Nations, nationalismes et Etats-Nations en Europe au XXème siècle

 

Trajectoire et typologies des Etats-Nations en Europe Occidentales

 

Intro :

Dans ce cours, on doit un peu sortir du XXème pour mettre les pieds au XIXème

Langues, histoire nationale, roman national (forme épique du récit du passé), cadre politique et culturel national, système économique et social, imaginaire national. Le premier horizon mental d’un européen est celui de la nation.

 

I. Nation et nationalisme

II. Construction et typologie des Etats nations en Europe

 

I) Quelques définitions de la nation et du nationalisme.

 

L’histoire, pendant très longtemps, a été au service de la construction nationale. Les historiens avaient au XIXème siècle tendance à exalter le passé du pays pour légitimer l’entreprise de construction nationale : l’histoire savante est intimement liée à la nation

La sociologie, quant à elle, a été longtemps tenue à l’écart de cette préférence nationale…

 

1) Deux conceptions classiques de la nation

 

Marcel Mauss (neveu de Durkheim). Un des rares textes de sociologie sur la nation.

« La nation, c’est une société matériellement et moralement intégrée à pouvoir central stable, à frontière déterminée, à relative unité morale, mentale, et culturelle. Les habitants adhèrent consciemment à l’Etat et aux lois de cette nation. »

Cette définition est typiquement française, marquée par l’histoire de France et l’héritage de Durkheim. Mauss insiste sur le rôle de l’Etat, sur la cohérence de l’Etat-nation. Une nation, ça a sa civilisation, sa mentalité, etc. Ca forme un tout cohérent. Cf Durkheim : la nation s’impose de l’extérieur comme conscience à ceux qui composent la nation, c’est une notion objective, elle s’impose comme une réalité venue de l’extérieur.

 

Max Weber. Il définit la nation par un ensemble de caractéristiques objectives liées à un groupe. Il peut y avoir des liens du sang, des coutumes qui rassemblement objectivement une nation, une religion. Il ne nie pas ces caractéristiques objectives : pour qu’il y ai une nation, il faut qu’il y ai une descendance commune. Mais cependant, il insiste sur le fait que la nation ne provient pas seulement de la maîtrise de dispositions semblables, il faut qu’il y ai un sentiment subjectif d’appartenance à la nation. Il faut un partage de représentations communes. Il faut un sentiment subjectif d’appartenance à une même communauté, une forme de croyance, et dans le registre de la croyance, cela peut devenir dans certains cas une passion.

 

2) Deux définitions contemporaines de la nation

 

On tend de plus en plus à mettre ensemble ces deux définitions, objectives et subjectives. Au fur et à mesure qu’on construit l’Europe, on a une interrogation renouvelée autour de la définition de la nation : on cherche soit à l’oublier, soit à en préserver quelques aspects.

 

GIl Delannoi : in Théories du nationalisme : définition large à partir de 3 éléments

- une communauté de représentation. Suppose tout un travail historique : il y a des mythes communs, plus ou moins intensément partagés.

- La nation, ça suppose la rencontre d’un Etat et d’une culture. Il insiste sur la dimension du rôle de l’Etat, qui doit créer une sorte de culture légitime.

- La nation, c’est une volonté de vivre ensemble. « La nation c’est une plébiscite de tous les jours. »

 

 

Dominique Schnapper : in La communauté des citoyens, sur l’idée moderne de nation

Elle insiste sur une définition plus politique de la nation : pour qu’il y ai une nation, il faut qu’il y ai une souveraineté qui s’exercer à l’intérieur (pour intégrer les populations qui en font partie) et à l’extérieur (pour participer d’un ordre mondial). La nation a été une communauté de citoyens, a représenté un ordre politique. Peut on encore parler de communauté de citoyens dans le cadre de l’Etat-nation ? Cette définition est plus restrictive et plus marquée d’un point de vue politique.

 

3) Le nationalisme

On s’appuie ici sur les travaux de John Breuilly, in Nationalism and State

Pour lui, le nationalisme, c’est avant tout une idéologie. Il peut y en avoir plusieurs types d’idéologies : nationalisme d’unification, de séparation (affirmer une nation dans un autre cadre), de type agressif, de type réformiste… C’est une idéologie qui se marie avec des sentiments, qui jouent sur la démesure du sentiment d’appartenance à la nation.

C’est également une stratégie développée par des groupes, par des acteurs politiques, cf Anthony Smith : les nouveaux prêtres, qui développent la religion de la nation. Ce sont alors des formes d’action.

Enfin, c’est une identité collective proposée aux populations et qui a un besoin permanent d’inventer des mythes originels de la grandeur perdue ou à retrouver de telle ou telle nation.

 

II. Construction et typologie des Etats-nation en Europe.

 

1) Comprendre l’essor des Etats-nation

 

On retrouve dans les travaux de ceux qui se sont intéressés à cette question deux matrices d’analyse.

La première est celle qui lie le développement des E-N à des phénomènes sociaux et économiques : c’est avant tout un processus social, pour eux.

Karl Deutsch, Ernest Gellner, Benedict Anderson, Eugen Weber : il y a eu en Europe au XIXème siècle un essor économique, qui généralise les moyens de communication et d’échange. Cela entraîne la constitution d’une espace national. De même, alphabétisation et communication de masse. La nation est le produit mécanique de la modernisation éco et sociale, chez Deutsch. Gellner va plus loin dans Nations et nationalisme : la société capitaliste industrielle a besoin de donner une formation solide, standardisée, et par conséquent on va standardiser les langues nationales, unifier le système éducatif et donc on aura le développement de grandes nations. L’homogénéité culturelle est une nécessité économique. Chez Anderson : Tout va aboutir à cette représentation d’un univers national. Alphabétisation + grands journaux populaires (cf Hegel : la prière moderne de tous les jours) : les gens lisent le même journal qui parlent du même espace national : ils sont dans la même communauté imaginée. Pourtant, ils sont des individus, ils ne se connaissent pas, ils ont simplement un même espace de représentation. Weber : consacre de nombreux travaux à la France, dont La fin des terroirs : le capitalisme et la société moderne désenclavent les marchés et les territoires, voilà les paysans du sud de la France qui découvrent qu’ils peuvent vendre leurs produits au-delà du marché local. L’univers de représentation n’est plus la place du village mais l’espace national.

 

Inversement, d’autres auteurs insistent sur la dimension politique, c’est la matrice la plus connue.

Birnbau : et Cokkaw : la construction des E-N résulte avant tout d’un processus politique, on insiste sur la prééminence de l’Etat, qui forge la nation, il n’a pas simplement le monopole de la violence physique, il forme des identités et des cultures nationales, délimite les frontières, crée un sentiment national et le consolide (système éducatif, service militaire, symbolique nationale), il participe de la formation et de la cloture de l’espace national. Ces historiens insistent sur l’autonomie de la politique. L’E-N est le produit de cette imposition de sens politique. Cf l’invention fin XIXème/début XXème de la carte d’identité nationale.

 

2) Etablir une typologie

on oppose la conception Allemande et la conception Française de la nation, après la guerre de 1870, à propos de l’Alsace. On donne pour référence le texte de l’historien allemand Theodor Mommsen (1817-1903) : il propose des critères ethniques, culturels et linguistiques. Alsace : langue germanique, population germanique, donc allemande…

En France, Fustel de Coulanges (1823-1892) : ce n’est pas du tout la langue ou la race qui définit la nation, mais la volonté, le plébiscite de tous les jours. Si les alsaciens décident d’être français, ils peuvent être français.

Cette opposition est devenue un stéréotype : d’un côté la def allemande, ethnico culturelle, et débouche sur le droit du sang, et de l’autre côté la magnifique déf politique de la France : la nation résulte d’un contrat civique issu de la volonté libre des individus.

 

A partir de ça, on répartit les pays Européens : All = Suisse + Suède, et du côté de la France les autres…

 

Pourquoi une pointe d’ironie dans la voix de notre cher lazarounet ? Parce que beaucoup d’historiens nuancent la radicalité de ces opinions.

Brubacker , in Citoyenneté et nationalité en France et en Allemagne, et P. Weil, Qu’est qu’un Français ? Histoire de la nationalité depuis la révolution française. Ces deux auteurs montrent qu’il n y a pas une opposition figée et systématique entre les deux modèles, qu’il y a eu des évolutions historiques. Il montre qu’on est passé en France du droit du sang au droit du sol selon les périodes, et que ce droit du sol ne résulte pas tjs d’une fameuse volonté politique mais par la volonté d’assurer l’intégration les populations étrangères.

La typologie mérite d’être largement nuancée : elle doit être historicisée selon les périodes.

 

3) Modalités de la construction des E-N

Distinction en deux points : déjà sur la périodisation des E-N.

On peut distinguer 4 phases sur l’Europe du XXème siècle (un peu élargie)

- de la fin du XIXème à 1918 : la phase de la montée en puissance des E-N, du développement des nationalismes, du déchainement des nationalismes pendant la première GM. WW1 : affirmation des Etats-Nations, qui se définissent par rapport aux autres.

- 1919-1945 : une période de contraste. D’un côté, nous avons de nouveau une exacerbation des nationalismes et même un accaparement de ces nationalismes par l’extrême droit fasciste et nazie. D’une certaine façon, une forme de nationalisme est déligitimée après la WW2. D’une autre façon, il s’engage en Europe une réflexion critique sur ces mêmes nationalismes. Cela aboutit sur une tentative avortée pour résoudre définitivement l’antagonisme franco-allemand, et s’engage également une volonté de dépasser l’Etat-nation en Europe. Une réflexion sur le déclin de l’Europe face à la montée des USA s’amorce. EN 1945, l’Europe s’en rend véritablement compte.

- 1945-milieu des années 50 : renouveau des E-N, et condamnation des nationalismes, qui sont condamnés comme des idéologies ayant abouti à la WW2, associés aux fascismes. Cette répudiation du nationalisme s’appuie dans la durée, selon Lazarounet jusqu’à nos jours. Cette stigmatisation du nationalisme n’interdit cependant pas un court renouveau des E-N. Chaque E-N essaie de recouvrer sa souveraineté, et glorifie ses réalités nationales pour une courte période. Certains pays vont même tenter de s’affirmer par rapport à la puissance soviétique et américaine (cf la France… gniark gniark gniark)

- A partir du milieu des fifties : engagement de la construction européenne et débat sur le devenir de l’E-N. Ce débat se poursuit jusqu’à nos jours, avec la question « faut il dissoudre les réalités de l’EN dans un ensemble plus vaste ? ». Cette question récente déstabilise les sociétés européennes aujourd’hui.

 

D’autre part, comment construit-on des identités nationales ?

Cf Anne-Marie Thiesse : la construction des nations européennes relève de tout un travail de construction, chaque EN doit avoir une checklist : chacun doit remplir certains critères :

- déterminer d’où l’on vient (ancêtres héroïques, actes de filiation, élaborer un roman de la nation, mettre en exergue des éléments du folklore national.

- Les populations doivent identifier leurs territoires. C’est à la même époque que dans tous les pays on invente les guides nationaux. Les pays cherchent le plus haut sommet, sensé symboliser la puissance nationale. C’est également l’invention du tour cycliste.

 

Elle veut nous montrer ce sentiment subjectif d’identification à une même communauté, c’est un travail permanent, il va être fait systématiquement à partir des couleurs du pays. En Allemagne, après 45 : on reprend le drapeau de Weimar, on a du mal à trouver une fête nationale… On choisit des fêtes qui développent un double refus : le nazisme et le communisme. 30 janvier = fête de commémoration. 17 juin : fête de l’unité. De même, énorme difficulté en Italie après la guerre, on reprend le drapeau tricolore en enlevant l’emblême de la famille royale. On cherche un symbole, et c’est pas évident : l’Etat Républicain a les plus grandes difficultés à provoquer de l’adhésion à la république et à la nation, il n y pas de 14 juillet en Italie.

 

Conclusion :

Dans tous les cas, processus de construction des EN : la nation est au cœur de l’Europe, et au cœur des inquiétudes des Européens.

Message du forum : Attention, ne copiez pas cette fiche pour la rendre comme votre travail, ce n'est ni utile pour apprendre, ni honnête. De nombreux outils de détection du plagiat existent et vous serez donc détectés par votre professeur. Servez-vous en plutôt comme outil d'apprentissage, d'approfondissement ou de révision.