La République
La République est, pour
reprendre la formule de Maurice Agulhon, la forme Française de la démocratie
libérale.
Par son histoire, le concept de
République s’est tellement enrichi qu’il
en devient difficile de dissocier les deux acceptions principales de ce terme.
La République, c’est d’abord
un mythe, ou plutôt un ensemble de mythes, compilés en un seul. La République a
pour fonction première de symboliser le corps social. Elle doit donc se donner
en tant qu’image, en tant que représentation
unifiée.
Mais la République, c’est aussi
une organisation portée vers l’action et la
pratique (politiques publiques).C’est avant
tout des hommes.
Il y a donc une idéologie
(presque une théologie), et un sociologie de la
République, les deux acceptions interagissant au fil de l’Histoire.
L’objectif étant l’intériorisation
par les masses de cette nouvelle forme de pouvoir. L’histoire
de la République, c’est d’abord l’histoire
de son apprentissage par le Peuple.
Deux problématiques guideront
mon propos :
Comment s’est
organisé ce couple idéologie - sociologie au
fil de l’Histoire de la République ?
Comment s’est
enracinée la République ?
Quelle a été la courbe de
légitimité de la République (celle du mythe et celle des hommes) ?
I) Une compilation mythico
symbolique qui s’est enraciné et à
évolué au fil des différentes luttes et crises politiques.
A. Un ensemble de mythes
mobilisateurs
1. Universalisme, liberté,
egalité, citoyenneté, ascension sociale. Par l’utilisation
de ces concepts, la République légitime et revendique la Représentation en un
corps restreint de Tout le Peuple------) Importance du
suffrage universel dans l’intégration de tous dans le champs politique (le vote
symbolise cette entrée). (cf. Serge Huart :le suffrage Universel)
2. Le
concept d’intérêt général légitime l’ensemble des prélèvements (financiers ou
humains) et des prescriptions (autoritaires ou incitatives). (lire manuel de
droit administratif ; cf. Léon Duguit)
B.
Un enracinement déterminé par les luttes contre les anciennes structures
sociales et politiques.
1. La
lutte contre les fondements religieux (chrétiens) du pouvoir et de la société
est à la base de la production d’un nouveau système de normes laïques, diffusé
par l’école républicaine(cf. Renouvier ou Marcel Gauchet )
2. La
lutte contre les clans et notables locaux fonde la notion de République une et
indivisible.
Mais
une autre interprétation (Tocqueville) postule que la centralisation provient
avant tout des cadres politiques hérités de l’ancien régime.
C.
Les multiples crises ont conditionnées l’évolution du concept de République
1.
Quelques crises déterminantes :
a)
1848-1852 Des échecs de la République sociale au plébiscite paysan, symbole de
l’incompétence politique du peuple.
b) La
crise du 16 Mai 1877 qui détermine la forme parlementaire de la République
jusqu’en 1958.
c) L’affaire Dreyfus qui
structure le découpage politique pendant au moins cinquante ans
d)
Les deux guerres mondiales(cf I)C)2))
e) La guerre d’Algérie qui
permet au général de Gaulle de revenir et d’imposer habilement ses positions
constitutionnelles.
cf
Winock les grandes crises politiques françaises
on
peut aussi ajouter le 21 avril 2002 auquel on peut donner l’interprétation que
l’on veut …
2. De
la République libérale (1870-1944) à la République sociale (1945-2002). L’Etat a
été obligé, pour maintenir sa légitimité dans et après les guerres, d’étendre
ses prérogatives du seul domaine régalien au domaine social.
Conclusion partielle : La République est donc un ensemble de mythes,
instrumentalisés dans le but :
a) de
mobiliser le peuple
b)
d’enraciner une nouvelle forme de pouvoir
c)
d’étendre les prérogatives de l’Etat
Pour
cela les cadres du nouveau pouvoirs ont du évincer, liquider les restes des
anciennes structures sociales, institutionnelles et mentales. Sur ce point
l’école à joué un rôle prépondérant, notamment dans l’intériorisation des normes
et des valeurs attachées à cette nouvelle forme de pouvoir.
Si la
courbe de l’enracinement a suivi une pente croissante, celle de la légitimité
des hommes et de l’organisation à connu une trajectoire plus fluctuante, et
semble actuellement en déclin.
II. Une organisation d’hommes dont la légitimité et
l’efficacité ont fluctué au cours du temps
A.
L’organisation républicaine Française se distingue des autres démocraties
libérales sous plusieurs aspects.
1. La
division des autorités judiciaires et administratives fut source d’un manque de
lisibilité
Le
pouvoir décisionnel et jurisprudentiel du conseil d’Etat ; le régime
exorbitant de l’administration (cf. arrêt Blanco) ; importance de
l’administration dans le processus décisionnel.
2. Un recrutement élitiste
bien éloigné des déclarations de principe sur l’ascension sociale
potentiellement égale pour tous. On parle d’endogamie sociale du recrutement (la
majeur partie des cadres de la république viennent des classes moyenne et
aisées) ; tous les partis, même le parti communiste, sont des partis de cadres
.La notion de rang perdure au sein de la République (renforcée par la
centralisation accrue)
B.
Une organisation bureaucratique :le statut de la fonction publique et le
recrutement élitiste des cadres dirigeants de la République n’a pas empêché les
échecs des politiques publiques et les multiples dysfonctionnements
administratifs. A terme, tiraillée entre décentralisation et européanisation, la
République apparaît menacée.
1.
Les échecs successifs des politiques publiques (politiques de la ville, luttes
contre le chômage, politiques de santé, etc. …), la multiplication des affaires
politico judiciaires médiatisées …
2…et
la perte de la citoyenneté (40 pour cent d’abstention aux dernières élections …)
3.…conduisent à des solution entraînant de nouveaux problèmes : l’Europe et la
décentralisation. (Manque de lisibilité, de légitimité des institutions
communautaires ; risque de création et/ou renforcement des clans locaux, des
dérives locales mafieuses et des potentats locaux ; +grande difficulté de
contrôle.
Conclusion : La République a donc toujours vécu dans cette dualité entre le
mythe, réussissant assez bien à s’enraciner au fil des luttes et des crises, et
la réalité organisationnelle de hommes qui ,à cause de ses échecs ,est remis en
cause.
A l’heure de l’Europe et de la décentralisation, les cadres anciens hérités de
la République de nos grands-parents peuvent-ils encore survivre ?