La Politique européenne de sécurité et de défense commune : mécanismes, application, difficultés.

 

Avec la fin de la guerre froide et la création de la PESC (Politique Européenne de Sécurité Commune), le concept  de PESD, institutionnalisé en 1999, prend une nouvelle importance. L’UEO (Union de l’Europe Occidentale), conçue à l’origine comme un forum de consultation politique, et devenue obsolète, est automatiquement supprimée.

 

► Introduction : Pourquoi une Politique Européenne de Sécurité et de Défense ?

Avec les tentatives avortées de la CED (Communauté Européenne de Défense) en 1954 et du plan Fouchet en 1962, la Communauté Européenne s’est concentrée sur son intégration économique, laissant à l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) le soin de la sécurité européenne. Ainsi, dans les années 1970, les tentatives de coopération politique s’inscrivent dans un cadre principalement transatlantique, malgré l’institutionnalisation du Conseil Européen en 1974.

 La question se pose donc de savoir comment une défense européenne peut exister par rapport à l’OTAN, quelles sont les volontés politiques des Etats membres et partant quels sont les mécanismes mis en place dans le cadre de ce qui est encore une ébauche de défense européenne.

 

 

► La PESD dans les Traités, les normes et les engagements politiques.

 

1. L’acte Unique, Maastricht, Amsterdam et Nice.

- L’Acte Unique (1987) impose aux Etats membres de se consulter préalablement sur toute décision de politique étrangère impliquant l’ensemble des Etats.

- Maastricht (1992) consacre l’existence de la PESC (Politique Etrangère et de Sécurité Commune) et envisage l’existence future d’une défense européenne dans le cadre du pilier PESC. L’Union ne dispose cependant pas de moyens militaires propres.

- Amsterdam (1997) insère les missions de Petersberg (cf. infra) définies par l’UEO dans le Traité de l’UE. Ce Traité pose la base contractuelle du développement opérationnel de la PESD. Des stratégies communes pourront être adoptées par consensus au Conseil Européen. Les compétences de l’UEO sont transmises à l’UE.

- Nice (2000) permet l’utilisation du mécanisme des coopérations renforcées dans le cadre des missions de Petersberg. Le recours à la coopération en termes d’armement est envisagé.

 

2. Les sommets européens.

- En 1992 ont été définies les missions de Petersberg : missions humanitaires et d’évacuation, missions de maintien de la paix, missions de force de combat pour la gestion des crises.

- Sommet de Saint Malo (1998) : France et Grande Bretagne évoquent une capacité autonome de l’UE à gérer des crises.

- Sommet de Cologne, 3 et 4 juin 1999 : les Etats membres de l’UE ont fait une Déclaration concernant le renforcement de la politique européenne commune en matière de sécurité et de défense. Ce sommet est considéré comme la naissance de la PESD. La gestion des crises dépend de la collaboration avec l’OTAN .

« Nous, membres du Conseil européen, sommes déterminés à voir l’Union Européenne jouer pleinement son rôle sur la scène internationale. A cette fin, nous avons l’intention de doter l’Union Européenne des moyens et capacités nécessaires pour assumer ses responsabilités concernant une politique européenne commune en matière de sécurité et de défense. »

- Conseil Européen d’Helsinki (1999): engagement à développer une force de réaction rapide de 60 000 hommes pour 2003.

- Conseil Européen de Nice (2000) : création du COPS (cf. infra).

- Conseils Européens de Göteborg et de Feira (cf. infra) : mise en place de la composante civile.

- Conseil Européen de Laeken, décembre 2001 : la PESD est déclarée opérationnelle pour les missions de Petersberg de type humanitaire. L’UE réitère son objectif de lutte contre le terrorisme.

 

3. La PESD et l’ONU.

L’Union Européenne doit utiliser les moyens de la PESD conformément aux principes de la Charte des Nations Unies.

 

► Les mécanismes de la PESD.

 La PESD est divisée en trois composantes : gestion des crises militaires et civiles (missions de Petersberg) et prévention des conflits.

 

1. Décisions politiques : elles sont in fine soumises au Conseil Européen et donc à l’intergouvernementalité.

- Le COPS (Comité Politique et de Sécurité) se réunit en deux formations, à l’échelon des ambassadeurs et à l’échelon des directeurs politiques des Etats. Le COPS prépare les décisions politiques et les orientations de l’UE. Le haut-représentant pour la PESC peut prendre la tête du COPS.

- Au niveau militaire, un Comité Militaire (CMUE) et un Etat-major militaire (EMUE) ont été institués, composés des chefs d’Etat-major des Etats membres. Ils formulent des recommandations destinées au COPS et remplissent des fonctions d’alerte rapide, d’évaluation des situations et de planification stratégique.

- Au niveau civil, un Comité chargé des aspects civils de la gestion des crises a été créé. Il formule des recommandations pour le COPS.

 

2. Moyens civils.

- Ils sont définis au titre des domaines prioritaires décidés lors du Conseil européen de Feira (juin 2000) et complétées par le conseil européen de Göteborg (juin 2001). 

a) Police : les Etats membres devront être en mesure de fournir 5 000 policiers pour contribuer à des missions conduites par d’autres organismes internationaux ou par l’UE elle-même. Il s’agit à la fois de pouvoir renforcer les polices locales et de les remplacer (Kosovo.)

àLes Etats membres de l’UE ont déployé environ 3 500 policiers dans le monde.

b) Personnel pour le renforcement de l’Etat de droit et de l’administration civile : objectif de mise à disposition de 200 experts dans le domaine de l’Etat de droit (juges, procureurs…), formation d’un pool d’experts en administration civile.

c) Ressources de la protection civile : équipe de protection civile comprenant jusqu 2 000 personnes.

 

3. Moyens militaires.

- Le « Headline Goal » du Conseil Européen d’Helsinki, décembre 1999 : les Etats membres de l’UE se sont fixé comme objectif pour 2003 de déployer dans un délai de 60 jours pendant au moins un an des forces pouvant aller jusqu’à 60 000 hommes, capables de mener à bien les missions de Petersberg.

- La coopération en matière d’armement existe depuis 1997 au sein de l’OCCAR (Organisation conjointe en matière de coopération et d’armement) réunissant la France, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume Uni. Ce volet pourrait connaître des développements plus intégrationnistes dans les prochains jours (cf. infra, le sommet de Bruxelles).

 

► La PESD et l’OTAN : quelle relation transatlantique ?

 

1. L’UE demande plus de responsabilités au sein de l’OTAN.

- Le refus des Etats Unis de confier le commandement sud de l’OTAN à un européen s’inscrit dans cette opposition des Etats Unis à conférer un rôle plus important à l’identité européenne de sécurité et de défense. La résolution 308 de l’OTAN (cf. annexe) montre bien que la défense européenne doit rester sous la coupe de l’OTAN.

- Le respect « à la carte » des procédures multilatérales par les Etats Unis pose la question de la crédibilité de l’OTAN. Exemple : 11 septembre 2001 : les Etats Unis demandent l’aide de l’OTAN≠ guerre en Irak : les Etats Unis choisissent leurs alliés.

 

2. Des volontés étatiques qui diffèrent.

- Certains Etats restent irréductibles quant à la création d’une Europe puissance indépendante comme par exemple le Danemark.

- D’autres Etats, comme la France et l’Allemagne, veulent jouer la carte de l’Europe politique avec la création d’un bras armé européen.

- Enfin, le cas de la Grande Bretagne s’avère particulièrement intéressant : malgré leur atlantisme traditionnel, ils ont récemment admis la nécessité d’une politique européenne de défense.

→ exemple : au conseil d’Elseneur, le 1er septembre 2002, les ministres des affaires étrangères des 15 n’ont pu adopter de position commune sur la guerre en Irak.

 

3. La PESD ne vise pas à remplacer l’OTAN.

- Les GFIM, progrès ou impasse ? L’accord conclu à Berlin en juin 1996 permet la création des GFIM, groupements de forces multinationaux, « capacités militaires séparables mais non distinctes » pouvant agir au nom de l’Union Européenne dans le cadre de l’UEO en s’appuyant sur les infrastructures et la logistique de l’OTAN. Mais cette procédure requiert l’accord des instances atlantiques et son déroulement est surveillé par l’OTAN.

- L’ autonomie militaire souhaitée réside dans la capacité de prendre des décisions là ou l’OTAN n’est pas engagée. Il ne s’agit donc pas de remplacer l’OTAN. La PESD doit permettre à l’UE de mener à bien les missions de Petersberg. L’Alliance Atlantique reste compétente pour la défense collective de ses membres (missions article 5) et pour la gestion des crises internationales (missions non-article 5).

- Des consultations ministérielles UE-OTAN ont lieu fréquemment pour élaborer des positions communes. Les membres de l’OTAN non membres de l’UE rencontrent les membres de l’UE et participent au processus de décision. Exemple de coopération UE-OTAN : l’ISAF (force internationale d’assistance à la sécurité) en Afghanistan : commandement américain sous mandat de l’ONU, utilisation de la logistique de l’OTAN , commandement délégué aux britanniques et participation de 12 Etats de l’UE.

 

► Les difficultés juridiques et politiques.

 

1. Le problème de la réforme des Institutions et des processus de décision.

- L’extension du vote à la majorité qualifiée reste quasiment inexistante en ce qui concerne la PESD, malgré son affirmation à Amsterdam. Le droit de veto reste de mise même si l’abstention constructive est un réel progrès car permettant la poursuite du processus même en cas d’abstention. Ses différents mécanismes demandent une collaboration étroite des trois piliers (Communauté Européenne, PESC et Justice et Affaires Intérieures) mais également des différentes Institutions européennes au cours du processus de décision (Conseil Européen, Conseil des Ministres des Affaires Etrangères, COPS, conseillers PESC, Commission et Parlement).

- L’élargissement accentue ce problème, à cause de la lourdeur du processus de décision intergouvernemental qui s’applique à la PESD et de la volonté des nouveaux membres de s’en remettre  à l’OTAN.

 

2. Les unités multinationales, seule issue pour la PESD ? Le problème de la supranationalité.

- Le but, jusqu’à présent, n’est pas de créer une armée européenne, malgré les derniers évènements. Il s’agit plutôt de créer une capacité d’action commune de gestion des crises internationales.

- Des unités multinationales dites « forces responsables devant l’UEO » ont été créées dans les années 1990. Exemple : Eurocorps ( Allemagne, Belgique, Espagne, Luxembourg) Eurofor et Euromar ( Espagne, Italie et Portugal).

 

► Les difficultés pratiques.

 

1. Les difficultés financières.

- Les questions financières sont au cœur des problèmes de défense. Le budget de l’Union Européenne ne représente que 1,27% du PIB des Etats Membres, et sert essentiellement aux fonds structurels. Il a été proposé au sommet  quadripartite de Bruxelles de développer un fonds spécial pour la défense européenne.

- Le Sommet de Salonique, en juin 2003, a répété l’insuffisance opérationnelle de l’UE, principalement à cause du budget très restreint.

 

2. Les carences en Recherche et Développement.

- Malgré la création de la Force d’action rapide en 2000 et d’un centre satellitaire à Torrejon, l’UE dépend de la technologie et de l’armement américain.

- L’UE semble vouloir sortir de cette dépendance et a montré sa volonté de pallier ses déficiences technologiques structurelles par le programme de Lisbonne prévoyant une Europe du progrès technique et de la technologie pour 2010. Exemple : l’adoption du programme spatial et de satellite Galileo en octobre 2003, en partenariat avec la Chine, montre clairement cette volonté.

 

Des progrès à réaliser, quel avenir pour la PESD ? La Conférence Intergouvernementale de Naples.

- Les coopérations structurées en matière de Défense seraient incluses dans la future Constitution.

- L’OCCAR serait transformée en Agence Européenne de l’Armement disposant de plus grandes capacités.

- Mise en place possible d’une cellule permanente de planification et de commandement militaire et civil pouvant mener à terme des opérations militaires indépendantes.

- Garantie de défense mutuelle.

Ces dispositions devraient être votées lors du prochain Sommet, à Bruxelles le 12-13 décembre. Lord Robertson, secrétaire général de l’OTAN, a condamné l’accord trouvé à Naples sur l’initiative de la France, l’Allemagne et la Grande Bretagne. Les Etats Unis ont fait de même.

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