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Le patrimoine commun de l'humanité - Relations internationales - Geopolitique - Droit international public

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Le patrimoine commun de l'humanité

 

Le patrimoine commun de l’humanité n’est pas défini d’une façon précise par un texte. Sa genèse est difficile à établir mais l’idée de bien commun indivisible remonte au 19ème siècle (Geouffre de la Pradelle). Plus proche de nous, le Président de la Première Conférence des Nations Unies évoqua le 29 avril 1958, le « patrimoine commun de l’humanité » à propos des ressources des grands fonds marins. En 1966, le Président Johnson appela à faire des fonds marins « the legacy of all human beings ».

     Enfin, l’ambassadeur maltais aux Nations Unies Arvid Pardo évoque le 1/11/1967  la notion de « patrimoine commun de l’humanité » (PCH) comme un espace devant être utilisé à des fins pacifiques et dans l’intérêt de l’humanité toute entière. L’élargissement du PCH se fait en deux étapes :

- l’élaboration de nouvelle normes et leur formulation

- lorsqu’un consensus est atteint, ces normes se voient conférer un caractère obligatoire.

 

Définition :

     1) « Espace de biens appartenant à l’humanité toute entière et, partant, soustraits à l’appropriation exclusive des Etats » (Jean Salmon). Trois grands principes régissent ces espaces, ou en tous cas l’exploitation de leurs ressources : utilisation pacifique, non-appropriation, protection des intérêts de l’humanité. Aujourd’hui, deux espaces font officiellement partie du PCH :

- la Zone : « fonds de mer et des océans ». Article 136 de la Convention sur le Droit de la mer du 30 avril 1982 qui sera profondément modifiée en 1994 (signée par 119 délégations mais non ratifiée par les Etats-Unis et le Canada) : « la Zone et ses ressources sont le patrimoine commun de l’humanité ». Il ne s’agit donc pas des ressources en haute mer pour lesquelles l’appropriation est libre.

- La Lune : le 20/01/67, le traité régissant l’activité des Etats en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique est ouvert à la signature ; il met en place les grands principes du droit de l’Espace et fait des activités spatiales « l’apanage de l’humanité ». Ainsi, cet espace est régi par les deux principes fondamentaux de libre-utilisation et de non-appropriation. Toutefois ce traité ne répond pas aux préoccupations économiques qui suivront l’extraction des premiers rochers lunaires.

     Dès les années 70 sont formulées des propositions pour établir un régime particulier pour la Lune et les corps célestes, visant à attribuer les éventuels revenus de leur exploitation à l’humanité toute entière. Le 5 décembre 1979, l’Assemblée Générale des Nations Unies adopte un projet d’accord dont l’annexe constitue l’Accord sur la Lune  (entré en vigueur le 11 juillet 1984). L’article 11, paragraphe 1 proclame que « la Lune et ses ressources naturelles constituent le patrimoine commun de l’humanité ». Le traité prévoit en outre l’internationalisation des ressources et la gestion collective de leur exploitation.

 

     2) Dimension solidaire du PCH, correspondant au contexte de sa naissance : la décolonisation a fait entrer de très nombreux pays pauvres à l’ONU dans les 60’s et les 70’s.  Dès lors, l’utilisation des espaces faisant partie du PCH « obéit à un régime international d’exploitation au profit de l’humanité toute entière » (Jean Salmon) ; l’humanité devient possesseur d’un bien exploitable.

     Pourtant différence entre le PCH et les préoccupations de l’humanité -telle que la diversité biologique (Convention de Rio 92) et les changements climatiques  (Convention New York 92). De même, le PCH ne peut pas être identifié aux zones sur lesquelles s’établit « une souveraineté commune » définie par la CIJ.

   

     3) Les espaces qui font débat

- l’Antarctique : statut précisé par le traité de Washington du 1/12/1959. Il est considéré par certains comme faisant partie du PCH : il est dédié à la paix et à la science et ne peut être unilatéralement envahi par un Etat partie au traité. La protection de l’environnement du continent austral est considéré comme un intérêt de l’humanité. Toutefois, malgré l’appel de 1989 par l’Assemblée Générale des Nations Unies à une protection de cet espace au profit de l’humanité toute entière, et en particulier la volonté des PVD de lui reconnaître le statut de PCH,  l’Antarctique reste régi par un traité classique qui ne concerne donc que les Etats parties (Argentine, Chili, Pérou, Uruguay, Australie, Belgique, Pays-Bas, France, Japon, Nouvelle-Zélande, Norvège,  Finlande, Suède, Afrique du Sud, Russie, Royaume-Uni, Irlande et Etats-Unis).

- Divers éléments : orbites de satellites géostationnaires, le spectre des fréquences radioélectriques, le patrimoine culturel, naturel et génétique ainsi que les éléments essentiels à la biosphère (couche d’ozone ou climat) sont parfois considérés comme faisant partie du PCH. La question se pose pour ces différents domaines car des déclarations les ont symboliquement intégrés sans pour autant qu’il y ait eu adoption de normes à caractère obligatoire: patrimoine génétique lors de la Déclaration universelle sur le génome humain du 11/11/97.

 

Exemple des fonds marins :

     A partir de la déclaration d’Arvid Prado de 1967, l’idée d’intégrer les fonds marins au PCH sera progressivement reprise par l’Assemblée Générale entre 1967 et 1970. Cela aboutit le 17/12/70, à la résolution 2749 qui affirme, en son premier article, que les fonds marins font partie du PCH et en fixe les grands principes d’exploitation. Mais l’initiative principale est prise le 10/12/82 avec la Convention des Nations Unies de Montego Bay qui répond aux exigences de la résolution 2749.

     Original et unique : la gestion mise en place par la Convention de Montego Bay est un véritable système de régulation contraignant dans lequel les Etats sont souvent réduits à un rôle de médiation. Cela provoque des tensions entre pays développés et PVD. En effet, les pays riches voulaient un système de gestion unilatérale tempérée par des principes d’exploitation rationnelle respectueux des intérêts de tous. A noter d’ailleurs que le Convention n’a pu entrer en vigueur que le 15/11/1995 car l’opposition de certains pays développés a longtemps empêché la ratification par 60 pays. Se sont mises en place principalement trois institutions :

- la Zone : l’article 1 de la Convention la définit comme : « les fonds marins et leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale ».

- l’Autorité : (une Assemblée Générale et un Conseil) ordonne et contrôle l’exploitation des espaces visés. Elle est censée gérer les ressources pour le compte de l’humanité. En outre, elle a une compétence territoriale par laquelle elle assume l’exercice des droits de l’humanité. L’Autorité a une compétence directe et immédiate : elle contrôle les activités d’exploitation de la Zone directement auprès des exploitants, le cas échéant, sans médiation étatique. Elle peut délivrer une autorisation, soit à un Etat, soit à une entreprise. 

- L’Entreprise : pas encore mise en place mais qui sera l’organe exécutant pour l’exploration, l’exploitation, le transport et la commercialisation des minéraux tirés de la Zone, sans en avoir le monopole.

    

Les enjeux posés par la notion de PCH

     Internationalisation positive et négative    

Internationalisation négative :  principes de non-appropriation unilatérale et d’utilisation pacifique. L’exemple le plus abouti est celui des traités de désarmement et notamment le dénucléarisation de l’Antarctique par l’article 5 du traité de Washington. L’internationalisation négative garantit l’égal exercice des libertés par tous les Etats.

Internationalisation positive : dépasser les égoïsmes nationaux en intégrant les notions de communauté internationale et d’humanité. Celles-ci sont souvent revendiquées lors de déclarations symboliques mais leur portée normative reste souvent limitée.

     En témoigne d’ailleurs le double échec en la matière des traités concernant la Lune et l’Antarctique. Dans les deux cas, s’est trouvée l’impossibilité de mettre en place un régime international d’exploitation :

- la Convention de Wellington du 02/06/1988 concernant le continent polaire devait soumettre l’exploitation des ressources minières du continent  au droit de l’environnement. Mais le protocole de Madrid du 4/10/91 impose un moratoire de 50 ans ce qui fait reculer la prise d’une décision effective (même si a été créé un Comité pour la protection de l’environnement de l’Antarctique, dont les pouvoirs sont limités).

- le traité de 1979 relatif au statut de la lune définit surtout des buts à atteindre sans mettre en place de véritables instruments juridiques. Cet aspect sera l’objet d’un futur accord dont la date n’est pas fixée.

 

     Enfin, la référence à la notion d’humanité pose des problèmes juridiques et, partant, institutionnels. Poser l’humanité comme sujet de droit semble incompatible avec le maintien de l’autonomie des Etats souverains. Mais en outre, le contexte de la naissance de cette notion a un impact important sur les enjeux qu’elle soulève. La décolonisation a changé la composition de l’Assemblée Générale de l’ONU. Les pays du Tiers Monde d’abord et les PVD ensuite y sont devenus majoritaires et ont ainsi pu utiliser le recours à la notion universelle d’humanité pour imposer une plus grande solidarité à leur profit, au travers de la revendication d’un Nouvel Ordre Mondial. Toutefois, cette notion de solidarité s’est profondément réduite, notamment sous l’impact de la conjoncture mondiale. L’humanité comme sujet de droit a deux caractéristiques :

- trans-spatiale : tous les hommes sont concernés dans une perspective universaliste et égalitaire. Dès lors, l’article 140-2 de la Convention de Montego Bay stipule que : « L'Autorité assure le partage équitable, sur une base non discriminatoire, des avantages financiers et autres avantages économiques tirés des activités menées dans la Zone ». Toutefois, l’exploitation de la Zone doit tenir compte « particulièrement des intérêts et besoins des Etats en développement et des peuples qui n'ont pas accédé à la pleine indépendance » (article 140-1). Dès lors la définition du « partage équitable » est un des enjeux majeurs pour la Zone car elle diffère selon que l’on se place du point de vue des pays développés ou des PVD.

 - trans-temporelle : idée que les générations présentes ne sont que les gestionnaires du patrimoine commun. Dès lors, dans le cadre des fonds marins, deux axes : d’une part l’esprit de conservation pour éviter le gaspillage ; d’autre part le souci de programmation pour promouvoir la coopération internationale aux fins du développement général de tous les peuples.

 

     L’apparent succès de la gestion des fonds marins ne doit pas cacher les limites de la notion de PCH. Les Etats ont du mal à accepter cette remise en cause de leur souveraineté et de leur pouvoir économique. Se pose la question de savoir si la notion même de PCH ne sert pas en fait de révélateurs à des divergences sous-jacentes (contour de la souveraineté nationale, hostilité à l’égard de a propriété commune…).

 

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