Les spécificités de la fonction publique européenne
I/ Une fonction publique représentative d’une Communauté élargie.
A.
Une fonction publique inspirée de différents modèles.
1.
L’influence de différentes sources.
2.
Une fonction publique de carrière
n’excluant pas le rapport au politique.
B.
Une fonction publique liée aux impératifs communautaires.
1.
La pluralité des membres de l’Union Européenne.
2.
Quels liens avec les partenaires nationaux ?
II/ Une fonction publique
qui se cherche encore.
A.
Une fonction publique récente.
1.
Des effectifs restant limités.
2.
Des évolutions nombreuses.
B.
Une fonction publique appelée à évoluer.
1.
Les lacunes de la fonction publique européenne.
2.
Des réformes progressives.
Quelles sont les spécificités de la fonction publique
européenne ?
Introduction.
La fonction publique est constituée de
l’ensemble des agents de l’Etat et de l’ensemble des fonctionnaires. Pour
l’Union Européenne, ce terme désigne l’ensemble du personnel employé par les
institutions communautaires, régi par un statut commun, le Statut des
fonctionnaires des Communautés Européennes ( février 1968). La notion de
« fonction publique » est donc différente de celle d’administration, qui désigne
l’ensemble des services de l’Etat. Il s’agit dans cet exposé de présenter la
structure de la fonction publique européenne, mais aussi les stratégies
d’acteurs qu’elle suscite au sein de l’Union Européenne et dans les Etats
membres.
La fonction publique européenne est une
dimension importante de la construction communautaire, même si elle ne trouve
généralement qu’une place marginale dans l’étude de l’Union Européenne. Celle-ci
dispose d’un corps permanent de fonctionnaires à son service, afin d’élaborer et
de mettre en œuvre ses actions. Le choix d’une fonction publique indépendante
est fondamental. En n’optant pas pour une administration communautaire composée
de délégations des administrations nationales, l’UE se donne les moyens de
l’intégration. La fonction publique européenne est dotée d’une structure
complexe. Au sens large, elle est composée de trois catégories de
personnel : les fonctionnaires, les autres agents, et le personnel extérieur.
Chaque institution recrute et gère de façon autonome son personnel.
En quoi la fonction publique européenne
s’inscrit-elle dans le projet d’intégration européenne ?
Tout d’abord, on verra que la fonction publique
européenne représente un modèle original correspondant au statut spécifique de
l’Union Européenne. Cependant, c’est une fonction publique qui se cherche
encore, reflétant en cela les incertitudes pesant sur l’UE.
I/ Une fonction publique représentative d’une Communauté élargie.
A. Une fonction publique
inspirée de différents modèles.
1.
L’influence de différentes
sources.
Le problème de la structure de la fonction
publique européenne se pose car les Etats membres de l’Union européenne n’ont
pas de culture commune en matière de fonction publique. En fait, différentes
influences sont à l’origine d’un modèle sui generis.
Tout d’abord, la fonction publique européenne
mêle deux types de caractéristiques. D’une part, elle a des similitudes avec les
fonctionnaires internationaux : c’est le cas des « autres agents », qui
concluent un lien contractuel avec l’UE comme ils le feraient avec une
organisation internationale. D’autre part, elle garde des caractéristiques
propres aux fonctionnaires nationaux .
A cet égard, le modèle européen de fonction
publique s’est inspiré de sources nationales différentes. Certains spécialistes,
tels que Pierre-Alexis Ferral (membre du comité du statut des fonctionnaires des
Communautés européennes) affirment que la fonction publique européenne s’est
largement inspirée des modèles français et belge, car on y retrouve les notions
de nomination, statut, carrière, et recrutement par concours. Cependant,
d’autres, à l’instar de Jacques Ziller (professeur à l’Institut universitaire
européen) assurent au contraire que le système de fonction publique européenne
paraît plus proche de l’administration allemande ou du civil service
britannique. Pour lui, l’existence d’un statut, en tant qu’ « instrument
législatif général réglant les rapports de travail entre les fonctionnaires et
leur employeur », est commune à toute l’Europe. De plus, le mode de recrutement
par concours de la fonction publique européenne diffère, comme on va le voir, du
système français. Enfin, la fonction publique communautaire ignore une
caractéristique essentielle de la fonction publique française : l’organisation
en corps. En vérité, la fonction publique européenne apparaît donc comme un
système composite s’inspirant des différents modèles des Etats membres.
2.
Une fonction publique de
carrière n’excluant pas le rapport au politique.
On retrouve cette pluralité des modèles
d’inspiration dans un aspect déterminant de l’analyse d’une fonction publique :
le rapport au politique. La fonction publique européenne présente les
caractéristiques d’un système fort de fonction publique de carrière sans que les
autorités administratives soient totalement indépendantes des autorités
politiques.
Tout d’abord, la fonction publique européenne est à
bien des égards indépendante de la sphère politique : c’est une fonction
publique de carrière. Elle est soumise à un texte unique, le statut des
fonctionnaires des Communautés européennes et au régime applicable aux
autres agents (dit RAAA). Les fonctionnaires et les autres agents sont donc
employés sur la base des mêmes réglementations. La carrière des fonctionnaires
européens est organisée par ce texte.
Il existe cinq catégories d’agents statutaires :
les agents permanents, ou fonctionnaires, et les autres agents, répartis en 4
groupes : les agents temporaires, les agents auxiliaires, les agents locaux, et
les conseillers spéciaux. En dehors des agents statutaires, il existe également
un « personnel extérieur », dont le nombre s’élève à 5000 personnes, qui ne sont
pas soumis au statut ou au RAAA mais à un « code de bonne conduite ».
Par ailleurs, la fonction publique européenne est
structurée en grades et catégories, au sein desquels une promotion indépendante
des aléas politiques est assurée. Les catégories correspondent à des fonctions
différentes. Par exemple, au sein de la Commission, la catégorie A est chargée
de l’élaboration des politiques ou de l’application de la législation
communautaire. Les interprètes et traducteurs sont regroupés dans la catégorie
LA. La catégorie B est chargée de recueillir et analyser les informations
nécessaires soit pour élaborer les politiques, soit pour faire respecter la
législation. Enfin, les tâches de soutien (secrétariat, archives…) sont
exécutées par les fonctionnaires de catégories C et D.
La carrière normale permet
aux agents d’accéder au sommet de leur catégorie (divisée en grades) au sommet
de leur carrière pour les catégories D, C et B. La passage à une catégorie
supérieure est également possible. La promotion des fonctionnaires européens
dépend du comité de promotion, où sont notamment présents les
représentants du personnels élus tous les deux ans. Les critères sont de deux
ordres : le mérite, établi par un rapport de notation, et des éléments
objectifs (âge, ancienneté…). Les propositions de promotion sont établies par le
directeur, qui s’est entouré des avis de ses adjoints et des représentants du
personnel. C’est au comité de promotion que revient la décision de promotion. On
voit que le mécanisme de promotion est central en ce qui concerne la stratégie
des fonctionnaires au sein de la commission : elle les incite à agir en faveur
de leur institution et même de leur service, puisque c’est d’eux que dépend leur
avancement. La promotion est ainsi un moyen pour la fonction publique européenne
de s’assurer de la dévotion de ses agents.
En revanche, la fin normale
de carrière pour les agents de catégorie A est A3. Cela s’explique par les liens
forts entre les postes administratifs supérieurs et le politique. En effet, il
existe dans la fonction publique européenne, au sein de la commission, une
frange de hauts emplois qui correspondent aux notions allemande de
« fonctionnaire politique », espagnole de « libre désignation » et française
d’«emploi à la discrétion du gouvernement ». On parle ainsi de « politisation
statutaire » pour les agents A1 et A2 de la Commission (directeur général et
directeur). Ces agents ne sont pas recrutés par concours, et leur emploi peut
leur être retiré dans l’intérêt du service. De plus, il faut aussi noter que la
pratique tend à accroître la politisation des autres fonctionnaires. En effet,
certains agents temporaires du grade A sont également « parachutés » au moment
des changements de commission. Les liens entre la fonction publique
européenne et le politique restent donc relativement flous, surtout pour les
plus hauts emplois. Par exemple, le statut des commissaires européens et de
leurs proches conseillers pose problème, qui assurent des fonctions pleinement
politiques. Cela a des conséquences importantes sur la façon dont les acteurs
perçoivent la fonction publique européenne, qui semble alors un lieu de pouvoir
important.
B. Une fonction publique
liée aux impératifs communautaires.
1. Une fonction publique multinationale.
Les différentes nationalités et le multilinguisme
au sein de l’Union Européenne marquent profondément la structure de la fonction
publique européenne. En son sein, le critère de nationalité interdit la
monopolisation des emplois, et surtout des plus hauts, pour un pays. On peut
supposer que la nationalité joue un rôle relativement important dans la
carrière. En effet, au sein de la Commission, les fonctionnaires ressortissants
de certains pays sont plus présents, ou au contraire quasi absents, de
certaines directions générales. Par exemple, l’Allemagne est très largement
représentée aux affaires économiques ou à l’environnement, tandis que la France
a une représentation assez équilibrée.
De plus, le multilinguisme fait peser des
contraintes importantes de traduction et d’interprétation sur la fonction
publique européenne. Depuis 1995, 11 langues sont parlées, ce qui donne 110
combinaisons possibles. On peut aussi mentionner la multiplicité des lieux de
travail, entre Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg. La pluralité est une
richesse, mais elle a aussi un coût : dans le budget 2000 du Parlement Européen,
la dispersion géographique et le multilinguisme représentent 50 % des dépenses.
Le caractère multinational de la fonction publique européenne a des conséquences
importantes sur son mode de recrutement. Ce recrutement a lieu par concours
différenciés selon le niveau des diplômes et l’expérience professionnelle des
candidats. La réussite aux concours n’implique pas une nomination immédiate car
l’attribution des postes se fait en fonction des nécessités. Le recrutement se
fait « sur une base géographique aussi large que possible parmi les
ressortissants des Etats membres de l’Union ». De plus, « aucun emploi ne doit
être réservé aux ressortissants d’un Etat membre déterminé ». Ainsi, les
résultats des concours sont corrigés lorsqu’une nationalité a un nombre trop
élevé de lauréats. Il s’agit de choisir, à égalité de valeurs, celui ou celle
dont les services ont besoin, les postes étant bien définis.
Les concours de la
fonction publique européenne sont extrêmement sélectifs. Cela revêt une grande
importance au niveau des acteurs, au moment de déterminer leur carrière. Il peut
sembler en effet plus sûr d’entrer dans une fonction publique nationale que dans
la fonction publique européenne. Ce fait est renforcé par l’importance du
critère de nationalité et de ses contraintes. Par exemple, avec l’élargissement,
le recrutement de fonctionnaires européens ressortissants de « grands » pays,
tels que la France ou l’Allemagne, va nécessairement diminuer.
2. Quels liens avec
les partenaires nationaux ?
La fonction publique européenne a pour principale
caractéristique d’être indépendante. Cette indépendance est assurée par
différentes moyens. Les
fonctionnaires européens bénéficient de rémunérations plus élevées pour
être assez attractives et permettre ainsi aux institutions européennes de
recruter des fonctionnaires qualifiés et détachés des intérêts nationaux.
De plus, les fonctionnaires communautaires ont un devoir de réserve à assumer
qui leur demande loyauté et probité à l’égard de l’Union européenne. Ils
doivent s’abstenir de « tout acte incompatible avec le caractère de leur
fonction », comme recevoir des instructions de leur gouvernement. Enfin, le
mécanisme de carrière assure également leur indépendance.
Cependant, cela n’exclut pas une collaboration de
la fonction publique européenne avec les entités nationales. Cela s’explique par
le fait que la construction communautaire ne peut être menée à bien que par la
collaboration entre fonction publique européenne, et les administrations
nationales, régionales ou locales, ainsi que le secteur privé dans certains
domaines. L’association avec les administrations nationales peut recouvrir deux
modalités : d’une part, la fonction publique européenne associe les
administrations des Etats membres à la production des normes communautaires ;
d’autre part, elle coopère avec les administrations des Etats membres dans
l’application des décisions communautaires. L’objectif de cette coopération est,
selon la Commission, non seulement d’assurer une plus grande efficacité de la
fonction publique européenne, tout en garantissant son indépendance, mais aussi
de promouvoir « une culture administrative commune parmi les fonctionnaires des
administrations nationales et de la Commission en insufflant un esprit
d’équipe ».
Il reste que la nature des rapports entre la
fonction publique européenne et ses partenaires pose certains problèmes. Le
caractère mixte du système communautaire en ce qui concerne les rapports entre
la fonction publique européenne et les entités nationales nuit à la lisibilité
du système. La fonction publique européenne peut ainsi apparaître parfois comme
le jouet des logiques nationales. Les Etats membres sont accusés de chercher à
agir directement au niveau des fonctionnaires européens. Ainsi, la politique des
experts nationaux détachés est souvent dénoncée car elle renforcerait la
politisation de la fonction publique communautaire et risquerait de déboucher
sur l’intergouvernementalisation de la Commission. C’est d’ailleurs pour cette
raison que le nombre de ces experts nationaux détachés est plafonné à 600.
En outre, une autre difficulté réside dans le
lien entre la fonction publique européenne et les lobbies. Elle subit en effet
l’influence des lobbies institutionnels mais aussi d’entreprises privées, ou
associations de consommateurs. La Commission est demandeuse d’un dialogue avec
les lobbies pour pallier un manque d’information sur des sujets parfois très
techniques. Cependant, l’actuelle prolifération de ces derniers peut prendre,
selon certains observateurs, un caractère incontrôlé entraînant une allégeance
de la Commission à ces groupes de pression.
II/ Une fonction publique
qui se cherche encore.
A. Une fonction publique
récente.
1.
Des effectifs limités.
Même si le nombre de fonctionnaires a
considérablement augmenté du fait de l’élargissement de l’Union européenne et
l’acquisition de nouvelles tâches, la fonction publique européenne reste d’une
taille particulièrement modeste par rapport aux fonctions publiques des Etats
membres. En 1995, la fonction publique européenne comprenait environs 27 000
membres qui se répartissaient de la façon suivante : 14 000 pour la Commission
européenne, 5000 dans ses organes décentralisés, 3 800 pour le Parlement
européen, 2 300 pour le Conseil et 1900 pour la Cour de Justice, la Cour des
comptes européenne, le Comité économique et social, le Comité des régions. En
2000, le personnel travaillant, sous divers statuts, au sein des institutions
communautaires est estimé à 36 000 personnes, la Commission employant en tout
20 000 personnes. A titre comparatif, la ville de Paris employait en 1995 36000
personnes. Les effectifs de la fonction publique européenne sont donc
relativement faibles, ce qui pourrait nuire à son efficacité. Le petit
nombre de fonctionnaires explique la nécessité, pour la Commission en
particulier, de déléguer des compétences aux instances nationales qui tentent
par ce moyen de récupérer un certain pouvoir.
Cependant, augmenter considérablement les effectifs pourrait
également être nuisible car comme le soulignait le premier président de la Haute
Autorité : « le penchant à créer une administration dotée de toutes les
fonctions nationales, auquel s’ajoute le souci d’équilibrer les effectifs de
chaque pays, aboutit à une inflation du personnel et des clivages sensibles à la
circulation des idées ».
2. Des évolutions conséquentes.
L’évolution de l’Union Européenne a des
conséquences très importantes sur sa fonction publique. Ainsi,
l’approfondissement, par l’augmentation des compétences des institutions
européennes, et l’élargissement, par la croissance du nombre d’Etats membres,
ont une influence déterminante sur la fonction publique européenne. Alors que
Jean Monnet l’imaginait comme « quelques centaines de fonctionnaires européens
pour mettre au travail des milliers d’experts nationaux », les effectifs ont
considérablement augmenté depuis 1951. L’accroissement des compétences explique
d’abord une augmentation importante des effectifs : ainsi de 693 fonctionnaires
en 1957, avant la signature du Traité de Rome, on passe à plus de 11 000 en
1967. L’élargissement est lui aussi à l’origine de l’évolution de la fonction
publique européenne : au moment du dernier élargissement de 1995, la Commission
se fixe par exemple des objectifs pour le recrutement des fonctionnaires
ressortissants des 3 nouveaux Etats membres, à savoir plus de 1000
fonctionnaires.
Par ailleurs, un autre facteur a une influence
importante sur l’évolution de la fonction publique européenne : les
modifications de l’équilibre institutionnel au sein des Communautés européennes.
En effet, on assiste à un relatif déclin de la Commission au profit du Conseil
et surtout du Parlement Européen. Les effectifs n’augmentent en effet pas dans
les mêmes proportions : de 1968 à 1980 : +69% pour la Commission, +177% pour le
Conseil, et +369% pour le Parlement, alors que la Cour de Justice voit ses
effectifs augmenter de 188%.
B. Une fonction publique
appelée à évoluer.
1.
Les difficultés de la fonction
publique européenne.
Comme la plupart des autres fonctions publiques, la
fonction publique communautaire se trouve confrontée à de nombreuses
difficultés. Ces difficultés sont de deux ordres : « classiques », c’est à dire
commune à la plupart des fonctions publiques, et spécifiques.
Les difficultés « classiques » sont d’abord
financières. Elles sont relatives à la crise chronique des finances publiques, à
l’augmentation des charges sociales ou au nombre toujours plus important de
fonctionnaires européens à rémunérer. Ainsi, la fonction publique européenne est
menacée par une diminution de ses moyens d’action, à cause de difficultés
financières. En effet, malgré l’accroissement des tâches qu’elle doit assumer,
les crédits de fonctionnement diminuent. Ces faibles moyens sont révélés par le
poids des dépenses liées à la fonction publique dans le budget 2000 : 5%.
Mais les difficultés « classiques » de la
fonction publique européenne sont aussi organisationnelles. Elles sont liées à
l’organisation critiquée des concours de recrutement, à la gestion peu
transparente des carrières ou au manque de perspectives professionnelles. Ainsi,
le premier rapport d’experts indépendants sur « les allégations de fraude, de
mauvaise gestion et de népotisme à la Commission européenne », qui a provoqué la
démission de la Commission Santer en 1999, a remis en cause la fonction publique
européenne. Il a notamment révélé les dysfonctionnements du contrôle
hiérarchique interne.
Enfin, il existe des difficultés spécifiques au
processus d’intégration communautaire. La plus marquante est la préparation de
l’élargissement à venir de l’Union européenne, notamment dans le recrutement de
nouveaux fonctionnaires travaillant dans de nouvelles langues.
2.
Une fonction publique appelée à
évoluer.
Ainsi, il apparaît nécessaire de réformer une
fonction publique qui, si l’Europe a connu des évolutions considérables depuis
1957, est elle toujours régie par le statut de 1968.
La réforme de la fonction publique européenne a
pour caractéristique d’être progressive. Elle connaît différentes étapes. Le 30
avril 1997 sont adoptées les orientations générales d’un programme de
modernisation de l’administration et de la politique du personnel (MAP 2000),
qui visent à renforcer le rôle de la fonction publique communautaire dans
l’intégration européenne. Des modifications substantielles du statut font
également le sujet d’un projet. Cependant, ces propositions de réformes
provoquent des tensions sociales, puisque une grève très suivie de la fonction
publique européenne se déroule le 30 avril 1998. Une nouvelle tentative de
réforme est engagée avec un « groupe de réflexion sur la politique du
personnel » dit groupe Williamson. Il est constitué de représentants de
l’administration et des syndicats. Il réfléchit aux modalités d’application du
statut et à de possibles adaptations. Le rapport de ce groupe concerne
essentiellement la Commission, mais il est présenté le 5 novembre 1998 à
l’ensemble de la fonction publique européenne car les thèmes abordés intéressent
toutes les institutions communautaires. Enfin, le 1er Mars 200, la
Commission adopte un « livre blanc sur la réforme » qui donne le véritable
départ d’un plan d’action ambitieux dont la réalisation sera progressive.
La stratégie de la réforme s’articule autour de
trois grands pôles : équilibrer les tâches par rapport aux ressources, réformer
l’encadrement et la gestion des ressources humaines pour renforcer l’efficacité,
améliorer la gestion financière. La réforme a également pour but de créer une
culture de service. Ainsi, un « code de bonne conduite administrative » publié
par la Commission en octobre 2000 définit la conduite que le public est en droit
d’attendre des fonctionnaires européens.
Conclusion.
En conclusion, la
fonction publique européenne apparaît comme dotée de spécificités importantes.
Tout d’abord, elle est indépendante. De plus, elle a un caractère composite qui
résulte des différentes influences subies. C’est une fonction publique de
carrière qui n’exclut pas tout rapport au politique. Elle est multinationale.
Elle a des liens ambigus avec les partenaires nationaux. C’est l’ensemble de ces
caractéristiques qui fait de la fonction publique européenne un modèle original.
Mais en réalité, la fonction publique européenne se cherche toujours. Ainsi, son
caractère récent est décelable, et elle est également appelée à évoluer.
Il semble que la nature
de la fonction publique européenne soit largement liée à la conception de
l’Europe privilégiée. Elle peut être en effet supranationale ou constituer
simplement une délégation des administrations des Etats membres. Le processus
d’intégration communautaire, un « OPNI », comme le qualifiait Jacques Delors,
demande donc que soit pensé un modèle spécifique pour la fonction publique
européenne.
On peut s’interroger
sur la légitimité de la fonction publique européenne. Il semble qu’aujourd’hui,
elle soit perçu par les acteurs comme un enjeu important de pouvoir, où des
décisions importantes peuvent être prises. Le citoyen lui même dénonce parfois
l’ « eurocratie » ou les « bureaucrates de Bruxelles », ce qui montre bien
qu’elle a un poids conséquent dans la gouvernance européenne.
Bibliographie.
-
Bodiguel (JL), « La fonction publique européenne », in Revue
internationale des sciences administratives, vol.61, septembre 1995.
-
Coll, « L’administration de l’Union européenne », in Revue française
d’administration publique, n°95, 2000.
-
Antonio Figueiredo Lopes, « CEE : la spécificité de la fonction publique
communautaire : la Commission », in Revue française d’administration
publique, n°55, juillet-septembre 1990.