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Création artificielle issue de la première guerre mondiale, la Yougoslavie, dont l’unité factice n’avait été sauvegardée que par la main de fer de Tito, a été victime de la même débâcle que les régimes totalitaires de l’Est de l’Europe : le processus violent de décomposition de la République Fédérative Socialiste de Yougoslavie (RFSY) a posé d’importants problèmes juridiques, qui ont amené à la création d’une Commission d’arbitrage pour la paix (I). |
Malgré des travaux novateurs, cette Commission s’est trouvée dans l’incapacité de résoudre les aspects les plus problématiques de la dislocation de l’ex-Yougoslavie (II).
I/ La complexité et la gravité de la situation en Yougoslavie en 1991 amènent à la création d’une Commission d’arbitrage
A. La mise en place de la Commission
1. La dégradation de la situation en Yougoslavie
La mort de Tito, en 1980, laisse apparaître des failles dans la mosaïque des ethnies yougoslaves, lesquelles atteignent un paroxysme avec la déclaration d’indépendance simultanée de la Slovénie et de la Croatie le 25 juin 1991. La vive riposte des forces militaires fédérales et la tentative de médiation de la Communauté Européenne ( accord de Brioni, 7 juillet1991) n’empêchent pas les deux républiques de confirmer leur indépendance le 8 octobre 1991. La Macédoine et la Bosnie Herzégovine font de même, et la Serbie et le Monténégro demeurant seuls, attachés au maintien de la République Fédérative Socialiste de Yougoslavie (RFSY).
2. La genèse de la Caommission
La gravité de la crise yougoslave - perceptible au travers de la montée en puissance des ripostes armées - et les menaces pesant sur le droit international conduisent à l’adoption, par la réunion ministérielle extraordinaire réunie à Bruxelles le 27 août 1991, d’une déclaration sur la Yougoslavie dans laquelle la Communauté Européenne (CE) appelle à un cessez-le-feu et met en place un mécanisme institutionnel : la Conférence Européenne pour la Paix en Yougoslavie. Est également prévue une procédure d’arbitrage qui devient la « Commission d’arbitrage », réunissant initialement les présidents des juridictions constitutionnelles de la France, l’Allemagne, la Belgique et l’Italie, présidée par Robert Badinter
3. Le fonctionnement de la Commission
La Commission d’arbitrage est rapidement sollicitée pour rendre non des sentences arbitrales, mais des avis consultatifs (sur les questions posées par les Etats concernés, par le président de la Conférence ou par le Conseil des ministres des douze) dont son acte constitutif ne lui donnait pourtant pas explicitement la compétence.
La Commission d’arbitrage a toujours suivi une procédure contradictoire, et a communiqué à l’ensemble des parties les pièces de la procédure.
B. Un travail juridique qui mêle tradition et originalité
1. Le processus de dissolution
L’avis n° 1 est rendu le 7 décembre 1991 : la RFSY est effectivement engagée dans un processus de dissolution, au sens où les indépendances proclamées vont à l’encontre du consentement de l’Etat prédécesseur. Ce sont les structures des anciens Etats fédérés qui ont formé les nouveaux Etats indépendants.
Cependant, le maintien de l’intégrité territoriale des républiques est affirmé avec force dans l’avis n° 2 : « le droit à l’autodétermination ne peut entraîner une modification des frontières existant au moment des indépendances. »
2. La succession d’Etats
La Commission d’arbitrage s’est inspirée de la Convention de Vienne de 1978 sur la succession en matière de traités et de la Convention de Vienne de 1983 sur la succession d’Etats .
La Commission s’est prononcée sur la date des successions d’Etats : la dissolution de la RFSY est le résultat non d’un accord entre les parties mais d’un processus de désintégration engagé le 29 novembre 1991 arrivé à son terme le 4 juillet 1992 ( avis n°8)
La Commission a retenu pour chaque nouveau pays la date à laquelle l’Etat souverain a manifesté sa volonté claire de rompre avec l’Etat prédécesseur.
- Croatie et Slovénie : 8 octobre 1991 ; rupture des liens avec l’ancienne RFSY et qualité d’Etats souverains au sens du droit international
-Macédoine : 17 novembre 1991 ; adoption de la nouvelle constitution après le référendum du 8 septembre lui-même consécutif à la proclamation du droit d’indépendance ( 25/01/91)
- Bosnie Herzégovine : 6mars 1992 ; résultat du référendum sur la souveraineté.
Selon la Commission : « Quels que soient les événements dramatiques qui ont affecté depuis lors la Bosnie-Herzégovine les autorités constitutionnelles de cette République se sont comportées depuis cette date comme celles d’un Etat souverain. »
- République Fédérative de Yougoslavie, Serbie-Monténégro ( RFY) : la date a été plus difficile à fixer. L’existence juridique de la RFY n’est pas contestable mais cette république « se considère comme un Etat non pas successeur mais continuateur » et n’a en conséquence jamais proclamé son indépendance.
La Commission a choisi la date de l’adoption de la nouvelle constitution de la nouvelle entité le 27 avril 1992.
3. La reconnaissance d’Etats
La Commission d’arbitrage, en évoquant dans son avis n° 2 les « normes maintenant impératives du droit international général » relatives au respect des droits des minorités, a suivi le rapport des experts de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE) qui subordonne le principe de reconnaissance des Etats à l’engagement préalable effectué par leurs responsables de respecter un certain nombre de principes, et notamment ceux relatifs aux droits de l’Homme et des minorités.
La Commission d’Arbitrage a donc indiqué, en fonction des réponses qui lui avaient été fournies par les Etats quant au respect de ces obligations, si les conditions étaient réunies pour effectuer les reconnaissances demandées.
A noter deux nouveautés dans la procédure de reconnaissance des Etats :
- théoriquement discrétionnaire et unilatérale, utilisée à des fins politiques, la reconnaissance s’inscrit ici dans un contexte contractuel : elle peut devenir l’instrument juridique d’une sanction.
Normalement accomplie individuellement, elle est de plus, dans le cas de l’ex-Yougoslavie opérée conjointement par une collectivité d’Etats membres de la CE.
II/ L’incapacité de la Commission d’Arbitrage à résoudre les aspects juridiques les plus problématiques de la décomposition de l’ex-Yougoslavie
A. Des questions juridiques non résolues
1. La représentation de l’ex-RFSY dans les institutions internationales
La RFY Serbie-Monténégro prétendait assurer la continuité de l’Etat, de la personnalité juridique et de la politique internationale de la RFSY : cette position, destinée à faire apparaître les autres Etats issus de l’ex-Yougoslavie comme sécessionnistes, a été contestée par :
-Les dits Etats, qui n’entendaient pas reconnaître des privilèges particuliers à la RFY, notamment s’agissant du partage des biens de l’ex-RFSY situés dans des pays tiers, ou de la répartition des créances et des dettes de celle-ci.
-la Commission d’arbitrage, qui a estimé dans son avis 8 que la « nouvelle fédération Yougoslave » était un Etat successeur et non continuateur.
Cette position a été suivie par les organisations internationales :
-la RFY a d’abord été exclue de la CSCE le 8 juillet 1992
-le Conseil de sécurité de l’ONU a considéré dans sa résolution 777 du 19 septembre 1992 que la RFY ne pouvait pas assurer automatiquement la qualité de membre de l’ancienne RFSY aux Nations Unies.
-l’Assemblée Générale de l’ONU a décidé le 22 septembre 1992 que la RFY ne participerait pas à ses travaux et devrait formuler une demande d’adhésion à l’ONU.
La situation a été bloquée pendant 8 ans, la RFY refusant de présenter une demande d’admission à l’ONU. Le problème n’a été réglé qu’en 2001, avec l’arrivée au pouvoir de M. Kostunica : la RFY a en effet présenté une demande d’admission à l’ONU en bonne et due forme.
2. L’épineuse question des actifs et passifs de l’ex-RFSY
La Commission d’arbitrage, dans les avis 11 à 15 rendus courant 93, a fait valoir que les règles du droit international n’avaient en la matière qu’un caractère supplétif, l’essentiel étant de parvenir par voie d’accord à un résultat global équitable, reprenant ainsi les articles 18, 31, et 41 de la Convention de Vienne de 1983.
Elle a cependant établi une distinction entre :
-les biens immeubles : principe du locus in quo
Les biens immeubles se trouvant sur le territoire d’un Etat successeur passent sous sa juridiction exclusive, quel que soit l’ancien propriétaire, à condition qu’il s’agisse de biens publics.
-les autres biens
Même processus que pour les biens immeubles, sous condition de répartition équitable entre les Etats successeurs de l’ex-RFSY.
Les problèmes demeurent :
- la RFY estime que les biens qui dans le passé appartenaient à un Etat fédéral doivent continuer à lui appartenir nonobstant les transferts aux différentes républiques fédérées par la Constitution de la RFSY de 1974 .
- la « propriété sociale » qui appartenait aux organisations de travail associé - typiques de l’autogestion yougoslave - continue de faire débat, la question de savoir si ces propriétés relevaient du domaine de l’Etat ou du « privé » n’ayant pas été tranchée par la Commission.
- les avoirs et dettes de la Banque nationale de Yougoslavie relèvent de la succession d’Etats ; or les différents Etats successeurs ne parviennent pas à se mettre d’accord sur leur répartition.
3. L’inquiétant problème du Kosovo
Dans l’ex-RFSY, la République de Serbie comprenait deux provinces jouissant d’une certaine autonomie : le Kosovo et la Voïvodine. Or, suite à la dislocation de la RFSY et à son intégration dans la République Fédérative de Yougoslavie, le Kosovo souhaite devenir indépendant : jusqu’en 1999, cette question avait été réglée manu militari par les Serbes. L’intervention des forces de l’OTAN a certes mis fin aux exactions serbes, mais n’a pas résolu l’épineuse question de la volonté d’indépendance de la province. Il n’est pas impossible que le Kosovo obtienne gain de cause, mais dans ce cas, quid de la Voïvodine ?
En outre, les Serbes procèdent à un chantage : si l’indépendance est accordée à ces provinces, la contrepartie est claire : l’annexion de la partie serbe de la Bosnie Herzégovine. Dès lors se profile une instabilité juridique des plus inquiétantes.
La Commission d’arbitrage a rendu des avis importants et novateurs sur les conditions juridiques de la succession et sur celle de la reconnaissance d’Etats, et a amorcé une théorie de la dissolution d’Etats. Elle a en outre pris des positions intéressantes sur la portée du principe d’intangibilité des frontières, la nature des droits des minorités et les conditions d’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Cependant, les événements concomitants et ultérieurs aux avis de la Commission ont montré l’incapacité du droit international face à l’usage de la force.