ENJEUX ET LIMITES DE L’ACTION CULTURELLE EN EUROPE
« S’il fallait tout refaire, je commencerais par la culture. »
Jean
Monnet.
La question d’une politique culturelle
européenne est une des plus paradoxales dans l’actuel mouvement de construction
de l’Europe.
En effet, alors que ce qui semble pousser les
Etats européens s’unir au plan économique et bientôt politique semble être
précisément leur sentiment d’appartenance à une même communauté de culture,
partageant histoire, idéaux, et intérêts communs, on constate que l’action de
l’Europe en terme de politique culturelle supranationale est balbutiante, voire
inexistante. Ainsi, alors qu’elle semble avant tout être un « objet culturel »,
l’Europe est actuellement marquée par un réel déficit en terme de politique
culturelle. Etrange paradoxe.
Il apparaît que toute la difficulté de la
création d’une politique culturelle européenne réside dans la conciliation de
deux objectifs opposés : promouvoir une culture « européenne », commune,
transnationale d’une part, et respecter la diversité des cultures nationales et
locales d’autre part. Pourtant, les enjeux d’une réelle politique à l’échelon
européen sont de taille : face à le place croissante prise par la culture dans
nos sociétés modernes, il s’agit de mettre en valeur son rôle économique et
social d’une part, mais également de percevoir l’importance de son poids dans la
construction de l’Europe et l’atout qu’elle pourrait représenter face à la
mondialisation d’autre part.
Malgré un mouvement d’amorce tardif mais réel
dans les années soixante-dix, c’est véritablement le traité de Maastricht et son
article 151 (ex-article 128) qui pose la première pierre de l’édifice pour une
politique culturelle européenne. Si à l’heure actuelle, on peut dire que le
simple stade de la coopération a été dépassé grâce a l’avancée récente du
programme « culture 2000 », on sera néanmoins encore réticent à parler de réelle
« politique culturelle ». Le terme désignant donc le mieux la dynamique en cours
est bien celui de « l’action culturelle européenne ».
I - Les enjeux.
Les enjeux de la mise en place d’une politique
culturelle européenne volontariste sont capitaux. Non seulement
constituerait-elle une réponse à l’accroissement de la place prise par la
culture dans nos sociétés modernes, mais encore est-elle un impératif pour la
solidité de l’édifice européen en construction, et un atout décisif pour le
rayonnement de la politique extérieure de l’Europe dans un contexte de
mondialisation.
A – La politique culturelle comme réponse au poids
grandissant de la culture
La culture doit être à l’époque moderne prise
pour un enjeu en soi. Selon la commission, « la culture n’est plus considérée
aujourd’hui comme une activité subsidiaire mais comme une force motrice pour la
société, facteur de créativité, de dialogue est de cohésion. ». En effet, la
culture prend une importance croissante en termes économiques et sociaux. La
culture ne doit pas être comprise dans son sens restreint et élitiste de « haute
culture » mais dans un sens beaucoup plus large et plus populaire de « culture
au quotidien » selon les mots de la commission européenne. La réduction du temps
de travail, le goût pour la consommation de « produits culturels », l’explosion
de secteurs tels que le tourisme, pourrait nous permettre de parler de
l’avènement de « l’ère du loisir ».
Certes parfois avec un temps de
retard et à des degrés divers, les gouvernements européens (sauf peut être en
Grande-Bretagne) ont néanmoins tous mesuré l’importance croissante en terme
économiques et sociaux de la culture ; l’ampleur de la demande d’intervention de
l’Etat dans ce domaine ; et dans la plupart des cas y ont enfin répondu par la
mise en place de politiques publiques. La culture est donc étroitement liée aux
réponses qu’il convient d’apporter aux « grands défis contemporains ». Ainsi, si
à l’échelon national, l’action culturelle semble être devenue une nécessité,
comment un « super- Etat », aux potentialités multiples pourrait se prétendre
moderne tout en négligeant le domaine culturel ?
B-
La politique culturelle et la construction européenne
L’enjeu de la mise en place d’une politique
culturelle, c’est également et surtout celui de la viabilité et la solidité de
la construction européenne. Il faut rappeler que l’Europe n’est au départ ni une
réalité physique, ni une réalité économique ou politique. Le concept
d’ « Europe » ne peut se légitimer que par la culture. C’est parce que les
européens ont en commun histoire, courants artistiques, courants de pensée,
idéaux et modes de vie que la construction d’une union a pu être conçue. C’est
sur un sentiment d’identité commune, d’intérêts partagés et de ressemblances
profondes que s’est battit l’actuelle Europe.
Si bien sûr, l’UE est née d’abord d’une union
économique, et qu’elle ne s’achemine que très lentement vers une union politique
et sociale, cette dernière n’aurait pu être possible sans des bases culturelles.
Si le rapprochement économique a pu être pris comme prétexte pour amorcer une
dynamique, c’est parce qu’il était au fond le plus facile à réaliser. A terme,
c’est l’union humaine (politique, sociale, culturelle) qui était visée par les
précurseurs, garante de paix durable et moyen de renforcement de la puissance et
du rayonnement européen. Autrement dit, négliger l’importance de la mise en
place d’une politique culturelle à plus long terme pourrait mettre en danger
l’Europe qui se posera forcement un jour ou l’autre, en période de crise, de
malaise ou de repli, la question de savoir d’où vient sa légitimité et quels
sont ses fondements. De plus, l’élargissement futur nécessite des bases solides
si l’on veut veiller à ce que l’Europe ne se dissolve pas en s’agrandissant.
Mettre en place une réelle politique culturelle supranationale c’est donc un
impératif pour doter l’Europe de fondations unificatrices, et lui permettre à
terme d’avancer.
C - La politique culturelle face à la mondialisation
Enfin, la mise en place d’une politique
culturelle européenne est un enjeu en terme de place de l’Europe face au monde.
En effet, la mondialisation semble se doubler d’un mouvement
d’ « uniformisation » à marche forcée, laquelle est largement calquée sur le
modèle américain. Dès lors, défendre une politique culturelle à l’échelon
européen c’est défendre un modèle européen pluraliste face au Etats-Unis. On
peut donc dire qu’ici, un certain volontarisme culturel serait salutaire dans la
mesure où il donnerait à l’Europe les moyens de sauvegarder son authenticité et
de se proposer comme modèle alternatif puissant à un géant américain parfois
envahissant.
L’exemple des cinémas d’auteur et indépendant
européens souvent noyés par des géants d’Hollywood aux moyens financiers
difficiles à égaler montre qu’un soutien de la part de la public n’est pas
seulement nécessaire, mais vital. De même, le patrimoine européen en terme
d’œuvre d’art est souvent menacé par des acteurs privés internationaux
participant à un mouvement nuisible d’éclatement des collections.
Ainsi, mettre en commun ses
moyens d’action pour une politique communautaire pourrait protéger la diversité
des cultures européennes, la richesse patrimoniale et le dynamisme de l’ « élan
créateur européen ». Les classements de monuments, les lois de protection de la
propriété intellectuelle ou tout simplement les subventions sont autant de
moyens de protéger les acteurs culturels européens.
Une action publique commune c’est donc pour
l’Europe, non seulement le moyen de se préserver de lois du marché parfois
dommageables, et maintenir le rayonnement mondial de la culture européenne. Loin
de vouloir imposer sa culture, l’Europe pourra proposer un contre modèle à
l’uniformisation en faisant de la diversité la base de son volontarisme
culturel.
II- Les instruments
de « l’action culturelle
Une véritable politique culturelle communautaire
est à l’heure actuelle inexistante. Pourtant, depuis les années soixante-dix,
une dynamique semble être à l’œuvre pour aller dans ce sens. Si l’article 128 du
Traité de Maastricht a enfin doté l’Europe d’un cadre réglementaire en matière
d’action culturelle, constituant une première étape encourageante et permettant
de mettre en œuvre les premiers programmes, ce n’est que depuis le programme
« Culture 2000 » que l’on avance véritablement vers une « politique commune » en
la matière.
A- Le Traité de Maastricht : la première pierre de
l’édifice.
Alors qu’elle était fortement ancrée dans
l’inconscient du geste fondateur de l’Europe, le Traité de Rome, la culture est
demeurée absente du premier accord européen. Et il a fallu attendre trente ans
pour que l’Union se voie enfin dotée de compétences culturelles. En effet,
seules de timides communications de la Commission sur l’action culturelle en
1977, 1982 et 1987, avaient permis de commencer à mettre en place des
coopérations, plus symboliques que réelles. Des actions ponctuelles comme les
remises de Prix – Prix Félix pour le cinéma, Prix européen de la littérature,
Prix européen de la traduction…- furent misent en place. En outre, l’action de
la communauté est souvent une politique de complémentarité des politiques
nationales, créant des actions emblématiques telles que le choix d’une
« capitale annuelle de la culture », d’un « mois européen de la culture », la
création de « l’Orchestre des jeunes de la Communauté européenne »…
Il faut de plus signaler le poids depuis le départ de
l’action de réseaux privés. L’exemple de « l’Association des centres de
rencontre » (Accr) en 1973, de la « Fondation Européenne de la Culture » crée à
Genève en 1954, du réseau « Gullivers » en 1987, sont des réseaux qui oevrent ou
ont œuvré dynamiquement au rapprochement culturel européen.
Ce n’est que l’article 128 du Traité de Maastricht
– rebaptisé article 151 par le Traité d’Amsterdam- qui vient enfin combler cette
lacune en confiant à la Commission le soin de contribuer à
« l’épanouissement des cultures des Etats membres dans le respect de leur
diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l’héritage
culturel commun. » Ainsi, cet article fondateur consacre quasi
constitutionnellement la légitimité d’une action de l’Union dans ce secteur. Le
principe de subsidiarité qui inspire l’ensemble du Traité y est particulièrement
réaffirmé et rappelle que la compétence culturelle relève d’abord des
Etats-membres. L’obligation de vote à l’unanimité qui implique un long processus
de négociation préalable à la formation d’un consensus, la procédure de
codécision avec le Parlement, l’exclusion de toute action d’harmonisation des
dispositions législatives et réglementaires des Etats-membres, constituent le
cadre réglementaire actuel de l’action culturelle communautaire. Maastricht
donne donc un cadre juridique précis à l’action culturelle et la hisse ainsi au
rang des autres compétences communautaires.
Au sein de la Commission, le domaine culturel est
pris en charge par plusieurs Directions Générales (D.G.).
- La D.G. X est la Direction Générale officiellement en
charge des secteurs de
l’information, de
l’audiovisuel, de la communication et de la culture.
- La D.G. XVI qui gère les fonds structurels et les
programmes régionaux, est amenée à financer des programmes de subvention du
patrimoine et du tourisme local.
- D’autres D.G. parmi les plus influentes, comme celle de
la concurrence ou du marché intérieur, interviennent transversalement sur ce
domaine.
Ainsi, grâce à l’avancée considérable qu’a permis
le Traité de Maastricht, ont été mis en place des programmes de coopération des
Etats. Ils s’appuient sur le concours d’un seul ou plusieurs réseaux d’acteurs
privés ou publics, sur la base d’un projet et d’un budget précis et dans le
cadre d’une période donnée :
- Les programmes MEDIA I et II soutiennent depuis les
années 1990 les métiers de l’audiovisuel et leurs productions.
- Le programme KALEIDOSCOPE est le plus interdisciplinaire.
Il a pour objet de soutenir des actions de grande envergure, nécessitant le
concours de nombreux partenaires publics ou privés, de réseaux, et engageant la
participation d’au moins quatre Etats-membres.
- Le programme ARIANE a pour objet de mettre sur pied des
actions dans le domaine du livre et de la lecture. Il s’agit d’encourager la
connaissance et la diffusion de la littérature européenne par le biais d’une
aide à la traduction.
- Le programme RAPHAEL est destiné à la conservation et à
la promotion du patrimoine culturel.
Néanmoins, si ces programmes ont certainement
contribué à valoriser, dans une certaine mesure, la culture européenne en
rendant son accès plus facile et plus démocratique, ils ont reçus de nombreuses
critiques. L’action a, en effet, dans la plupart des cas, été trop modeste,
dépourvue de moyens suffisants, souvent cloisonnée, et procédant par
saupoudrage. On regrette ainsi une action plus coordonnée, centralisée et
visible. La nécessité d’un programme communautaire unique s’est donc fait
ressentir par le relatif échec des trois premiers programmes.
B- Le programme « culture 2000 » : vers une
politique culturelle européenne.
Le « programme culture 2000 », décidé le 14
février 2000 par le Conseil et le Parlement constitue la première mise en place
d’un réel programme supranational et centralisé. Il évalue enfin à leur juste
valeur les enjeux véritables attachés à la culture. En effet, il s’attache à
faire échos, voire à répondre de manière symétrique, aux trois enjeux capitaux
énoncés précédemment. A l’échelle du long cheminement hésitant du projet
culturel européen, « culture 2000 » est une véritable révolution. Il met en
avant :
- Une rationalisation et une centralisation de l’action
culturelle et de son financement permettant « une approche directrice globale et
transparente » et rompant clairement avec la logique de saupoudrage qui
prévalait jusqu’alors.
- La valorisation de la culture comme atout pouvant
faciliter l’élargissement à l’est, puisque cette dernière agirait comme
l’expression d’une citoyenneté européenne fondée sur la diversité.
- Le rôle de la politique culturelle comme protection de la
diversité de ses cultures.
- Son rôle de régulation et de démocratisation en terme
d’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (N.T.I.C.).
- La valorisation de la culture comme modalité du lien
social, pouvant éviter l’exclusion et promouvoir l’emploi.
Le programme finalement adopté après les
modifications du Parlement consacre au projet un budget de 167 millions d’euro -
c’est-à-dire la somme des budgets des trois programmes précédents- et définit
trois types d’action spécifiques :
- les actions spécifiques, novatrices et/ou expérimentales,
comme la coproduction d’œuvre, des festivals, et tout autre manifestation sur le
territoire de la communauté
- les action intégrées au sein d’accords de coopération
culturelles, structurés et pluriannuels visant à faire apprécier l’aspect
diverse de la culture européenne : Ville européenne de la culture, festival
culturel de l’UE, journées européennes de la musique et du patrimoine…
- les événements culturels spéciaux ayant une dimension
internationale : surtout dans le domaine du multimédia et des nouvelles formes
d’expression culturelle.
III- Les limites
A. Des limites techniques
Bien que découlant d’une réelle
prise de conscience, l’action culturelle européenne est
encore dotée d’un budget trop faible qui empêche son action
d’avoir une réelle ampleur. La faiblesse des moyens destinés au programme
« Culture 2000 » - 0 ,03% du budget de l’UE – fait apparaître cette
reconnaissance comme essentiellement symbolique. Le consensus général dont la
culture fait l’objet au regard de la construction européenne n’a donc pas été
suffisant pour déterminer l’affectation de moyens matériels proportionnés. Tout
se passait comme si les institutions européennes révélaient que la coopération
culturelle était une tradition séculaire spontanée et bien installée qui n’avait
pas finalement besoin d’une aide financière démesurée au regard des autres
politiques communes à mettre en place. Cette limite met donc indirectement en
lumière un aspect très optimiste de la future politique culturelle européenne !
Ensuite, il faut évoquer le risque de
saupoudrage c’est-à-dire d’actions politiques ponctuelles sans réel plan
d’ensemble et cohérence. Si l’action culturelle à jusqu’à maintenant largement
souffert de cette pratique, on peut espérer que le projet « Culture 2000 » qui
s’est doté précisément pour cette raison d’un organisme de financement unique
saura remédier à ce problème.
Enfin, il apparaît que l’action culturelle
européenne souffre du même travers que ses
« consoeurs » : L’action de Bruxelles est parfois hésitante
entre logiques professionnelles et politiques. Il semble que la prise de
décision soit encore largement le fruit de la pratique de lobbying, de pressions
diverses des groupes professionnels auprès des institutions de l’Union. Or, dans
le cadre de l’action culturelle, ceci prend un caractère particulièrement gênant
dans la mesure ou la culture ne doit essentiellement pas être un produit
marchand résultant de rapports de forces entre groupes aux intérêts économiques
divergents.
B. Des limites profondes
Outre des limites techniques finalement relatives au mode
de fonctionnement actuel des institutions européennes, une politique culturelle
européenne rencontrerait des limites autrement plus graves à dépasser car
relative à la conception de la relation unissant culture et politique.
1. Une politique commune par essence impossible ?
La réalisation d’une politique
culturelle commune rencontre d’abord une limite
évidente : il n’existe pas « une » culture européenne.
L’U.E. c’est d’abord la réunion de plusieurs Etat-nations aux cultures propres
qui se sont précisément formées les unes contres les autres. Les européens ont
beau avoir une histoire commune, cette histoire est largement le fruit de
guerres, de tensions et de rivalités. L’empreinte de la culture nationale est
donc très forte. On se sent encore français, espagnol ou hollandais avant de se
sentir européen. Autrement dit, comment concilier les différentes cultures dans
une politique européenne commune ?
Le Traité de Maastricht tente d’évacuer dès le
début le paradoxe d’une politique culturelle commune : la culture commune n’est
pas considérée comme incompatible avec la diversité des cultures nationales. Les
européens doivent donc savoir accepter dans leur esprit leur double identité.
Ainsi, la politique culturelle ferait naître une nouvelle richesse dans cette
dualité. Elle ne peut avoir de sens que si elle ajoute quelque chose à
l’existant. On peut ainsi penser qu’un modèle fédéral ou autonomique européen
permettrait de concilier diversité et unité, à l’image des modèles nationaux
réussis tels que l’Allemagne où l’Espagne. Ainsi, le principe même de la culture
européenne serait sa diversité, et c’est cette diversité qu’une politique
publique européenne serait chargée de protéger et de promouvoir, créant par là
même un nouvel espace inédit où points communs et originalité se rencontreraient
pour composer un nouveau « cocktail »
2. Une politique commune uniformisante ?
Il semble qu’une autre
limite rapide réside dans la peur de
l’uniformisation. Une politique volontariste signifie
l’imposition de normes communes, et rime dans certains esprits avec une
normalisation systématique. En d’autres termes, au lieu d’une action protectrice
et libératrice, un politique culturelle commune agirait comme un frein à
l’expression de la différence et à la créativité. Finalement, on pourrait dire
qu’enfermer la culture dans des cadres juridiques « frigides » va contre
l’esprit même de ce qu’est la culture : une substance façonnée par les hasards
de l’histoire, la spontanéité des hommes et les aléas de l’imagination. La
culture déborderait donc largement d’une structure rationnelle et échapperait
par nature à l’action politique. La peur d’une culture « dirigée » est donc
réelle.
Pire, pour certains, une politique
volontariste pourrait connaître des dérives dramatiques : elle pourrait être
synonyme d’imposition d’une culture dominante à l’échelon européen aux autres
cultures. Autrement dit, le phénomène redouté à l’échelle de la mondialisation
se reproduirait à l’échelon de l’Europe. De plus, la lutte pour la domination
d’une culture sur l’autre prendrait des allures de promotion incessante de sa
propre culture. Ainsi, la politique commune irait contre son principe même de
supranationalité : elle serait le lieux d’entrechoquement des différents
intérêts, le plus fort pouvant l’emporter et façonner le cadre qui serait le
meilleur pour la promotion de sa culture propre.
Cette réflexion sur la nature de la
relation qui peut unir culture et politique nous amène au fait que l’on ne la
conçoit absolument pas de la même manière dans les différents Etats européens.
3. Quel modèle pour une politique européenne commune ?
Une dernière limite importante
et qui recoupe toute les autres est le problème de la
diversité des modèles européens. Il existe en effet de
fortes divergences entre les traditions gouvernementales des Etats membres,
selon que leur style de gouvernement est le fruit d’une tradition plus libérale
ou plus interventionniste. La culture n’est pas partout dans la même mesure
jugée relevant de la compétence politique.
La France par exemple fait
figure en Europe de pays précurseur en terme de gestion
publique de la culture. Crée par presque par hasard et sur
mesure pour Malraux, le premier ministère de la culture est en effet crée en
1959. S’il est en France considéré comme le démontre le rapport Rigaud en 1997
comme « le garant du pluralisme et de la justice sociale en matière de
culture », cette vision des choses est par exemple totalement étrangère à la
conception britannique pour laquelle c’est au marché que l’on transfère le soin
de faire vivre la création artistique. La gestion de fonds d’un montant assez
faible est laissé à un « Arts Council » relativement autonome. Ainsi il semble
que faire admettre aux britanniques le principe d’une politique culturelle
commune soit impossible.
De même, les cas Allemands et Italiens se
distinguent du modèle français et se montrent plutôt réticents à l’adoption
d’une politique culturelle commune. Pourtant moins libéraux que la Grande
Bretagne, ce sont chez eux des facteurs historiques qu’il faut prendre en
compte : L’idée d’un ministère de la culture est souvent mal accueillit dans
l’opinion car il a pu être assimilé à un ministère de la propagande. Leurs
expériences terribles des dérives dirigistes fait naître des foyers de
résistance compréhensibles. Enfin,
les cas des pays du Sud, (Grèce, Espagne, Portugal) montrent une tendance
actuelle à se rapprocher du modèle français.
CONCLUSION : Une politique culturelle à construire.
BIBLIOGRAPHIE :
- PIRE, Jean-Miguel. Pour une politique culturelle
européenne. Notes de la Fondation Robert Schuman, l’Europe en actions, 2000.
56 pages.
- STICHT, Pamela. Culture européenne ou Europe des
cultures ? Les enjeux actuels de la politique culturelle en Europe.
L’Harmattan, questions contemporaines.2000. 135 pages.
- Périodique : Notes et Documents, Institut International
Jacques Maritain : Europe, le défi culturel. Janvier-août 1991, pages 10
à 62.
- Périodique : Revue interdisciplinaire d’études
juridiques : Les compétences culturelles de la communauté européenne : Bilan
critique et perspectives. 1992, n° 29, pages 1 à 47.
- Périodique : The European Yearbook of
Inter-professional studies. L’action culturelle de l’union Européenne
entre logiques politiques et professionnelles. 1997. pages 244 à 255.