Les démocraties européennes après la deuxième guerre mondiale : expansion et fragilités

 

 

Introduction :

Victoire car extension de la démocratie. Quand on regarde les années antérieures à la guerre, ce qui frappe, c’est l’extension des processus démocratiques. La démocratie se marque surtout pour l’Italie et l’Allemagne qui avaient connu le fascisme et le nazisme. On parle maintenant de la transition démocratique à l’Est, c’est oublier que l’Ouest a déjà connu ces processus de transition démocratique.

Un premier : l’Allemagne et l’Italie à la sortie de la guerre

Un second, oublié : dans les années 70, au Portugal, en Espagne et en Grèce.

 

I. La refondation démocratique

 

1. Le triomphe des principes démocratiques en 1945

 

a) la justification de la guerre

En Europe, triomphe de la démocratie contre un certain totalitarisme (le fascisme). Il y a un renversement qu’il faut bien avoir en tête : à la veille de la deuxième guerre mondiale, le fascisme apparaît comme porteur d’une dynamique, qui est à l’offensive militaire, politique et idéologique. En 1938-39, les démocraties semblent épuisées, soucieuses d’éviter une nouvelle guerre à tout prix (esprit munichois), elles semblent exsangues, vieilles, incapables de relever le défi du fascisme et du nazisme, incapables de comprendre la nouveauté de ces régimes. On parle ici pour les élites politiques et militaires. Ces démocraties vont précisément mobiliser autour des principes démocratiques.
Tout au long de la guerre, les USA, la GB puis les résistantes intérieures vont lutter pour libérer leurs pays respectifs, mais poursuivent également un objectif : réinstaure la démocratie. Le combat n’est pas simplement national, il est profondément politique et idéologique.

Charte de l’Atlantique : « Après la destruction finale de la tyrannie nazie, ils espèrent voir rétablir une paix qui fournira à toutes les nations les moyens de vivre en sécurité… ». Dès Août 1941, on en a conscience.

1er janvier 1942 : déclaration des Nations Unies

1945 : charte des Nations Unies.

But de la lutte : pas simplement la libération du territoire, mais surtout la refondation des principes démocratiques.

 

b) une ambiguïté et des promesses

Le communisme, comment le penser pour les occidentaux ? Ambiguité perdure jusqu’en 1947. En effet, formidable opération militaire et politique soviétique, après rupture du pacte germano-soviétique : l’URSS se fait passer pour un pays démocratique, est reconnu comme tel pendant 2-3 ans par les puissances occidentales.

L’antifascisme fonctionne comme une lettre d’accréditation dans l’arène politique internationale. Pendant 2-3 ans, l’URSS va entretenir cet ambiguïté d’être une puissance démocratique, si ce n’est la meilleure des démocraties. C’est une des raisons pour lesquelles l’antifascisme et l’anticommunisme ne sont pas mis sur un pied d’égalité en Europe occidentale.

Dans tous les pays démocratiques, on va avoir de la part des dirigeants la promesse de mieux organiser la démocratie. On fait des promesses concernant l’économie et la redéfinition du contrat social (le Welfare State). Toutes les démocraties entendent garantie l’ordre international et empêcher le retour des conflits : construction européenne en est une partie.

 

2. La reconstruction politique

a) Les transitions démocratiques en Italie et en Allemagne

Italie : longue expérience du totalitarisme. Courte mais intense pour l’Allemagne…

 

Pour la réussite et la mise en œuvre de la transition démocratique en Italie : forte activité de la résistance italienne. Bien sûr, les alliés étaient présents, mais ce qui a constitué la base de la reconstruction de la démocratie : la présence de forces démocratique internes. La résistance italienne, à partir de 1943, très importante et populaire dans le nord et le centre du pays.

L’Italie choisit à la majorité d’abolir la monarchie par referendum (juin 1946) (Le nord et le centre choisissent la république, le sud se prononce pour la monarchie).

La constitution est une constitution de compromis : compromis entre la droite et la gauche, entre la démocratie chrétienne (l’Eglise) et en face les forces de gauche (le PCI).

Mélange de continuité et de rupture : les transitions sont tjs dans la continuité et dans la rupture. Rupture institutionnelle (monarchie -> république), rupture politique (fascisme -> démocratie), continuité dans les structures de l’administration, continuité dans une grande partie du personnel, en particulier du haut personnel qui avait servi sous le fascisme.

 

En ce qui concerne l’Allemagne : trois points à dégager.

L’influence prépondérante des alliés, à cause de l’occupation de l’Allemagne par les différentes puissances, qui font que l’influence extérieure va être déterminante.

La résistance en Allemagne a été beaucoup plus faible, la répression y était bien plus impitoyable. La vie politique se structure autour de deux forces modérées : la démocratie chrétienne et la social-démocratie.

La constitution et les institutions allemandes vont s’inscrire délibérément dans une double rupture : première rupture avec le nazisme, on va multiplier les gardes fous pour éviter toute tentation de retour à la dictature (on multiplie les garanties sur les droits démocratiques, sur le fédéralisme, sur la séparation des pouvoirs), deuxième rupture avec la république de Weimar : nécessité prévue dans la constitution de garantir le pouvoir du chancelier.

 

b) les évolutions des régimes démocratiques ouest-européens

On peut dégager 4 principales évolutions :

- Dans tous les pays, on voit s’affirmer le retour à une démocratie parlementaire. Ca ne posait pas tellement de problème dans les pays non occupés (GB, suisse, suède), mais dans le reste de la Scandinavie, en Belgique, aux PB, en France, on essaie de revenir à une démocratie parlementaire. Cf en France : affrontement entre la conception de DG du pouvoir et la conception du reste des acteurs politiques. DG cherche à avoir un pouvoir exécutif plus fort, il se méfie de la république des partis. En France, on a eu besoin d’inventer une nouvelle constitution (à chaque grande difficulté, en France, on invente une nouvelle constitution et une nouvelle république. Comme on ne veut pas admettre la réalité du régime de Vichy, qui n’est qu’une parenthèse, on essaie de refouler le « syndrome de Vichy », on essaie d’expliquer la défaite par la constitution de la troisième République. Il a fallu réinventer une quatrième République, ce que DG ne veut pas faire. En France, on en revient à une démocratie parlementaire dans des conditions particulièrement tendues)

- Elargissement du corps citoyen, généralisation du suffrage universel. Au-delà de cela, reconnaissance une bonne fois pour toute que le suffrage universel est l’une des institutions clé des démocraties.

- Extension du pouvoir de l’Etat dans tous les domaines d’activité. C’est à partir du lendemain de la seconde guerre mondiale que la démocratie politique devient véritablement une démocratie sociale. Extension de la définition de la démocratie, apparition de la démocratie sociale.

- Evolutions concernant les acteurs de la vie politique. Changement dans les familles politiques. Extrême droite disqualifiée, délégitimée (définitivement, pensait-on à l’époque). Déclin des forces conservatrices et libérales. Forte progression des communistes, éphémère dans la plupart des pays, sauf en France et en Italie. Grande progression du centre-droit et du centre-gauche. Ces partis ont structuré des cultures et des identités politiques, ils ont contribué à stabiliser l’Europe dans sa dimension politique et sociale.

 

II. Les démocraties à l’épreuve

 

1. La guerre froide et les décolonisations

Les forces anticommunistes et procommunistes vont s’affronter, pas seulement en Europe centrale et orientale, mais aussi à l’intérieur de l’Europe occidentale. La GF contraint les démocraties ouest-européennes à répondre au communisme

- réponse idéologique : les démocraties occidentales se présentent comme un modèle de liberté et de civilisation

- nécessité d’assurer le développement économique et social, pour montrer la supériorité de l’Europe occidentale sur l’Europe communiste. On pense que la planification fait des prouesses à l’Est, et qu’ils vont dépasser l’Europe. Il faut nourrir les populations en Europe Occidentale : « politique du ventre »

- la défense, qui suppose une nouvelle politique d’armement.

- Les démocraties occidentales ont un ennemi, qui est aux portes, par rapport auquel elles se définissent. DG : « la menace communiste est à deux étapes du tour de France ». Les démocraties européennes se définissent par opposition. Elles ont un ennemi, qui est aussi intérieur. Nécessité pour les responsables de les réprimer : mais jusqu’où aller dans la répression anticommuniste ? En 1949, le Pape excommunie les communistes… mais en France et Italie, le PC reste autorisé. On ne passe pas en Europe, dans une majorité de pays, à une étape de répression.

 

Epreuve de la décolonisation, touche tous les pays ouest-européens, mais plus particulièrement la France. En France, la guerre d’Algérie contribue à la chute de la 4ème Rep. La décolonisation ouvre une crise idéologique des démocraties occidentales. Ces démocraties se réfèrent à l’antifascisme, à la liberté, aux droits de l’homme, adhèrent à l’ONU… et elles pratiquent une guerre coloniale, totale (dont torture en Algérie). L’expérience de la décolonisation nourrit une nouvelle contestation de la démocratie. La guerre d’Algérie, au-delà de la France, puis la guerre du Vietnam (télévisée), provoquent une forme de socialisation politique et idéologique de nouvelles générations : critiquent les démocraties européennes et alimentent l’antiaméricanisme et l’Europe. Ces guerres ont contribué à fragiliser les démocraties.

 

2. La démocratie de l’abondance.

Toutes les sociétés européennes connaissent cette amélioration sans précédent des conditions de vie européennes. Cette période d’abondance a deux types d’effets :

- à long terme : transforme le rapport à l’autorité, l’autorité hiérarchique commence à perdre de son prestige à une vitesse prodigieuse.

- A court terme : contestation des années 60-70 des baby-boomers (cf JF Sirinelli). Remise en cause de la démocratie en particulier autour d’une contestation gauchiste (en France). D’un côté, un grand mouvement de protestation, d’un autre côté un grand nombre de petits groupes qui prônent le retour au marxisme pur : Mao, Lenine, Marx, Che Guevara. Dans des sociétés pacifiées, on assiste au retour de la violence verbale et physique (Allemagne et Italie : de petits groupes passent à la lutte armée. All : lutte armée est vite réprimée, la RAF, limité à de petits groupes d’intellectuels. It : années de plomb, qui plombent encore l’Italie d’aujourd’hui : violence de l’extrême droite et violence des Brigades Rouges, plusieurs centaines de victimes en tout, menace de l’ordre démocratique. Ce terrorisme est soutenu par une partie de l’opinion : audience de masse très importante).

 

2 enseignements de cette période :

- toute contestation violente met les démocraties à l’épreuve : piège du terrorisme. Si les démocraties ne se défendent pas, elles sont emportées, si elles se défendent, elles sont dénoncées comme dictatures.

- l’échec final du terrorisme, notamment du côté Italien, a eu tendance à disqualifier le recours à la violence politique dans les démocraties occidentales. C’est une question intéressante : pourquoi en France l’énorme contestation gauchiste n’a jamais basculé dans l’action directe ? Le recours à la violence est qqch qui aujourd’hui est presque difficile à assumer.

 

3. Une nouvelle organisation de la démocratie ?

Quand on réfléchit sur la trentaine d’année que l’on décrit ici, on peut mettre en relief trois points :

- exception française : nous sommes en France le seul pays qui de nouveau a changé sa constitution dans un cadre démocratique

- progression de la démocratie en Europe du Sud. Avril 1974 : Portugal. Eté 1974 : la grèce. 1975 : l’Espagne Franquiste, sans guerre civile. Les règles démocratiques ont été assimilées en 30 ans… Maintenant, ils sont tellement habitués au cadre démocratique que revenir sur le processus de la démocratisation ne leur semble pas nécessaire.

- En réponse même au contestations engendrées par la démocratie de l’abondance : extension des droits démocratiques. France : VGE gagne en 1974, abaissement de l’âge du droit de vote à 18 ans. Italie : 1974 : par référendum, choisit le divorce.

 

Conclusion : progression qui n’a rien de linéaire, qui au contraire aboutit aujourd’hui à soulever des questions que nous verrons lundi prochain.

 

Biblio :

Les démocraties occidentales : une approche comparative. Hanspeter Krisi, Economica, 1994.

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