien, et non de celle d’un juge national ou communautaire.
A l’époque, ce raisonnement paraît tout à fait raisonnable mais la CJCE refuse d’accepter qu’une loi communautaire puisse être supplantée par une loi nationale ordinaire. Le 15 juillet 1964, elle affirme la primauté des traités et du droit dérivé sur toute norme nationale contraire en s’appuyant sur le traité de Rome. La « Constitution économique » de la Communauté porte en elle-même comme « une exigence fondamentale de l’ordre juridique communautaire » l’uniformité du droit communautaire. Cette uniformité impose que les normes du droit originaire ( Traités ) et du droit dérivé aient dans tous les États membre la même signification, la même force obligatoire et le même contenu invariable ; ce qui ne peut se concevoir sans primauté absolue du droit communautaire sur le droit interne. En effet, les Etats-membres « ont limité leur droit souverain et créé un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes. » La Cour affirme alors « l’impossibilité de faire prévaloir contre un ordre juridique accepté par eux une mesure unilatérale ultérieure ». Une facture d’électricité impayée a donc donné naissance à un principe fondamental : la primauté du droit communautaire sur le droit national, y compris les constitutions, ce que la CJCE a confirmé en 1965. Ayant affirmé clairement cette supériorité dans ces deux arrêts historiques, la CJCE s’emploie par la suite à ce que qu’elle s’applique concrètement en droit interne.
II) La mise en œuvre du principe de primauté du droit communautaire en droit interne
A) L’arrêt Van Duyn (4 décembre 1974), l’octroi de l’applicabilité directe aux directives La distinction établie par l'article 189 du Traité de Rome entre les règlements et les directives a eu tendance à partir des années 1970 à vite s'estomper à tel point que la différence n'était plus que procédurale. Les directives devenaient ainsi de plus en plus précises, et certaines pouvaient être transposées directement sans intervention approfondie du Parlement. C'est en application de cette confusion entre les deux types d'actes que la Cour de Justice des Communautés Européennes a pu accorder aux directives un effet direct. Melle Van Duyn, de nationalité hollandaise, se voit refuser l’entrée au Royaume-Uni. Ce refus est fondé sur le fait qu’elle venait travailler au service de l’Eglise de scientologie, considérée par le ministère de l’Intérieur britannique comme un « danger pour la société ». Invoquant les dispositions du droit communautaire sur la libre circulation des travailleurs, Mlle Van Duyn demande à la High Court of Justice britannique de constater qu’elle a le droit de séjourner au Royaume-Uni pour y exercer un emploi salarié.
Saisie d’une demande de décision préjudicielle par la High Court, la CJCE développe là encore un raisonnement téléologique. Elle répond alors que la directive est directement applicable et confère aux particuliers des droits que les juridictions nationales doivent sauvegarder. En 1979 (affaire Ratti), la CJCE précise sa jurisprudence et reconnaît que la directive est dotée de l'effet direct à partir du moment où le délai de transposition est expiré et que les dispositions sont claires et précises.
Cette décision a été très contestée, notamment par le Conseil d’Etat français (la décision Cohn-Bendit de 1978 refuse le principe de l’applicabilité directe des directives) qui a finalement décidé de retourner sa jurisprudence dans les années 90.
B) L’arrêt Simmenthal (9 mars 1978) : la primauté du droit communautaire sur toute norme juridique nationale même postérieure au traité
La conséquence directe de la primauté du droit communautaire est de rendre inapplicable le droit national contraire. Si la question est simple, s’agissant de lois antérieures, qui, de facto, sont considérées comme étant abrogées, le problème s’est posé pour l’application d’une loi nationale postérieure.
Le 9 mars 1978, tranchant la question une fois pour toutes, la Cour affirme que " le juge national a l’obligation d’assurer le plein effet des normes communautaires, en laissant au besoin inappliqué, de sa propre autorité, toute disposition contraire nationale, même postérieure, sans qu’il y ait à demander ou attendre l’élimination de celle-ci par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel ". Une règle nationale postérieure contraire au droit communautaire doit donc être écartée par le juge national.
Bibliographie : J. Boulouis, M. Darmon, J.-G. Huglo, Contentieux communautaire, Dalloz, 2001 J-L. Sauron, Droit et pratique du contentieux communautaire, Réflexe Europe, 1998 J. Boulouis, Droit institutionnel de l’Union Européenne, 1997 K.-D. Borchardt, L’ABC du droit communautaire (http://europa.eu.int/eur-lex/fr/about/abc/index.html) Cours de droit communautaire de J.L. Dewost (1ere année IEP Paris) |