Les mutations actuelles de l'Etat-providence
Introduction :
Pression néolibérale : supprimer
l’Etat social. Rarement présentée sous une forme aussi pure.
Autre tendance, à l’opposé :
préserver, voir renforcer l’Etat social
Troisième position : oui à
l’Etat social, mais réformé, modernisé (social-démocratie)
Eventuellement une quatrième :
les populistes d’extrême droit, elle prend à contre-pieds toutes les autres
forces politiques. Etat social acquis, mais doit être réservé aux nationaux.
Réformes en France, Autriche,
Portugal, et bientôt Italie.
Importance de l’Etat social : cf
le point de vue historique.
EN 1991 : Eurostat : les
transferts en espèce ou en nature opérés à travers les mécanismes de la
protection sociale dans l’UE s’étage entre un peu moins du 20% du PIB (Portugal)
à un peu plus de 33% (Pays-Bas). Cela représente qqch d’énorme !
I) La déstabilisation de
l’Etat-providence
1) Les effets de la
mondialisation
- mondialisation financière :
énorme développement du transfert des capitaux, hors d’atteinte des différents
BCN en Europe et bientôt de la BCE. Elle limite les possibilités des
gouvernements nationaux de jouer leur politique
- la mondialisation de la
production : développement de la compétition mondiale, délocalisation des
entreprises, changement de la DIT au niveau planétaire.
- la mondialisation
institutionnelle : nouvelles règles du jeu qui se déroulent sans qu’il y ai des
organismes capables de les organiser.
- la mondialisation des idées :
poussée de néolibéralisme : produit d’exportation des USA trop facilement repris
en Europe
2) Les transformations des
sociétés
- perte de stabilité : sur le
marche de l’emploi et dans la famille
- européen moyen des années
40-70 : idéal-type : plutôt un européen qu’une européenne : emploi
stable pour la vie (public ou privé), conscience de classe (surtout quand il est
d’origine ouvrière : nous et eux), croissance presque continue de ses
revenus, longue activité professionnelle suivie d’une courte période de
retraite, avec une femme qui exerce un emploi et qui a tendance à y renoncer
avec la première naissance : s’occupe des enfants, mais aussi des personnes
âgées qu’on recueille sous le toit familial. La pauvreté et le chômage sont peu
fréquents dans les foyers en activité. Corrélation forte entre chômage, pauvreté
et famille nombreuse
- cet européen a disparu
dans sa double stabilité du travail (sauf dans la fonction publique) et
familiale (énorme progrès de l’accès des femmes au marché du travail sans
aboutir au même traitement a bouleversé les conditions même de l’Etat social).
- développement massif du
chômage transforme fondamentalement les sociétés européennes
a) le chômage, la précarité, la
pauvreté
Progression du chômage en
Allemagne, France, Italie, R-U : on le voit très bien sur les graphes, avec une
poussée max dans la période 90-95.
3 grands ensembles se dégagent
actuellement, avec de moins en moins d’étanchéité entre ces ensembles. Ce qui
fait question sociale au XIXème, c’est qu’une partie menacée menace d’emmener
dans sa chute le reste de la société. On le retrouve aujourd’hui :
- déjà l’ensemble central, qui
dispose d’un emploi plus ou moins stable, et qualification reconnue, qui repose
sur un niveau de diplomation élevé. La grande nouveauté des dernières années,
c’est que même cet événement central ne se sent plus à l’abri : dans le privé,
risque de perdre son emploi de plus en plus tôt, dans le public, dévalorisation
de la mission accomplie
- personnes dans une situation
d’entre-deux, entre emploi et périodes de chômage, hyper-sensible à la moindre
variation de la conjoncture éco. Elles sont plutôt jeunes et peu qualifiées.
Variations importantes dans les stratégies de ces personnes. Ce sont des
populations que ne sortent pas des emplois à durée déterminée
Ces populations sont en voie
de désaffiliation : notion du sociologue français Robert Castel : dynamique
descendante : lien qui se perd peu à peu à la société. On a très bien
reconstitué comment ça se déroule : déjà perte de l’emploi, puis difficulté de
subvention : perte du logement (désaffiliation du lieu de résidence), puis la
famille explose : perte de famille (désaffiliation familiale), et enfin le
risque de la situation ultime : l’exclusion. On ne peut plus revenir.
L’exclusion donne une photographie, alors que la désaffiliation donne un
processus. La combinaison du chômage et de la précarité aboutit à la troisième
situation :
- la pauvreté : on la calcule à
partir de population dont le revenu est inférieur à 60% du revenu médian par
pays. On voit déjà une évolution quantitative saisissante : en 1975, en UE : 38
millions de pauvres. En 1995 : 60 millions, soit 16% de la population. Pays le
moins touché : suède. Pays les plus touchés, par ordre croissant : France,
Irlande, Espagne, Royaume-Uni, Grèce, Portugal.
Ce qui reste déterminant, c’est
la manière dont cette situation de pauvreté est perçue dans les différents pays
de l’UE : on peut distinguer 3 situations. Il y a dejà des pays où la
désaffiliation est à la fois professionnelle et concernant les réseaux primaires
de socialisation : déjà la Grande-Bretagne, et ensuite la France. Dans ces pays,
les relations professionnelles sont bien structurées dans certains pays ou
certains secteurs, mais le syndicalisme y est faible et les familles ne
remplissent plus les fonctions de solidarité, particulièrement pour les
populations les plus faibles comme les familles monoparentales. Ensuite les pays
où il y a des phénomènes de pauvreté, fussent-ils limités (Allemagne(12%),
Scandinave), où le syndicalisme est particulièrement puissant : il limite le
processus de désaffiliation sociale, l’amortisseur du syndicalisme joue :
solidarité professionnelle, monétaire, humaine. Troisième type de pays : les
réseaux de solidarité primaire jouent un rôle fondamental : rôle de la
fa mille : Grèce, Portugal, Espagne, Italie : cas très étudié dans
l’Italie du Sud, où le chômage explose (25%), mais deux phénomènes amortissent
le choc : entraide familiale et organisation du travail au noir voire de la
Mafia…
b) la santé, la démographie et
la protection sociale
L’Etat social a rallongé la
durée de la vie et augmenté les dépenses de santé pour ceux qui en ont vraiment
besoin… mais aujourd’hui, baisse de la fiscalité et moindre cotisation :
difficulté de financement.
3) La remise en cause de
l’Etat-providence
D’un point de vue plus
philosophique, question de la solidarité sociale depuis une quinzaine d’années :
n’y a-t-il pas eu une forme d’effet pervers de l’Etat social fondé au départ sur
l’idée d’une solidarité générale incontestable mais qui peu à peu se transforme
en un système individualisé de droit, où chaque individu essaie d’obtenir un
maximum de bénéfice en réduisant au maximum ses coûts. C’est le problème de
savoir sur quel contenu relancer le pacte social.
Quelles fonctions a ce pacte
social au début ?
- intégration : emploi, école et
familles.
- Protection sociale
Aujourd’hui, ces deux fonctions
ne sont plus remplies à l’identique : réflexion sur la question de l’Etat et du
rapport de l’Etat à la société.
Débat du côté des sociologues :
peu de sociologues prêtent leurs idées aux courants populistes d’extrême droit,
on s’intéresse aux autres.
II) Les mutations de l’Etat
providence
1) Le débat sur son avenir
- certains veulent
responsabiliser les individus qui se sont mis dans une position de dépendance.
Il faut faire une rupture à des années d’Etat-social. Ces sociologues ont besoin
de présenter la situation actuelle de l’Europe sous le sceau de l’apocalypse et
du déclin : les mesures sont à prendre urgemment
- à l’opposé, la sociologie
critique dénonce le déficit de l’Etat-social : la misère du monde,
Bourdieu. On ne fait même plus que receuillir le cri de la misère des pauvres
contres les élites, qui complotent pour démanteler l’Etat-social : on présente
l’Etat comme l’horreur économique, l’apocalypse, mais dans l’autre sens.
- le courant intermédiaire :
préserver l’Etat social mais repenser ses fondements. On insiste sur le
processus d’individualisation : on ne peut plus raisonner en termes globaux et
collectifs, les individus existent et peuvent avoir des parcours différents. La
politique de l’Etat social doit préserver la société générale et prendre en
compte cette démarche. L’Etat doit jouer un rôle, mais la société civile aussi
qui doit être plus présente. L’égalité doit être celle des chances tout au long
d’une vie, par exemple avec des droits systématiques et individualisés à la
formation. Il faut repenser le terme de l’égalité et non pas le supprimer.
2) L’adaptation de l’Etat
critique principale : il y
aurait un désengagement systématique de l’Etat en Europe… Or, quand on regarde
les chiffres, cela ne se confirme pas : cf le graphe.
Certes, l’Etat social s’est
retiré d’un certain nombre d’activité, mais les dépenses se sont accrues dans un
certain nombre de domaine, dont la santé, l’éducation, la formation, la
recherche.
- dans tous les pays européens,
on constate depuis une quinzaine d’années une volonté de réduire le niveau de
protection sociale. Le taux de chômage s’est élevé, mais se heurte à la volonté
de ne pas creuser les déficits publiques. Il y a d’une parte une diminution des
dépenses (on réduit par exemple la durée des allocations chômage, on fixe des
conditions plus draconiennes pour les obtenir etc. Idem en matière de retraite :
volonté de réduire le montant en modifiant les modalités du droit à la
retraite.) mais également de trouver de nouvelles ressources : relèvement des
taux de cotisation, nouvelles formes de contribution.
- dans tous les pays européens,
on enregistre la tentative de passer du gouvernement social à la gouvernance :
se dessaisir d’un certain nombre d’obligations sociales pour l’Etat et les
donner aux régions.Elles sont plus proches des personnes et sont plus en mesure
d’agir efficacement. Dans ce cas, comment répartir les allocations entre régions
riches et régions pauvres ?
- les politiques de l’ajustement
financier se traduisent par le développement de la pauvreté, variable selon les
pays, il y a un affrontement, une ligne de fracture qui est en train de s’opérer
en Europe. D’une partie, les européens sont plus tentés d’adhérer à un modèle de
type libéral, et d’autres sont plus attachés à un système de protection sociale.
Il n’y a pas eu de politique pure, à part Thatcher en Angleterre, et encore…
Quand on regarde le nombre de personnes qui dépendent des politiques sociales,
ce sont autant d’électeurs ! S’attaquer de front aux questions sociales, c’est
extrêmement risqué pour les prochaines élections…
Conclusion :
- d’un côté, Lazar croit que
l’on peut dire qu’en Europe il y a toute une série d’indicateurs qui montre
l’attachement des européens à l’Etat social, cf la question des retraites,
- mais on s’aperçoit également
que nous sommes dans un entre-deux, avec une forme d’attachement à des
politiques sociales (la reconnaissance du ventre), mais dans un certain nombre
de pays de l’UE progresse l’idée que les gens doivent subvenir eux-même à leurs
besoins. Idée de la nécessaire prise en charge par une partie des individus de
leur protection sociale. Ca ne veut pas dire obligatoirement que toutes ces
personnes sont en faveur d’une politique néo-libérale : il peut aussi y a voir
une volonté de responsabilisation des individus.
Notre Europe est une Europe qui
s’interroge : elle est attachée aux nécessités d’une politique sociale, mais
reconnaît aussi la nécessité d’une réforme…
Construction et mutations des sociétés européennes.
On avait privilégié une approche par le haut : par
l’institution étatique.