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Les cours de relations internationales du forum des étudiants de Sciences Po
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On ne peut pas parler de l'Asie sans évoquer le rôle de la principale puissance en Asie qui n'est cependant pas une puissance asiatique, à savoir les Etats-Unis, puissance Pacifique. Cette présence américaine est en général tolérée par les Etats de la région, y compris les plus grands, parce que les Etats-Unis sont une puissance lointaine et parce que leur disparition rendrait plus aigue la compétition pour les remplacer comme puissance dominante, ce qu'aucun pays à l'heure actuelle n'est certain de pouvoir faire alors que tous redoutent de voir un autre qu'eux le faire. |
Si les Etats-Unis se retiraient d'Asie, il faudrait reconstruire un équilibre en Asie qui passerait par des transformations comme la remilitarisation à grande échelle du Japon (seul capable technologiquement et financièrement de remplacer la puissance américaine) qui seraient inacceptable pour les autres acteurs. D'autres options comme la création d'une coalition des puissances maritimes asiatiques pour contenir la Chine serait également grosses de risques. Donc le statu quo est désirable, quoique non satisfaisant pour tous les pays de la région. Les Etats-Unis n'ont pas à craindre de renversement d'alliances dont ils pourraient être victimes : il est très improbable que la Chine pourrait s'allier à la Chine ou au Japon contre eux
Les Etats-Unis, qui s'étaient longtemps désintéressés de l'Asie (ils n'ont commencé à s'y impliquer qu'à partir de la fin du XIXème siècle, lorsqu'en 1898 leur victoire sur l'Espagne leur donna les Philippines), y ont depuis fait plusieurs guerres d'envergure,dont trois depuis la dernière guerre mondiale.
Les 3 buts principaux des USA dans cette région sont :
1- y éviter l'apparition d'un pays dominant ou d'une coalition de pays dominants
2- créer un groupe de pays partageant la même vision de l'organisation économique et politique que les Etats-Unis
3- si possible créer une union économique de la région autour des Etats-Unis, tout en sauvegardant l'accès des Etats-Unis aux marchés et ressources naturelles de l'Asie.
Le moyen de cette politique est une omniprésence politique appuyée sur une considérable puissance militaire à peine moindre que dans celle de l'Europe d'après la guerre froide (90.000 hommes et la VIIème flotte),et même plus importante si on considère non pas la seule Asie du Sud-Est mais l'ensemble du Commandement Pacifique qui est le plus vaste de tous (de la côte africaine à la côte américaine, de l'Asie au pôle sud : 50% de la surface du globe, 60% de sa population).
Les Etats-Unis mènent en Asie cinq politiques essentielles :
1- éviter les conflits territoriaux entre les pays de la région (Chine/Taiwan; Inde/Pakistan les deux Corées etc).
2- éviter la déstabilisation interne des pays de la région (par exemple l'Indonésie qui a été appuyée y compris dans l'affaire de Timor-est par les Etats-Unis).
3- empêcher l'introduction d'armes de destruction massive et de missiles balistiques dans la région. Cette option est cependant constestée par ceux qui soutiennent que de toutes façons la prolifération est inévitable, ne serait-ce que parce que les armes chimiques et bactériologiques ne sont pas difficiles à fabriquer et que l'arme nucléaire est de plus en plus à la portée de tout pays qui atteint un certain niveau de développement (même l'Inde et le Pakistan, qui sont du tiers-monde en principe, l'ont, et même la Corée du Nord). Dans ces conditions il serait peut-être préférable pour les Etats-Unis de présider à une prolifération judicieuse en faveur des pays dont les intérêts convergent avec les leurs.
4- atténuer les menaces transnationales dans la région (en particulier les trafic illicites à commencer par la drogue, mais aussi la piraterie)
5- contrôler et si possible éviter la montée en puissance de la Chine dans la région, ce pays étant désormais considéré comme plus dangereux pour l'équilibre global que la Russie.
D'une manière générale, on estime à Washington que la menace à la paix en Europe
est décroissante, alors qu'elle est croissante en Asie. Mais il y a une
claire incompatibilité des différents objectifs de la politique américaine en
Asie, et cependant il est impossible à Washington de renoncer à aucun d'eux.
La politique américaine en Asie est donc plus encore qu'ailleurs un numéro
d'équilibrisme permanent
Il faut encore ajouter que les pays asiatiques eux-mêmes ont plusieurs objections aux politiques de Washington, tant sur le fond que sur la forme et notamment :
- toutes ces politiques supposent le maintien de l'hégémonie américaine en Asie. Washongton n'envisage que la "collaboration" des nations asiatiques à un nouvel ordre économique et politique dont les Etats-Unis resteraient le principal acteur et bénéficiaire, allant jusqu'à empêcher tout progrès s'il devait se faire sans eux (par exemple : empêcher le Japon de mettre sur pied un "fonds asiatique" pour la stabilisation financière après la crise de la fin 1997, car celui-ci se serait fait sans les Etats-Unis qui n'avaient pas les moyens ni la volonté d'y contribuer).
- les principes qui sous-tendent l'ordre économique et politique que les Etats-Unis voudraient voir s'installer en Asie ne sont que partiellement ceux que souhaitent les gouvernements voire les sociétés asiatiques elles-mêmes. En particulier, l'insistance sur les droits de l'homme et la démocratie à l'occidentale sont vécues comme déstabilisants pour ces gouvernements, alors même qu'ils peuvent accepter les principes d'économie libérale auxquels les Etats-Unis sont attachés.
Colonie espagnole depuis le XVIème siècle (le nom vient du roi Philippe II d'Espagne), les Philippines ont dû être cédées par l'Espagne aux Etats-Unis au terme de la guerre hispano-américaine de 1898 (avec Porto-Rico, toujours américain). Elles ont été le premier territoire véritablement colonial des Etats-Unis qui ont décolonisé après la seconde guerre mondiale.
Les Philippines sont cependant demeurées, dans le contexte de la guerre froide, un porte-avions américain dans le Pacifique,aux côtés du Japon et de Taiwan qui jouaient également ce rôle de "containment" face à la Chine et au bloc communiste en général. Les Etats-Unis y entretenaient de nombreuses bases militaires, avec la bénédiction des gouvernements philippins (spécialement durant la dictature Marcos). Le nationalisme philippin s'est cristallisé sur la question de ces bases au point qu'après le renversement de la dictature le gouvernement philippin a refusé de renouveler les baux de ces bases (1991), après avoir fait inscrire dans la Constitution de 1987 l'interdiction des installations militaires étrangères permanentes dans le pays; les deux pays ne sont plus liés à l'heure actuelle que par le traité de défense mutuelle de 1951 complété par un accord spécial permettant à des "forces de passage" américaines de trouver des facilités aux Philippines (accord de 1999 : "Visiting Forces Agreement") et par un accord logistique (Mutual Logistics Support Agreement - MLSA) signé fin 2002.
Il n'en demeure pas moins que pendant le demi-siècle qu'a duré l'occupation américaine, des liens puissants ont été tissés. L'élite philippine a été et continue de se former aux Etats-Unis (car la dictature pro-américaine de Marcos n'a sur ce point pas innové par rapport aux pratiques de la période coloniale). Nombre de Philippins ont émigré aux Etats-Unis (on estime les américano-philippins à 2 millions, plus 1 million d'immigrés non encore naturalisés : les Etats-Unis restent encore le rêve d'une jeunesse philippine qui n'a pas chez elle de vraies perspectives d'avenir, et quand elle est éduquée, elle parle anglais et non espagnol). Les Etats-Unis demeurent le premier investisseur étranger aux Philippines, mais seulement de peu devant le Japon. En revanche, ils sont clairement le premier partenaire commercial du pays (absorbant 28% des exportations philippines et fournissant 18% de ses importations, en sorte que l'excédent commercial philippin dépend presqu'exclusivement du commerce avec les USA). Le second partenaire commercial des Philippines, mais son premier investisseur étranger est le Japon, avec lequel la relation est cependant exclusivement à caractère économique. On pourrait en dire autant de l'Union Européenne (troisième partenaire commercial et second investisseur étranger). La Chine, qui constituait naguère seulement une menace politique et militaire pour les Philippines est vue de plus en plus comme une menace avant tout commerciale.
La dépendance militaire des Philippines par rapport aux Etats-Unis, qui s'était un peu relâchée au début des années 1990 s'est resserée ensuite, notamment à cause du développement des mouvements de guerilla islamique (le groupe le plus connu est Abu Sayyaf, mais il y en a d'autres : Front islamique de libération Moro, Front National de Libération Moro, Pentagon et autres) dans le sud de l'Archipel en particulier. La lutte contre cette guerilla qui menace à terme l'unité du pays (nord chrétien, sud musulman) suppose une aide militaire constante des Etats-Unis, au moins pour le matériel. Les événements du 11 septembre 2001 n'ont fait que renforcer cette tendance. Les Etats-Unis souhaitent éviter que le sud des Philippines devienne une base arrière du terrorisme islamique, recréant des zones d'entrainement dans les régions du pays que le gouvernement de Manille ne contrôle pas véritablement. Le 21 novembre 2002, les Philippines ont signé avec les Etats-Unis un accord donnant à ces dernier des facilités supplémentaires par rapport à l'accord de 1999 ("Military Logistics Services Agreement"). La coopération militaire entre les deux pays doit tenir compte du fait que la menace qui pèse sur les Philippines n'est pas celle d'une agression extérieure, mais d'un mouvement sécessioniste interne : la lutte contre le terrorisme arrivait à point nommé pour donner un nouveau contenu à cette coopération, s'agissant d'une menace qui est autant interne qu'externe, et les programmes ont pu être intensifiés sans blesser l'ombrageux nationalisme philippin.