L'Afrique, un continent en perdition ?

 

L’Afrique compte 51 Etats sur près de 30 millions de km², ce qui représente 861 millions de personnes. La carte politique du continent a été tracée en grande partie par les Européens pendant la période coloniale.

L’Afrique, un continent en perdition ?

Introduction

 

Aujourd’hui, l’Europe reste le premier partenaire international des pays africains qui peinent à prendre une autre place sur la scène internationale que celle d’Etats à l’économie sous perfusion et au régime politique instable. On a en effet souvent de l’Afrique une conception simpliste qui oscille entre l’afro pessimisme et le zoo grandeur nature; pourtant, les différents pays du continent sont des acteurs à part entière de la politique et de la mondialisation.

 

I- L’Afrique apparaît globalement comme un continent en crise.

 

Depuis les années 1960 (R. Dumont, L’Afrique noire est mal partie, 1962), l’idée que l’Afrique est un continent à l’écart, sous développé et en proie à la violence s’est imposée dans les représentations.

ØLa crise semble multiforme :

Economique. Le continent affiche les performances les plus faibles. L’ensemble des revenus des pays d’Afrique subsaharienne correspond au PIB du Mexique et sur les 45 pays classés parmi les moins avancés par le PNUD, 34 sont en Afrique. Le continent semble à l’écart de la mondialisation, ne participant qu’à 3% des échanges mondiaux. Les ressources étatiques dépendent surtout des matières premières (économies rentières faiblement industrialisées) et la chute des cours a entraîné un fort endettement des Etats. Les deux dernières décennies ont par conséquent été marquées par les plans d’ajustement structurels du FMI dans de nombreux Etats. L’image qui s’impose est celle de la pauvreté du plus grand nombre : 1 personne sur 2 vivrait avec moins d’1 dollar par jour. La famine est un spectre récurrent mais elle est davantage liée aux stratégies des acteurs politiques (la faim est devenue une arme et une ressource) qu’aux caprices de la nature. La malnutrition, quant à elle, est une réalité quotidienne.

Politique. La mal gouvernance semble une maladie politique essentiellement africaine : corruption et « patrimonialisation » des richesses (J.F. Bayart) sont courantes dans des pays où le contrôle du pouvoir est souvent l’enjeu de luttes violentes entre acteurs politiques. La pauvreté et les tensions sociales sont facilement instrumentalisées par l’ethinicisation des discours. Les guerres civiles et les régimes dictatoriaux font de nombreuses victimes à travers tout le continent. L’absence de pouvoir politique contrôlant tout le territoire permet le développement de trafics, tant d’armes que de matières premières (diamant, coltan) ou de drogue, et de potentats locaux. L’Afrique est un des premiers terrains d’intervention pour les forces onusiennes de maintien de la paix (comme au Sahara occidental ou en Ethiopie). L’aide humanitaire et pour le développement est un des multiples visages de la dépendance de l’Afrique.

Démographique. La démographie est décrite comme galopante en Afrique (croissance de 3% par an) où la majorité de la population a moins de vingt ans (taux de natalité du Mali 50 pour mille). Le taux d’analphabétisme est important, d’autant plus dans les pays où la population est plus rurale qu’urbaine (en moyenne 1 Africain sur 2 vit en ville). La mortalité (16 pour mille en Afrique subsaharienne) ainsi que la mortalité infantile restent très élevées (le taux de mortalité infantile est supérieur à 100 pour mille dans 21 Etats africains). Les maladies infectieuses sont la première cause de mortalité (paludisme, rougeole, tuberculose) et le SIDA touche dans certains pays près d’un quart de la population. Les systèmes d’encadrement sanitaires subissent aussi les conséquences de l’appauvrissement des Etats.

Environnementale. L’Afrique, véritable scandale géologique et écologique, semble dilapider ses richesses. La déforestation de la forêt tropicale dans de nombreux pays a été considérable pour augmenter le nombre d’hectares cultivables face à la pression démographique. Le bois est une matière première indispensable au quotidien des ruraux africains. Quant aux citadins, ils doivent gérer le développement de la pollution industrielle (villes d’Afrique du Nord surtout) mais aussi celle liée aux déchets ménagers qui polluent les nappes phréatiques. L’eau est une ressource rare et précieuse dans l’Afrique sèche et les sécheresses successives (années 1970) ont fait avancer le désert dans les pays sahéliens (Mali, Tchad ou Niger par exemple). Enfin, la richesse de la faune est en danger face aux braconnages incontrôlés et au recul de la forêt.

 

De nombreux indicateurs sont au rouge mais l’Afrique n’est peut-être pas pour autant en voie de régression. L’accouchement laborieux d’Etats issus du lourd héritage colonial et en quête d’identités nationales ne doit pas empêcher de s’intéresser aux recompositions et aux évolutions des sociétés africaines dotées d’un remarquable dynamisme.

II- La diversité régionale oblige à nuancer le constat d’une Afrique en perdition.

 

Il faut tout d’abord souligner que la collecte de chiffres est très variable d’un pays à l’autre, ce qui amène à rester prudent, même en ce qui concerne les évaluations qui peuvent être manipulées selon l’effet escompté (meilleure image pour accroître les investissements, noircissement du tableau pour recevoir davantage d’aide internationale). « Si les statistiques disaient vrai, nous serions tous morts » aiment à dire certains Africains.

L’Afrique n’est pas un seul sous-système du système mondial : le continent est composé d’ensembles régionaux aux dynamiques propres et aux contrastes politiques économiques et sociaux importants.

L’Afrique du nord, « l’Afrique blanche », présente des statistiques démographiques et de développement qui la font se détacher de l’Afrique subsaharienne (taux de mortalité à 7 pour mille et amorcement d’un vieillissement de la population, économies plus industrialisées et relativement moins touchées par l’informel). Majoritairement musulmane, cette partie du continent Maghreb/ Machrek regarde vers le Moyen Orient (Libye, Egypte). Les liens avec la rive nord de la Méditerranée sont également forts (traités de coopération avec l’UE au Maroc, en Algérie et en Tunisie).

L’Afrique australe et orientale est plus urbaine (près de 80% de la population) et dominée par l’Afrique du Sud. Les conséquences de la ségrégation (Zimbabwe), voire de l’Apartheid, sont un héritage lourd à gérer. Cette Afrique est plus connectée au monde : on y trouve de grands aéroports, de véritables centres d’affaires et les lieux les plus touristiques (parcs du Kenya et de la Tanzanie).

L’Afrique de l’ouest, francophone, s’organisait plutôt autour de la Côte d’Ivoire et de son miracle économique (café et cacao), avant la crise et le conflit actuel. Le Sénégal est aujourd’hui le pays le plus dynamique, tandis que le Nigeria s’impose de plus en plus comme un acteur essentiel sur le marché mondial du pétrole. Le Burkina Faso essaie quant à lui de s’affirmer comme pôle culturel, notamment au travers de son festival du cinéma africain.

L’Afrique centrale, enfin, apparaît comme la zone la moins prospère et la plus livrée au chaos, même si (peut-être parce que) elle recèle d’immenses richesses minières : tandis que l’Angola ou la région des Grands Lacs sortent à peine de conflits meurtriers, la République Démocratique du Congo est un pays peu contrôlé et  une zone de guerre larvée continuelle (comme en Ituri en 2003).

 

L’objet de ce dossier est d’évaluer la crise du continent et ses nuances régionales pour dégager la place que peut prendre l’Afrique dans le contexte international.

 

 

I. L'Afrique en crise

 

 


 

Y a-t-il un retard économique africain ?

 

 

A l’inverse de la majorité des pays du Tiers Monde, l’Afrique a vu s’accroître son retard en quarante ans : le revenu moyen des Africains, qui représentait 14% de celui des pays développés en 1970, n’en représente plus que 7% aujourd’hui. 34 pays africains font aujourd’hui partie des PMA (les pays les moins avancés). La croissance économique de l’Afrique était de 3,4% en 2002.

 

I. Les facteurs de l’accroissement du retard économique de l’Afrique

ØUn faible niveau de développement économique

Les deux piliers de l’économie africaine – l’agriculture et l’extraction minière – ont plié, tandis que le troisième – l’industrialisation – ne s’est guère construit.

- L’agriculture emploie toujours la moitié de la population active mais ne fournit que le tiers du PNB. Ce ratio (le même que celui des années 1970) indique la faible productivité du secteur agricole. Alors qu’à son accession à l’indépendance, l’Afrique était autosuffisante sur le plan alimentaire, en 2002, 38 pays africains connaissent, à des degrés différents, une crise alimentaire « permanente ».

- Les ressources minières de l’Afrique, qui constituaient un intérêt stratégique pendant la guerre froide, ont vu leurs cours chuter de façon vertigineuse dès la fin des années 1970. Cette tendance lourde a été renforcée par la chute du mur de Berlin. Le pétrole constitue toutefois un cas à part.

- La part de l’industrie dans le PIB en Afrique a décru, traduisant une désindustrialisation du continent. Le secteur manufacturier africain ne représente que 1% de la production industrielle mondiale. 12 pays seulement sur 53 disposent d’un appareil industriel plus ou moins diversifié – souvent sous employé.

ØLa dépendance africaine de l’aide extérieure

L’aide assure en moyenne 8,5% du PNB de ses PMA. Le continent dépend donc de l’aide extérieure pour le maintien de ses services publics et le remboursement de la dette.

Certains pays ne survivent que grâce à l’aide : 2/3 du PNB du Mozambique sont fournis par l’aide, 40% de celui de la Tanzanie, 20% de ceux du Burundi, du Tchad, du Malawi ou du Rwanda.

Pourtant l’aide accordée ne cesse de baisser. Elle obéit le plus souvent à des considérations stratégiques. Les Etats Unis aident l’Egypte, la France soutient sa « zone de solidarité prioritaire », et les pays pétroliers reçoivent d’importants financements. Pour d’autres, l’aide est moins élevée.

Pour contrebalancer cette érosion, certains chefs d’Etat tentent de lancer le NEPAD visant à mobiliser la communauté internationale autour d’un nouveau plan de relance économique de l’Afrique.

 

II. Un diagnostic pessimiste à nuancer

ØUne grande diversité de situations

Le niveau de développement de l’Afrique méditerranéenne est bien plus élevé que celui de l’Afrique subsaharienne. L’Egypte, la Tunisie et le Maroc peuvent être considérés comme des pays émergents.

Des différences tout aussi fortes opposent les pays d’Afrique subsaharienne :

- Les niveaux de développement sont très inégaux. L’île Maurice et le Botswana sont les deux seuls pays africains à avoir quitté le statut de PMA au cours des 30 dernières années (croissance de 5% du PIB/hab depuis les années 1980). L’Afrique du Sud et le Nigeria constituent également deux grandes puissances économiques de l’Afrique subsaharienne et des pôles importants de leur espace régional. Trois autres puissances se démarquent, disposant déjà d’un certain niveau d’industrialisation et de capacités agro-exportatrices : le Kenya, la Côte d’Ivoire (avant la guerre) et le Zimbabwe.

- Les pays exportateurs de pétrole connaissent aussi une situation économique particulière.

- Les investissements étrangers expliquent également une partie des différences entre Etats. Notamment, Fran-çois Bourguignon, chef économiste de la Banque mondiale, a affirmé fin 2004 que l’Ouganda connaît depuis les années quatre-vingt-dix une croissance huit fois supérieure à la moyenne de l’Afrique sub-saharienne, accompagnée d’un recul de la pauvreté, grâce aux investissements étrangers attirés par la modernisation menée par le général Museveni depuis 1986.

- Enfin de nombreux Etats, bien qu’affectés par une pauvreté chronique, parviennent à maintenir une croissance lente, grâce à une aide internationale massive et surtout grâce aux envois financiers de leurs diasporas à l’étranger (pays du Sahel, Mali, Ethiopie, Afrique australe, Mozambique, Malawi...)

ØL’importance du secteur informel

70% de l’économie africaine est en réalité une économie informelle, vivant en marge de l’Etat. Elle permet aux Africains de vivre mieux que ne le montrent les indicateurs économiques officiels. C’est ce que les économistes Marc Penouil et Jean-Pierre Lachaud qualifient de « développement spontané ».

 


 

La crise de l’Etat africain

 

Un Etat est une autorité souveraine s’exerçant sur l’ensemble d’un peuple et d’un territoire déterminés. Les Etats africains sont-ils véritablement souverains et légitimes ?

 

I- Les Etats africains ne disposent pas d’une véritable souveraineté.

Ø Sur le plan international : une dépendance économique héritée de la période coloniale

-    Les réformes imposées par les bailleurs de fonds internationaux (les ajustements structurels imposés par le FMI) montrent que la dépendance financière et la souveraineté sont difficilement compatibles.

-    Le développement des échanges internes à l’Afrique permettrait de réduire la dépendance par rapport aux autres continents, en plus de réduire le risque de conflits entre Etats africains.

Ø Sur les plans interne et international : une privatisation du maintien de l’ordre

-    Dans plusieurs Etats africains, par exemple au Congo, au Liberia et en Sierra Leone, on a assisté à une déliquescence des armées nationales et à leur remplacement par des mercenaires. Ces prestataires privés, qui se paient en concessions diamantifères et en dollars, peuvent être sud-africains (Executive Outcomes), britanniques, américains, israéliens, français, ukrainiens ou russes.

-    La souveraineté nationale est également menacée lorsque l’Etat se décharge des missions de sécurité au profit de milices (Cobras, Zoulous et Ninjas au Congo-Brazzaville, milices du général Aïdid en Somalie).

 

II- La légitimité des Etats africains reste à construire.

Ø La légitimité des Etats est souvent contestée de façon violente.

-    La légitimité de l’Etat est remise en cause lors de coups d’Etat (Comores en 1995, Niger en 1996 et 1999, Côte-d’Ivoire en 2000), de guérillas (Liberia, Centrafrique, Sierra Leone, Niger), ou de soulèvements populaires (par exemple en 1988 au Sénégal pour dénoncer des fraudes électorales).

Ø Le moteur de la vie politique africaine : les luttes factionnelles

-    Les partis politiques se forment moins en Afrique en fonction des religions, des idéologies et des classes sociales qu’en fonction des ethnies (Burundi, Togo) et surtout des luttes de clans, qui opposaient autrefois un chef de guerre et ses amis à un autre chef de guerre et à ses amis, et qui opposent aujourd’hui tel homme politique et ses amis à tel autre homme politique et à son clan.

-    Le chef du clan est idéalisé, c’est l’une des raisons pour lesquelles la majorité des régimes africains sont des régimes présidentiels. Jusqu’à la fin des années 1980, le modèle dominant en Afrique reposait sur la concentration du pouvoir entre les mains du chef de l’Etat et sur un parti unique.

-    Mais dans aucun pays africain le parti n’a été capable d’assumer le rôle d’animateur social qui lui avait été assigné.

Ø Les Etats africains semblent incapables de séparer clairement les sphères publique et privée.

-    La distinction entre le patrimoine de l’Etat et celui du chef de l’Etat est traditionnellement floue en Afrique, on parle à ce sujet d’Etat néo-patrimonial.

-    Autour du président émerge une bourgeoisie bureaucratique, issue de chefferies anciennes ou de confréries religieuses, qui profite de l’appareil d’Etat. Cela tient essentiellement à une certaine mentalité africaine selon laquelle la puissance et la grandeur d’un homme se mesure en fonction de ce qu’il redistribue et non en fonction de ce qu’il accumule.

Ø Le vent de l’Est souffle depuis 1989.

-    L’effondrement des régimes socialistes a convaincu tous les organismes internationaux (Banque mondiale, PNUD, OCDE) de l’interdépendance entre démocratie et développement. Le discours de François Mitterrand au sommet de La Baule en 1990 a ouvert l’ère de la conditionnalité de l’aide extérieure.

-    Plusieurs pays africains se sont alors engagés dans la voie de la transition démocratique, en légalisant les partis politiques, en accordant des garanties au citoyen face au pouvoir, et en rééquilibrant le pouvoir entre législatif et exécutif, et entre chef de l’Etat et Premier ministre. La transition malienne a été la plus spectaculaire : en 1991, après avoir pris le pouvoir par un coup d’Etat, le général Amadou Toumani Touré a remis le pouvoir aux civils.

-    L’alternance politique s’est « normalisée » puisqu’elle a déjà touché un pays africain sur cinq, annonçant peut-être une maturation de la démocratie, et une reconquête de la légitimité de l’Etat. La démocratie progresse ainsi au Sénégal (où Abdou Diouf a cédé le pouvoir à Abdoulaye Wade en mars 2000 à l’issue de l’élection présidentielle), au Botswana, au Kenya, en Namibie et au Mali.


 

Les conflits en Afrique

 

Le continent africain est souvent désigné comme la région du monde la plus affectée par les luttes armées ou les crises politiques porteuses de germes de guerre : en 2002, 32 pays sur 45 étaient en guerre ou livrés à des bandes armées. Les conflits africains mêlent l’interne et l’international sur les terrains de combats comme sur leurs facteurs d’explication.

 

I- Des guerres d’indépendance sur fond de guerre froide.

En 1945, seuls quatre Etats africains sont indépendants : Egypte, Ethiopie, Liberia et Afrique du Sud. Les grandes puissances coloniales dominent et exploitent les richesses naturelles et la main d’œuvre africaines.

Ø      L’affirmation de l’idée d’émancipation et la contestation de l’ordre colonial ont une issue violente dans certaines régions où la décolonisation n’est pas acceptée par la puissance métropolitaine. La violence sporadique des mouvements d’émancipation (Maroc, Tunisie, Congo belge, Kenya) se transforme en guerre sanglante en Algérie (1954-1962) et surtout dans les pays issus de l’empire lusophone, Guinée-Bissau (1956-1974), Angola (1961-1975) et Mozambique (1964-1975). Dans ces deux derniers pays, le conflit est entretenu par la dimension d’affrontement idéologique de guerre froide et le voisinage de l’Afrique du Sud et de son régime d’Apartheid.

Ø      L’Afrique australe est un terrain d’affrontement des logiques est-ouest : le camp occidental essaie de lutter contre l’instauration de régimes socialistes, soutenus par l’URSS. Au Mozambique, les rebelles du RENAMO (Mouvement national de résistance du Mozambique) sont aidés dans leur lutte contre le FRELIMO (Front de libération du Mozambique, d’inspiration marxiste léniniste) qui a pris le pouvoir à l’indépendance (1975), par les Etats-Unis, ainsi que par l’Afrique du Sud et la Rhodésie du Sud. Ces pays voisins où le pouvoir est aux mains des Blancs voient d’un mauvais œil le développement de revendications égalitaristes pour les Noirs. Le RENAMO accueille par exemple les militants de l’ANC. Le conflit s’essouffle avec l’indépendance du Zimbabwe (1980) et la signature d’accords entre le gouvernement mozambicain et l’Afrique du Sud (1984) mai c’est seulement avec la disparition de l’URSS que les rebelles et le pouvoir en place parviennent à un accord, en 1992. En Angola, l’URSS et les Etats-Unis s’affrontent de nouveau par mouvements de libération interposés. Le retrait des Portugais en 1975 laisse le pouvoir au MPLA (Mouvement populaire pour la libération de l’Angola), soutenu par l’URSS mais contesté par l’UNITA (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola). Jonas Savimbi, le leader de l’UNITA est appuyé par les Etats-Unis et par l’Afrique du Sud qui envahit le sud du pays. Face à cette agression extérieure, Cuba, avec l’accord du grand frère soviétique, décide de venir en aide au MPLA en envoyant un corps expéditionnaire de 50 000 hommes et en armant la SWAPO (South West African People’s Organization), mouvement de libération namibien contre l’Afrique du Sud. L’apaisement n’intervient qu’au tournant des années 1990 avec la fin de l’aide sud-africaine à l’UNITA (1988), le retrait progressif des troupes cubaines et la signature d’un cessez-le-feu en 1992. La tenue d’élections en 1992, remportées par le MPLA et Edouardo Dos Santos souligne cependant la fragilité de la paix qui n’est devenue possible qu’en 2002 avec la mort de Savimbi.

Ø      De façon générale, la construction étatique des pays récemment indépendants est délicate, d’autant plus que la notion d’Etat est un modèle d’organisation politique légué par le colonisateur. Les coups d’Etats ne sont pas rares (Ouganda 1979, Congo 1997, République centrafricaine 2003.

Ø      La construction d’Etats indépendants fait naître des conflits territoriaux potentiels. Le découpage des Etats effectué par les Européens en 1885 à la Conférence de Berlin est conservé. Proclamées intangibles par l’OUA en 1964, les frontières africaines sont peu contestées et leur permanence est remarquable par rapport à la réalité européenne. Seuls quelques conflits naissent entre Etats sur le tracé (Aouzou entre Tchad et Libye 1973-1994, Bakassi entre Nigeria et Cameroun, 1982-2004), le plus souvent en raison de richesses souterraines. Les conflits sécessionnistes sont rares mais violents et, parfois durables : guerre du Biafra (1967-1970), problème du Sahara occidental (depuis 1975), velléités indépendantistes du Katanga congolais (1960), Somaliland (autoproclamé indépendant en 1994), Erythrée (1961-1993)…

 

II- Des conflits pour l’appropriation de la rente.

Ø      Les années 1990 sont une décennie du chaos. Deux régions sont particulièrement touchées: l'Afrique centrale (Zaïre et Grands Lacs) et l'Afrique occidentale (de la Sierra Leone à la Côte d'Ivoire). Les guerres civiles ouvertes (Soudan, Somalie, Sierra Leone, Liberia, Angola, Congo, Zaïre) ou larvées (Tchad, Centrafrique, Ethiopie, Côte d’Ivoire et même Algérie) sont meurtrières et provoquent déplacements forcés de population, enrôlement d’enfants soldats et destructuration de tous les groupes sociaux. Ces guerres ont pour enjeu le contrôle de la rente : or, diamants, pétrole, terres cultivables. L’objectif de conquérir territoires et ressources minières a mené à l’explosion de la première guerre continentale africaine de 1994 à 1999, à partir du génocide rwandais qui a entraîné dans la guerre des troupes rwandaises, burundaises, ougandaises, congolaises, zimbabwéennes… De l’Ethiopie à l’Angola se dessine ainsi une diagonale de la guerre où les conflits s’interalimentent par trafics et destabilisations mutuelles.

Ø      Les conflits sont liés à l’effondrement de l’Etat. Les économies rentières ont été désorganisées par la chute des prix des matières premières et par la fin de la guerre froide (et de la rente stratégique). La pauvreté et la pression démographique sont, dans des contextes économiques difficiles, des ferments de violence tandis que les survivances de la logique de rente aident à faire durer les conflits en fournissant l’argent pour les armes.

Ø      Peut-on parler de conflits ethniques ? Les conséquences de la mondialisation ont pu faire ressurgir les ethnicités mais les conflits ont bien d’autres aspects : politiques, économiques, culturels… Tandis que des pays ethniquement homogènes (la Somalie) connaissent eux aussi la guerre, les hommes politiques instrumentalisent les réalités changeantes que sont les ethnies (Côte d’Ivoire) pour allumer la violence. Le génocide rwandais illustre assez bien cette utilisation de l’ethnicité. Le colonisateur belge, le premier, en s’appuyant sur l’opposition Hutus/Tutsis, a exacerbé les tensions au Rwanda et au Burundi et contribué à la violence de la « révolution rwandaise » de 1959 qui voit l’arrivée au pouvoir des Hutus et l’exode des Tutsis vers les pays voisins (Burundi, Ouganda, Zaïre). Les massacres ethniques ponctuent les décennies 1960, 1970 et 1980. En 1990, le FPR Front patriotique rwandais, mouvement tutsi exilé en Ouganda) lance une attaque contre le Rwanda. La paix signée en 1993 avec le président hutu J. Habyarimana n’est que de courte durée : après l’attentat contre l’avion présidentiel en avril 1994, une véritable guerre civile est déclenchée et les Tutsis et les Hutus modérés sont massacrés sans répit pendant deux mois sans que la communauté internationale n’intervienne. Le génocide provoque entre 800 000 et 1 million de morts. La conquête du pays par le FPR entraîne l’exil d’un grand nombre de Hutus (parmi lesquels les génocidaires) vers la RDC et la prise de pouvoir par le leader tutsi Paul Kagame. L’instauration du TPI pour le Rwanda dès 1994 entame un long processus de réconciliation.

 

L’Afrique a cependant également ses îlots de paix. De nombreux pays ont entamé des processus de reconstruction et de réconciliation et des moyens sont mis en œuvre, à l’échelle régionale et internationale pour prévenir les guerres.

 


 

Un continent en proie aux fléaux sanitaires

 

L’Afrique ploie sous des fléaux d’un autre âge (choléra, paludisme) et sous des fléaux émergents. Le paysage sanitaire est révélateur de l’Etat de crise des jeunes Etats africains.

 

I- Les indicateurs sanitaires : le déclassement de l’Afrique noire.

ØL’espérance de vie moyenne est faible.

Sur le continent africain, l’espérance de vie moyenne est de 51 ans. L’espérance de vie corrigée de l’incapacité (EVCI, indicateur créé par l’OMS en 2000) classe 32 pays africains à moins de 40 ans. La Sierra Leone aurait ainsi une EVCI de 26 ans… Alors que l’âge médian de la mort est de 78 ans dans les pays développés, il est de 6 ans en Afrique. En effet, c’est surtout le taux de mortalité infantile qui reste fort. Dans 18 Etats d’Afrique subsaharienne, le taux de mortalité infantile est supérieur à 100 pour mille. En 2002, le Mozambique a un TMI de 201 pour mille, c’est-à-dire qu’un enfant sur cinq meurt avant un an. Le classement des pays selon le taux de mortalité place de nombreux pays africains en fin de liste.

ØMais les différences régionales sont importantes.

Si le bas du tableau rassemble de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, l’Afrique du Nord présente des taux plus proches des pays développés. L’espérance de vie y est plutôt de 65 ans et un pays comme la Tunisie est de plus en plus confronté au vieillissement de sa population. Les problèmes sanitaires n’y sont donc pas les mêmes qu’en Afrique noire où 42% de la population a moins de 15 ans. Les maladies infectieuses y ont reculé, en lien avec le développement. La situation de l’Afrique australe se distinguait légèrement de celle du reste de l’Afrique subsaharienne dans les années 1980 mais la décennie 90 a vu une nouvelle tendance à la baisse de l’espérance de vie à cause du VIH SIDA.

ØPaludisme, épidémies et endémies.

Les populations d’Afrique subsaharienne sont touchées par de nombreuses maladies infectieuses qui sont responsables de près d’un décès sur deux, selon l’OMS. La rougeole par exemple tue encore de nombreux enfants dans les campagnes quand l’accès au vaccin est difficile pour des raisons d’infrastructures ou de pauvreté. La désorganisation des Etats et la baisse des budgets de santé liés aux ajustements structurels ont eu de lourdes conséquences sur les politiques nationales de santé publique. La malnutrition dans certaines régions aggrave la situation, rendant les individus plus  vulnérables aux maladies. Enfin, l’Afrique connaît de nombreuses endémies : maladie du sommeil, cécité des rivières... Le paludisme y est ainsi le second facteur de mortalité après le SIDA.

 

II- L’Afrique, continent du SIDA.

ØLes différences régionales.

Le bastion du SIDA est l’Afrique australe, où le Botswana détient le record mondial avec 38 % des femmes entre 15 et 49 ans (en âge de procréer) séropositives. L’épidémie est partie des grands lacs et s’est répandu dans l’Afrique australe où les mobilités sont fortes et la population urbaine majoritaire. En Afrique du Sud, près d’un quart de la population serait séropositive, cette forte prévalence étant notamment due à la violence urbaine (viols). L’attitude politique explique aussi ce taux : avant 1998, le SIDA n’était pas une priorité du gouvernement post-apartheid. En Afrique du Nord, à l’opposé, les taux de prévalence sont faibles, grâce aux modes de vie, à la religion et aussi à la mobilisation associative pour informer. C’est aussi le cas au Sénégal où le taux est de 2%.

ØLes conséquences sur la démographie et la société.

A cause du SIDA, les démographes revoient à la baisse les projections de population. En 1991, on prévoyait qu’il y aurait 1,6 milliard d’habitants en Afrique en 2025; en 2000, on a réduit ce nombre à 1,25 milliard d’habitants, soit une baisse de 23 %. En 2025, Botswana, Zimbabwe et Afrique du Sud pourraient avoir une population inférieure à celle de 1997. La ponction VIH est visible sur la pyramide des âges de certains pays et abaisse l’espérance de vie : cette dernière est retombée en 1998 à son niveau des années 1960 (40 ans). Le SIDA a de lourdes conséquences sociales : le nombre d’orphelins laissés à eux-mêmes grandit (environ 12 millions en Afrique australe) et les Etats perdent à cause de la maladie les jeunes adultes sur lesquels ils pourraient fonder leur développement (main d’œuvre agricole comme jeunes diplômés). La croissance s’en ressent, comme en Afrique du Sud où on estime que le PIB pour 2000-2010 sera inférieur de 17 % à ce qu’il aurait été sans le SIDA.

 

Les pays d’Afrique ont à faire face à d’importants défis sanitaires, d’autant plus en Afrique subsaharienne où les facteurs de vulnérabilité sont nombreux : conflits, mal gouvernance, sous-développement et ignorance sont autant de handicaps pour la bonne santé des sociétés africaines.


 

Les Africains menacés par les changements environnementaux

 

Les connaissances et le mode de vie traditionnel des Africains étaient intrinsèquement plus respectueux de l’environnement que certaines formes modernes de développement.

 

I- Les changements environnementaux ont pour causes :

Ø La pression démographique

-    Les pressions démographiques croissantes provoquent de la déforestation (plus fort taux au monde) et du surpâturage. Il en résulte une dégradation des sols, de l’érosion et une avancée du désert en zone sahélienne.

-    Bien que majoritairement rurale, l’Afrique a de forts taux de croissance urbaine. Or la prolifération de l’habitat précaire (par exemple la Cité des morts au Caire) nuit à l’environnement.

Ø La surexploitation des ressources naturelles

-    Les littoraux sont menacés par la surexploitation des ressources et par la pollution par les hydrocarbures. Des règlements sont déjà en vigueur, mais il faudrait du personnel qualifié pour améliorer l’efficacité des contrôles.

-    Bien que les émissions de gaz à effet de serre soient, dans l’ensemble, négligeables en Afrique, le changement climatique mondial amplifie la variation des précipitations, ce qui aggrave les sécheresses (notamment au Sahel) et les inondations (comme au Mozambique en 2000).

 

   Or la majorité des Africains tire directement ses moyens d’existence des ressources naturelles, et 61 % de la population d’Afrique subsaharienne vit dans des zones écologiquement vulnérables.

 

II- Ces changements ont à leur tour un impact sur les populations vulnérables.

Ø Ils déstabilisent les économies de subsistance traditionnelles.

-    L’intensification des sécheresses au Sahel renforce les conflits entre les nomades, qui veulent utiliser les terres pour le pâturage, et les sédentaires, qui veulent les utiliser pour l’agriculture.

-    L’abattage commercial du bois met en péril les communautés qui trouvent leurs moyens de subsistance dans les produits forestiers autres que le bois d’œuvre (ex. : les Baka du Cameroun qui vivent de la chasse et de la cueillette).

Ø Ils posent des problèmes de santé publique.

-    Le manque de disponibilité de l’eau douce représente la principale entrave au développement de l’Afrique, car elle limite la production alimentaire et industrielle et joue un rôle majeur dans la propagation des maladies. Près du lac Victoria, par exemple, les cas de paludisme, de schistosomiase et de choléra ont augmenté à cause de la pollution provoquée par les eaux usées.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

II. L'Afrique, enjeu dans la mondialisation

 

 


 

La douloureuse et  imparfaite décolonisation et ses conséquences

 

I. Nationalismes et volonté d’indépendance en Afrique : facteurs de fin des empires coloniaux.

ØFacteurs de fin des empires coloniaux :

- Les revers des puissances coloniales pendant la Seconde Guerre mondiale détruisent leur prestige et renforcent les nationalismes. En Afrique noire les leaders (Kwamé N’Krumah au Gold Coast, Nnamdi Azikiwé au Nigeria, Léopold Sédar Senghor au Sénégal, Félix Houphouët-Boigny en Côte-d’Ivoire…) demandent un aménagement de la domination ; ils sont habitués aux pratiques politiques européennes.

- La propagande des Alliés contre l’hitlérisme qui remet en cause la notion de supériorité de la race blanche, ainsi que la mise en avant du principe des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes, principes inscrits dans la charte de l’Atlantique (1941) à l’instigation des Américains, puis dans celle des Nations unies (1945), favorisent l’essor des mouvements indépendantistes.

- L’espoir suscité s’accompagne d’une radicalisation certaine, comme en témoigne en Algérie le Manifeste du peuple algérien lancé par Ferhat Abbas en 1943, qui réclame l’indépendance alors qu’il s’était fait jusque-là le partisan de l’assimilation.

Dès 1945, la décolonisation apparaît comme un des problèmes majeurs de l’après-guerre.

ØRéaction des grandes puissances coloniales :

- Février 1944 : conférence de Brazzaville : pour les Français la décolonisation est impensable, il faut privilégier l’intégration.

- Pour les Britanniques, il faut favoriser l’instauration d’un self-government des élites locales, afin de garder des liens politiques, et plus encore économiques. L’idée de domination doit être remplacée par celle d’association volontaire.

- Franklin D. Roosevelt encourage un  système de trusteeship internationale (responsabilité de la conduite à l’indépendance) mais les Etats-Unis sont des conciliateurs non dépourvus d’intérêts.

ØLes difficultés de la décolonisation résultent de la nature même de la colonisation :

Les relations politiques et économiques entre métropoles et colonies ont pour conséquence une désagrégation des structures sociales dans les pays colonisés. S’appuyant sur des élites traditionnelles ou bien les désagrégeant, sur certaines ethnies au détriment d’autres, suscitant de nouvelles élites occidentalisées tout en les excluant des véritables responsabilités, les puissances coloniales nourrissent de violentes contradictions favorisant l’émergence de mouvements nationalistes complexes et tiraillés, où se mêlent modernité (État laïc, socialisme) et tradition (clans, identité culturelle et religieuse), contribuant à rendre la décolonisation plus difficile, voire plus violente. D’où nombre de conflits interraciaux ou religieux que les métropoles n’ont fait qu’entretenir par la colonisation et n’ont pas su apaiser au moment de la décolonisation.

La grande vague de décolonisation a lieu dans les années 1960.

 

II. Une décolonisation à la fois pacifique et violente :

ØLes aspects pacifiques de la décolonisation :

Les Britanniques tentent tout d’abord un compromis par « l’association des races » afin que les colons blancs puissent conserver une partie du pouvoir. Mais, face à l’hostilité des populations noires, ils se résolvent à accepter la thèse du nationalisme sans pluralité de races. Beaucoup de pays accèdent à l’indépendance, sous l’impulsion de grandes formations politiques noires en position dominante dans lesquelles le personnel gouvernemental est recruté (exemple : Julius Kambarage Nyerere premier président du Tanganyika –actuelle Tanzanie ; Milton Obote, leader de l’Uganda People’s Congress et premier dirigeant de l’Ouganda souverain en 1962).

Toutefois l’opposition entre décolonisation réussie à l’anglaise et ratée par les Français ne recouvre que partiellement la réalité.

En effet, la France a su réussir la décolonisation de l’Afrique noire. Grâce aux différentes étapes que sont l’Union française (1946), puis la loi-cadre Defferre (23 juin 1956) qui établit un régime d’autonomie interne, la transition réformatrice aboutit à une émancipation progressive et pacifique. L’absence d’intérêts économiques majeurs et d’une forte minorité d’Européens dans ces colonies favorise la mise en place de cette solution, ainsi que l’attitude des grands meneurs indépendantistes africains, aux idées et à la culture francophiles, qui mènent une stratégie souple, ne s’engageant jamais dans l’affrontement direct avec la métropole. Félix Houphouët-Boigny, député de Côte d’Ivoire à l’Assemblée nationale (1946-1959) et plusieurs fois ministre sous la IVe République, fondateur du Rassemblement démocratique africain (RDA), et Léopold Sédar Senghor jouent un rôle primordial dans cette évolution. La Communauté française créée en 1958 permet à la France de maintenir de bonnes relations avec les pays de l’Afrique équatoriale française (AEF) et de l’Afrique occidentale française (AOF), qui demeurent dans sa zone d’influence.

Le Maroc et la Tunisie accèdent rapidement à l’indépendance (1956) mais cherchent des appuis, auprès des Américains notamment, pour prendre leurs distances avec la France, et soutiennent dans sa lutte le Front de libération nationale (FLN) algérien.

La décolonisation espagnole se déroule également de façon plutôt pacifique. Entre 1968 et 1976, l’Espagne rétrocède l’enclave d’Ifni au Maroc, qui se partage avec la Mauritanie, en 1976, le Sahara-Espagnol, tandis que les anciens territoires du Río Muni et de Fernando Poo deviennent indépendants en 1968 sous le nom de Guinée équatoriale. L’Espagne ne conserve alors plus que les présides de Ceuta et de Melilla ainsi que les Canaries.

ØLa violence reste cependant le trait dominant des processus de décolonisation :

- La Grande-Bretagne, elle aussi, est confrontée à des émeutes et des soulèvements. Exemples :

-    répression de l’insurrection des Mau-Mau au Kenya entre 1951 et 1956.

-    en Rhodésie du Sud (actuel Zimbabwe) la minorité blanche décrète en 1965, unilatéralement, l’indépendance sur la base d’un régime raciste et de ségrégation similaire à celui de l’Afrique du Sud.

-  La France connaît un problème colonial important en raison de l’absence de toute conception globale de la décolonisation et de toute volonté politique forte de la part des différents gouvernements de 1945 à 1958, du désintérêt affiché de l’opinion publique métropolitaine et de l’évolution de la situation internationale.

-    Répression violente du soulèvement nationaliste à Madagascar en 1947 (plusieurs dizaines de milliers de victimes) ; les Malgaches n’accèdent à l’indépendance qu’en 1960.

-    Surtout la guerre d’Algérie, l’une des plus longues guerres de la décolonisation (1954-1962) qui met fin à 130 ans de présence française.

- Le désengagement soudain et total de la Belgique au Congo comme au Rwanda et au Burundi est suivi de terribles guerres civiles (émeutes de Léopoldville en janvier 1959 et départ précipité des Belges le 30 juin 1960→  anarchie ; présence entre 1961et 1963 de 20000 casques bleus jusqu’en 1965 et le coup d’état de Mobutu).

 

III. Un bilan contrasté :

Laissant de lourdes séquelles dans la mémoire des peuples colonisés, la décolonisation a marqué une étape majeure de l’histoire des pays d’Afrique, et rares sont ceux qui ont vécu sans trouble cette transition essentielle.

- Des États-nations se sont certes formés mais ils ont été l’objet de nombreuses convoitises par les deux « super-grands », en raison de leurs richesses minières ou de leur importance géostratégique, et ne sont pas parvenus, malgré leur désir affiché, à donner une force et un contenu suffisant à ce qu’ils voulaient instaurer comme troisième voie entre capitalisme et socialisme.

- Les frontières héritées de la colonisation ont ouvert la voie à de nombreux conflits mais constituent également la base sur laquelle les nouveaux Etats africains ont tissé des relations de coopération internationale et interafricaine.

- Cependant, quelles que soient les voies choisies -libéralisme, socialisme, système étatique fort ou État théocratique-, les pays qui ont accédé à l’indépendance demeurent soumis aux exigences de l’économie mondialisée et cette mondialisation a favorisé le maintien, voire l’accentuation, de leur dépendance envers les anciennes métropoles.

 

Cette dépendance économique, caractéristique du néocolonialisme malgré les politiques d’aide et de coopération, et le poids de la dette — les puissances européennes demeurant parmi les principaux bailleurs de fonds — jouent, aujourd’hui encore, un rôle important dans l’impuissance des ex-pays colonisés à mettre en place les structures de leur développement.


 

L’Afrique, un « nain » sur la scène politique internationale ?

 

Malgré les tentatives du continent africain pour faire entendre sa voix, notamment à travers le Mouvement des non-alignés, l’Afrique reste exclue du concert des nations, à quelques exceptions près.

 

I. L’Afrique tente de s’affirmer pendant la décolonisation.

Les mouvements nationalistes africains qui se développent après la Seconde Guerre mondiale illustrent le désir de l’Afrique d’exister sur la scène internationale.

ØC’est surtout par leur participation au Mouvement des non-alignés que les pays africains cherchent à jouer un rôle international dans l’ordre bipolaire de la Guerre froide et affirment leur autonomie.

Participent ainsi à ce mouvement, aux côtés de leaders comme Tito, Nehru et Sukarno, des figures comme l’Egyptien Nasser et l’Ethiopien Hailé Sélassié. A mesure qu’ils accèdent à l’indépendance, les Etats africains demandent également leur admission à l’ONU ; ils représentent 6% des membres de l’organisation au début de 1959, 20% fin 1960 et plus de 30% au début des années 1990.

ØCependant, les non-alignés ne peuvent échapper à la bipolarisation.

-L’Afrique devient ainsi un terrain de l’affrontement Est-Ouest. La cohésion du mouvement est elle-même fragile et ces pays peinent à parler d’une seule voix à l’Assemblée générale de l’ONU. L’effondrement de l’URSS en 1991 les contraint à redéfinir leur rôle.

- De même dans les années 1960, le panafricanisme, convaincu de pouvoir donner la leçon aux occidentaux, conduit à la formation d’organisations de coopération africaines (Fédération d’Afrique centrale et Fédération du Mali puis OUA 1963).

 

II. L’Afrique ne parvient pourtant pas à peser sur les relations internationales.

ØL’Afrique reste en situation de domination :

Le développement  de l’Afrique ne peut s’appuyer que sur l’intégration à l’ordre politique et économique mondial. C’est précisément parce que l’apport de l’Afrique aux échanges mondiaux est si faible que le continent est si fortement soumis à la « loi universelle » édictée par d’autres.  L’insertion de l’Afrique dans l’économie internationale est de plus en plus informelle (ex : le Zaïre discrédité devant la communauté financière internationale mais qui continue de commercer via des charters ou des norias de camions).

ØOn peut parler d’une aggravation de la dépendance du continent africain ou au moins d’une transformation des modalités de son intégration au système international par la privatisation croissante de ses rapports avec le reste du monde et le lien qui l’unit à ses bailleurs de fonds (endettement et aide extérieure).

Ainsi, un nombre croissant d’acteurs privés s’implantent en Afrique pour des raisons lucratives et deviennent des partenaires essentiels des stratégies conduites par les détenteurs autochtones du pouvoir, tout en se tenant à l’écart de la sphère publique ou même de la légalité (développement de l’informel). L’Afrique est donc à sa manière partie prenante de la mondialisation : « les stratégies d’extraversion » (Jean-François Bayart) assurent son intégration dépendante à la marche du monde. Les partis nationalistes ont aussi repris à leur compte les institutions politiques fondées par l’Etat colonial et se sont efforcés d’étendre l’emprise de celles-ci sur la société. La globalisation demeure donc une ressource pour le processus de formation de l’Etat en Afrique.

ØL’Afrique se manifeste cependant sur la scène politique internationale par le biais notamment :

-    De puissances montantes qui réclament légitimement une reconnaissance plus marquée de leur rôle ; c’est le cas principalement de l’Afrique du Sud qui demande un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies ;

-    De figures emblématiques africaines telles que les secrétaires généraux africains de l’ONU l'Égyptien Boutros Boutros Ghali (1992-1996) et le Ghanéen Kofi Annan, élu en 1996 et réélu en 2001, récompensé par le prix Nobel de la Paix en octobre 2001 ; ou encore le Sud Africain Nelson Mandela (l’homme politique le plus populaire du monde ?) ;

-    Du Groupe des 77 (aujourd'hui 135 pays du Tiers monde), créé en 1964 et qui sert de porte parole institutionnel du Tiers monde à l’ONU et revendique un NOEI. Dans la même ligne, on peut signaler le premier sommet Sud-Sud à La Havane en avril 2000 visant à l’appropriation de grands thèmes occidentaux en les mettant au service d’une mondialisation plus équitable. Les Etats réunis dénoncent également une planète verrouillée par l’Occident ;

-    Du football comme moyen d’intégration (un des langages les mieux compris par l’Afrique et le reste du monde).


 

L’Afrique à l’écart de la mondialisation

 

I- La marginalisation de l’Afrique par rapport au commerce global

ØUne perte de compétitivité mondiale

- L’insertion africaine dans le commerce international est passée de  3,6 % (1980) à 1,4 % (2003)

- Cela s’explique en partie par le profil de spécialisation. Les produits primaires continuent de représenter plus de 90% des exportations africaines.

- L’Afrique est concurrencée de manière croissante par les autres pays en voie de développement. Elle perd des parts de marché pour ses principales cultures d’exportation : arachide, palmiste, banane, caoutchouc et ne les a maintenues que pour le café, le tabac, le coton, le sisal et le thé.

- Les exportations africaines sont également concentrées sur des marchés spécifiques. Leur principal débouché est l’OCDE et notamment l’UE. L’UE et les Etats-Unis contrôlent donc par leurs achats et leurs investissements une partie du destin africain, sans que l’inverse soit vrai : l’Afrique représente moins de 3% des importations européennes, et moins de 2 % des importations des Etats-Unis.

- Les économies africaines sont d’autant plus vulnérables qu’elles sont ouvertes.

ØDes dispositions préférentielles en faveur de l’Afrique

- L’Afrique a bénéficié d’un très grand nombre de mesures en termes d’allègement de dette.

La dette pèse lourdement sur les budgets africains : la dette extérieure africaine totale représente toujours près de 60% des PNB des Etats, plus de deux fois et demie les recettes d’exportations de biens et services. Cette dette a triplé depuis le début des années 1980. Toutefois, grâce aux mesures d’annulation, de restructuration et de rééchelonnement dont le continent a bénéficié, le service de la dette ne représente plus que 16% des exportations du continent contre 20% en 1997.

- Certaines dispositions accordent à l’Afrique un régime d’exception dans la libéralisation des échanges

L’Accord de coopération économique de Cotonou (les anciennes Conventions de Lomé), signé le 23 juin 2000 (entré en vigueur en 2003) instaure un partenariat privilégié entre l’UE et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), garantissant à ces pays l’accès des marchés européens en franchise de douane. Des accords commerciaux tels que l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) américain, adopté en 2000, ou l’accord européen « Tous sauf les armes » – réservé aux PMA – visent à faciliter les exportations des biens primaires et des produits manufacturés africains dans les pays riches.

 

II- Un continent africain soumis à la loi des « mondialisateurs »

ØLe peu d’effectivité des dispositions préférentielles

Peu de pays peuvent profiter de l’opportunité qui leur est donnée d’accroître leurs exportations car leurs capacités productives restent trop faibles. Ainsi, les véritables bénéficiaires de l’AGOA restent les pays pétroliers (Nigeria, Gabon), ou ceux disposant déjà d’un appareil industriel (Afrique du Sud, Kenya). De plus, dans le cadre de l’OMC, ces accords dérogatoires sont amenés à disparaître.

ØUne dégradation des positions africaines dans les échanges internationaux

- L’Afrique est affectée par la détérioration des termes des échanges : les aides directes des pays occidentaux aux revenus de leurs agriculteurs font baisser les prix mondiaux des produits agricoles, pénalisant les exportations des pays africains et leurs ventes internes.

- L’iniquité de l’ordre mondial laisse peu de chance à l’Afrique. Le coton en est devenu l’exemple emblématique. Par des subventions massives (3,9 mds $ pour 2001-2002), les Etats-Unis soutiennent leur culture du coton dont le coût de production est trois fois plus élevé que dans des pays africains, privant ainsi de revenus des pays d’une extrême pauvreté.

- En juin 2003, le Mali, le Burkina Faso, le Bénin et le Tchad ont déposé à l’OMC une protestation contre les subventions du coton. Suite à d’âpres négociations, les quatre pays d’Afrique de l’Ouest ont obtenu, dans l’accord-cadre conclu à Genève le 1er août 2004, que la question du coton soit traitée de manière "ambitieuse, rapide et spécifique, dans le cadre des négociations sur l’agriculture." Pour de nombreuses organisations non gouvernementales, cet accord est un échec pour les pays africains : le risque demeure que le dossier soit noyé dans les autres thématiques agricoles. Les pays d’Afrique de l’ouest ont l’intention de maintenir leurs revendications sur la suppression des subventions à l’agenda de l’organisation.

ØLe pétrole, vecteur d’insertion internationale, facteur de développement ?

La nouvelle stratégie américaine d’approvisionnement en pétrole donne aux pays africains un nouvel avantage : les Etats-Unis achètent 14% de leur pétrole au continent africain. Certains pays africains bénéficient ainsi d’un retour de la rente des matières premières. Le pétrole africain ne semble pas pour autant constituer un facteur de développement : bien que les revenus pétroliers représentent 46% des PIB respectifs du Congo et du Gabon, ils n’ont pas amorcé le développement.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

III. Perspectives d’avenir

 

 


 

Les mutations démographiques

 

 

I- Une croissance démographique exceptionnelle

En 2003, l’Afrique compte 861 millions d’habitants, ce qui représente 13,6% de la population mondiale pour 22,5% de la superficie des terres émergées. Elle est donc relativement peu peuplée.

Sa densité de population est d’environ 28 habitants/km² ; elle était de 5 hab/km² en 1950.

ØDe forts contrastes de peuplement

- La densité du continent augmente très vite. D’une part, le poids relatif de l’Afrique dans la population mondiale est en forte augmentation (9% en 1950 ; 13,5% en 2003). D’autre part, l’Afrique voit se densifier son occupation de l’espace alors même que sa population reste à majorité agricole.

- Les situations sont très disparates. L’île Maurice détient le record de densité en Afrique (600 hab/km²). Le pays le plus densément peuplé de l’Afrique continentale est le Rwanda (300 hab/km²)

- Une diagonale des faibles densités (5 hab/km²) sépare l’Afrique occidentale de l’Afrique orientale.

ØDes surpeuplements relatifs

- Bien que peu peuplé, le continent africain présente des régions de surpeuplement relatif liées à une densification de la population sans modification des techniques agricoles.

- Les communautés rurales ont répondu à cette densité démographique d’une part par l’extension des superficies cultivées, d’autre part par la migration, vers les villes et vers les marges peu peuplées.

 

II- Une urbanisation sans précédent

La croissance exceptionnellement rapide des villes au cours des 40 dernières années est un des principaux facteurs de mutation des territoires et des sociétés en Afrique.

ØLe fait urbain : ancien en Afrique du Nord, récent en Afrique subsaharienne (héritage colonial)

Beaucoup d’Etats enclavés ont un taux d’urbanisation moindre que les Etats dotés d’un littoral, dont les villes sont d’anciens comptoirs côtiers créés par les Européens. Les taux d’urbanisation ne sont que de 6% au Rwanda, 8% au Burundi, 13% en Ouganda...

ØUne urbanisation tardive mais très rapide

- L’urbanisation du continent s’accélère avec les indépendances (et la création de nouveaux Etats)

- L’urbanisation a été très rapide : +5% par an en moyenne de 1960 à 1990 (contre +3,3% en Asie). De 1950 à 2000, la population totale de l’Afrique a été multipliée par 4 et la population urbaine par 11. En 2000, le taux d’urbanisation de l’Afrique (40%) se rapproche de la moyenne mondiale (48%).

- Dans la croissance urbaine, la croissance naturelle a pris le relais de l’exode rural.

 

III- La fin de l’exception démographique africaine

Le taux d’accroissement naturel ne cesse d’augmenter : 2,4% par an en 1950, 3% par an en 1980-90, 2,4% par an en 2003. La population africaine double en 25 ans.

ØUne entrée récente dans la seconde phase de la transition démographique

- La transition démographique a été exceptionnellement rapide au Maghreb. En une génération, la fécondité passe de 7 (1970) à 2,5 enfants par femme (2003). Les mutations socioculturelles des sociétés maghrébines sont un facteur décisif de la baisse de la fécondité. La Tunisie a donné l’exemple en 1956, en promulguant un « Code du statut personnel » favorable aux femmes.

- Dans les années 90, la baisse de fécondité s’amorce en Afrique subsaharienne. Les deux facteurs essentiels de cette évolution sont l’urbanisation et ses conséquences sur le statut des femmes : scolarisation des filles, développement du travail des femmes hors foyer, moyens de contraception, politiques de santé plus efficaces, crise économique source de difficultés des ménages

ØLe retard des campagnes

- Les taux de fécondité dans les campagnes restent très élevés : de 6 à 8 en 1977 ® de 5 à 7 en 2000

- La situation de la femme ne s’y améliore pas : pourcentage record de femmes analphabètes, poids des pratiques traditionnelles et des résistances culturelles, prise en charge collective des enfants

ØUn continent marqué par une forte mortalité

Le taux de mortalité s’élève à 14 pour mille (moyenne mondiale : 9 pour mille).

Aujourd’hui, le taux de mortalité marque un pas, en raison de l’ampleur de l’épidémie de SIDA (sur les 42 millions de personnes touchées par le VIH, 30 millions vivent en Afrique subsaharienne).


 

 L'Organisation de l'unité africaine et l'Union africaine

 

L'organisation de l'unité africaine

Ø      Créée en 1963, elle comptait en 2002 52 Etats-membres -un "53°" étant le Sahara occidental-, seul le Maroc n'en faisant pas partie -suite à son retrait en 1984 après la reconnaissance du Sahara occidental par l'organisation.

Ø      Ses objectifs principaux étaient d’éliminer les derniers vestiges du colonialisme et de l’apartheid, de renforcer l’unité et la solidarité des Etats africains, de coordonner et d'intensifier la coopération en faveur du développement, de défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale des Etats membres, et de favoriser la coopération internationale dans le cadre des Nations Unies.

Ø      Marquée par les principes d'égalité souveraine, de non-ingérence, de respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale, et de règlement pacifique des différends, l'OUA s'est montrée peu efficace dans les litiges entre Etats, et encore plus dans les questions intra-étatiques qui se multipliaient. Ce malgré la mise en place d'un mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits.

 

L'Union africaine

Ø      Initiée par la Libye en 1999, elle s'est substituée à l'OUA le 9 juillet 2002, avec les mêmes membres.

Ø      Ses principaux objectifs affichés sont les suivants:

-        l'unité et la solidarité, par l'intégration politique et la défense commune des intérêts sur la scène internationale;

-        la souveraineté et l’intégrité territoriale de ses Etats membres;

-        le développement, l’intégration économique, la participation commune à l'économie mondiale, les questions de santé; (le NEPAD a été adopté comme programme de l'UA);

-        la paix, la sécurité et la stabilité sur le continent, alliés à la démocratie et la bonne gouvernance;

-        les droits de l’homme et des peuples conformément à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981).

Ø      Bâtie sur le modèle de l'Union européenne avec des emprunts à l'ONU, elle est composée de plusieurs institutions qui entrent progressivement en activité -Conférence (chefs d'Etat ou de gouvernement), Conseil exécutif (ministres), Parlement panafricain, Commission, Cour de justice (2004), Conseil économique, social et culturel, Conseil de paix et de sécurité (2004).

Ø      Le protocole créant le Cour de justice n'a été ratifié que par 15 Etats et seul le Burrkina-Faso a accepté la déclaration facultative autorisant les requêtes individuelles.

Ø      Tout en respectant les principes fondamentaux de l'OUA, son acte constitutif pose le "droit de l'Union d'intervenir dans un Etat-membre sur décision de la Conférence dans certaines circonstances graves, à savoir les crimes de guerre, le génocide, les crimes contre l'humanité". D'où la mise en place:

-            d'une politique africaine commune de défense et de sécurité en 2004;

-            du Conseil de paix et de sécurité, actif en 2004, chargé de promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité en Afrique, la diplomatie préventive, le rétablissement de la paix, et l'humanitaire. Il peut mandater des troupes d'appui à la paix dans les Etats ayant signé un accord, et peut recommander une éventuelle ingérence à la Conférence dans les cas de violations sus-cités;

-            d'une force de 15000 hommes prévue pour 2010.

 


 

Une initiative de développement originale, le NEPAD

 

Porté par 5 Etats depuis 2001, dont des puissances régionales -Afrique du Sud, Algérie, Egypte, Nigeria et Sénégal-, le Nouveau partenariat pour le développement en Afrique met l'accent sur le secteur privé, le cadre régional constituant le référent de base pour ses projets. Il vise l'appropriation par l'Afrique du processus de développement et un nouveau partenariat fondé sur la responsabilité partagée et l'intérêt mutuel. Malgré son originalités, des doutes existent sur sa capacité à relever les défis du continent.

 

I- Un projet de développement original pour sortir l'Afrique de la stagnation.

ØLe NEPAD se fixe 4 objectifs principaux étroitement liés: inverser la tendance au décrochage économique, assurer la paix et la sécurité, améliorer la gouvernance et améliorer santé et éducation.

ØIl se veut une réponse originale nouvelle rompant avec les solutions passées:

-    il concerne l'ensemble du continent et répond au cadre de l'Union africaine;

-    il veut jouer sur les complémentarités entre pays disposant de capacités financières et technologiques et pays intermédiaires, en soulignant le rôle moteur des puissances africaines au niveau régional;

-    il vise à offrir aux bailleurs de fonds un cadre de référence dépassant les clivages actuels.

ØSes axes pratiques sont relativement ambitieux:

-    faire du secteur privé un partenaire privilégié;

-    faire de la région l'espace de référence -5 sont définies: UMA, CEDEAO, CEEAC, COMESA, SADC;

-    appropriation des choix par les Africains et procédure de contrôle par les pairs;

-    mise en phase avec les attentes des bailleurs de fonds via un volet politique -stabilité, bonne gouvernance, démocratie et droits de l'homme- favorisant un développement durable;

-    un volet économique visant la mobilisation des ressources, avec 7 priorités sectorielles: infrastructures, nouvelles technologies, santé, éducation, culture, agriculture, diversification de la production et des exportations par un meilleur accès au marché mondial.

 

II- Mais un cadre ambigu à l'issue incertaine.

ØPlusieurs critiques de fond sont déjà faites au NEPAD:

-    processus "de haut en bas" -top-down-, il propose des solutions institutionnelles intégrant mal les dynamiques internes à l'Afrique. Or, ces dynamiques, émanant d'acteurs locaux au cœur de la société, sont essentielles dans le fonctionnement de systèmes peu institutionnalisés;

-    il tient peu compte de la grande diversité du continent;

-    il est marqué par une ambiguïté doctrinale -conformité au consensus de Washington versus tradition pan-africaniste- se traduisant par une absence de hiérarchie claire des priorités;

-    le régionalisme institutionnel est souvent défaillant;

-    il semble trop ambitieux sur  son objectif de croissance, ses besoins financiers (qui représentent 4 fois l’APD et les IDE actuels). Il mise sur une unité de vue illusoire de l'Union africaine et privilégie trop les exportations, facteur instable peu susceptible d'alimenter une croissance durable;

-    il est contraint par des objectifs multiples voire contradictoires des bailleurs de fonds, qui ont partiellement mis l'Afrique sous tutelle des organismes multinationaux, imposant des conditionnalités qui réduisent sa marge de manœuvre, ce dans un cadre de libéralisation encore asymétrique.

ØLe NEPAD traduit toutefois une prise de conscience.

 

III- Il demande un accompagnement particulier de la part de la communauté internationale.

ØLa place limitée accordée à l'Afrique par les pays développés -récession mondiale, coût de l'Irak pour une partie du G-8, priorité à l'Est pour l'UE- ne doit pas occulter les besoins du continent:

-    définir des priorité stables pour les bailleurs de fonds: reconstituer l'Etat dans ses fonctions régaliennes, appuyer les systèmes financiers pour faire émerger de petits acteurs économiques locaux, produire et financer des biens publics mondiaux - par l'APD ou l'incitation au secteur privé;

-    dans la coopération, apprécier l'impact des conditionnalités, passer d'un équilibrage à court terme à des financements dans la durée, et créer une sécurité juridique, afin de susciter les dynamiques internes, condition de la mise en œuvre du NEPAD.

 

 

 


 

Intégration régionale en Afrique subsaharienne et développement

 

L'intégration régionale n'est pas un fait nouveau en Afrique subsaharienne, où se trouve la plus ancienne union douanière au monde. Mais la plupart des expériences de régionalisme économique y ont échoué. Aujourd'hui, comme dans d'autres régions en développement, elle vise à instaurer la confiance pour attirer les investissements, à asseoir la légitimité des gouvernements les plus démocratiques, à réduire les tensions interétatiques et à prendre une place sur la scène internationale.

 

I- Les expériences de régionalisme économique passées ont eu un faible impact. Le commerce intra-africain ne représente qu'une modeste fraction des échanges globaux de chaque pays.

ØLa transposition du modèle d'intégration entre pays industrialisés se révèle inadaptée:

-    divergences croissantes d'orientation économique et politique qui ont ruiné certaines expériences;

-    économie informelle même à l’échelle internationale qui prime souvent, au service de groupes d'intérêts;

-    Etats participant à plusieurs groupements régionaux aux intérêts parfois antinomiques;

-    processus engagé malgré des échanges intra-régionaux faibles, une forte dépendance de l'exportation, et des différences marquées de degrés de développement industriel et de revenus;

-    harmonisation des politiques extérieures faible, moyens fiscaux et budgétaires insuffisants;

-    certains regroupements sont des coquilles vides – l’ Union du Maghreb arabe (UMA), la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC).

ØCertaines régions disposent cependant de conditions favorables à une telle intégration :

-    la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest (CEDEAO) qui regroupe les Etats parmi les plus densément peuplés et présente une diversité de zones agroécologiques et une grande richesse minière, un faible enclavement et des conditions favorables au développement des transports;

-    l'Afrique de l'est aux structures institutionnelles héritées du Royaume-Uni favorables aux échanges;

-    l'Afrique australe, portée par un Etat pilote, l'Afrique du Sud.

ØLes objectifs fixés, comme un marché commercial continental en 2025 -traité d'Abuja de l'Organisation de l'unité africaine de 1991- sont pourtant sans rapport avec les faibles réussites actuelles. Le commerce intra-africain ne représente que 12% des échanges globaux du continent.

 

II- Toutefois la globalisation pousse à l'intégration, qui se réalise à des rythmes différenciés.

ØPays africains comme acteurs extérieurs montrent un regain d'intérêt pour cette intégration:

-    l'Afrique redoute l'étroitesse de ses marchés, une marginalisation croissante dans un monde dominé par de puissants blocs commerciaux, et les coûts d'une libéralisation unilatérale de sa part, d'autant plus que les secteurs d'exportation bénéficient de protections dans les pays développés;

-    les investisseurs cherchent l'élargissement des marchés, l'incitation au progrès économique et social, et lient intégration et libéralisation;

-    des réformes de structure en matière commerciale et fiscale ont eu lieu dans les années 1990.

ØL'Afrique australe progresse plus rapidement:

-    la SADC (Southern African Development Community) menée par l'Afrique du Sud, en matière de barrières douanières et de zone de libre échange;

-    malgré la non superposition de la SADC avec la SACU(Southern African Custom Union) et le rôle ambigu de l'Afrique du Sud, la SADC peut être un moyen de poursuivre les accords commerciaux avec des régions en développement ou développées, dans le cadre de la libéralisation générale des échanges (accords ACP...);

-    exploration de coopérations autres que commerciales.

ØLa progression est moins rapide dans le reste de l'Afrique subsaharienne:

-    manque de stabilité nationale et régionale, et absence de pouvoir moteur sous-régional fort;

-    difficultés à assurer une stabilité macro-économique, aggravées par effets forts de contagion;

-    toutefois poursuite d'objectifs d'intégration, avec ajustements institutionnels substantiels visant surtout l'investissement privé –UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) à la réglementation évoluant, Afrique de l'est et idée de plate-forme commerciale entre l'Afrique, la Méditerranée et l'Asie.

 

III- Cette intégration responsabilisante peut contribuer à relancer le développement.

ØLes accords régionaux sont une des solutions pour relancer le développement sous conditions:

-    effet d'entraînement des échanges et des investissements sur la compétitivité et les infrastructures;

-    mais ils doivent davantage s'inscrire dans des accords globaux, et s'attacher à une baisse des barrières douanières avec des pays africains non membres, pour mieux répondre au but essentiel d'attrait de l'APD et des IDE.

 

L'intégration n'est pas un substitut à la volonté politique nationale d'adopter les réformes nécessaires et un état de droit véritable. Elle doit en revanche inciter les gouvernements à agir dans ce sens.

 

La sécurité collective, entre tutelle internationale et prise en main par les Africains

 

Le développement de l'Afrique n'est pas possible sans sécurité. Une vingtaine d'Etats y ont été ou sont encore sujets à des conflits.

 

I- Il existe un certain nombre d'initiatives africaines à l'efficacité encore limitée.

ØAu niveau régional, quelques initiatives se développent:

-    des accords visent à régler les rapports entre Etats: en 1977, signature d'un accord de non-agression et d'assistance en matière de défense par 7 Etats francophones, étendu en 1981 à 14 des 16 membres de la CEDEAO; en 2003, pacte de défense mutuelle de la SADC; pactes de la CEEAC et de la CEMAC;

-    des institutions et moyens militaires dédiés à la gestion des conflits, à la paix et à la sécurité ont été créés par ces quatre groupements d'Etats: pour la CEDEAO, 1 groupe de contrôle, l'ECOMOG, et 1 corps expéditionnaire; forces ad hoc de la SADC et de la CEMAC; force multinationale de l'Afrique centrale de la CEEAC;

-    ces forces participent à des missions de paix sur le continent. Pour la CEDEAO: Libéria de 1990 à 1999 (1° exemple de coopération avec une mission de l'ONU, interposition, 20000 hommes au plus fort, ramène in fine le calme en 1997, ce qui permet des élections), à nouveau Libéria en 2003 (supervise l'accord de paix qui voit le départ de C. Taylor, relayée par la MINUL), Sierra Leone de 1997 à 2000 (coopération avec l'ONU, supervise un accord de désarmement, démobilisation, réintégration des factions; relayée par la MINUSIL), Guinée Bissau en 1998 (appel du gouvernement contre une rébellion), Côte d'Ivoire depuis 2002 (surveillance des accords de Marcoussis avec la mission Licorne française et la MINUCI (ONU, 2003), intégrée avec cette dernière en 2004 dans l'ONUCI ; pour la SADC, Lesotho en 1998-1999 (demande gouvernementale après des élections contestées, rétablit l'ordre), RDC en 1998-1999 (assistance militaire demandée par le président Kabila, relayée par la MONUC); pour la CEMAC, Centrafrique depuis 2002 (mandatée par l'UA avec accord de l'ONU).

ØAu niveau du continent, le remplacement de l'OUA par l'Union africaine représente, au moins dans les intentions, une évolution dans la prise en charge de leur sécurité par les Africains:

-    l'acte constitutif de l'UA admet que soit dépassée sous certaines conditions la contrainte de non ingérence qui paralysait l'OUA -cf. fiche OUA-UA. Ceci pourrait être dissuasif pour les régimes autoritaires et aider à résoudre des crises intraétatiques;

-    le Conseil de paix et de sécurité existe depuis 2004, et devrait disposer d' une force de 15000 hommes en 2010.

ØMais que le mécanisme soit régional ou continental, la formation d'un consensus au-delà des déclarations, les ingérences - y compris militaires -, et la mise sur pied de troupes posent problème:

-    perspective utopique d'une force africaine qui conduit l'UA à privilégier les ensembles régionaux;

-    financement des opérations insupportable pour l'Afrique, qui manque aussi de moyens militaires;

-    succès des opérations mitigé pour les ensembles régionaux;

-    peu de missions, en outre souvent limitées, pour l'OUA -Tchad 1978-1982 (3000 hommes, échec à protéger Ndjamena), Rwanda 1991-1993 (observateurs militaires relayés par la MINUAR après les accords d'Arusha), Afrique du sud 1992-1994 (observateurs), Burundi depuis 1993 (force de protection et de rétablissement de la confiance, mal acceptée localement, réduite à un petit groupe d'observation), Comores 1997-1999 (quelques observateurs lors des velléités de sécession d'Anjouan, désarmement) , RCA de 1997 à 1998 (surveillance des accords de paix, désarmement, relevée par la MINURCA)- et pour l'UA -Burundi depuis 2003 (supervision cessez-le-feu entre gouvernement et rébellion hutue) , Darfour en 2004 (force de protection).

 

II- Ces initiatives doivent être soutenues et/ou relayées par la communauté internationale.

ØLa communauté internationale doit pallier les difficultés africaines, mais en favorisant les initiatives existantes, en particulier régionales et en incorporant des troupes locales à ces missions de paix:

-    l'ONU continue de mener des opérations nombreuses pour soutenir les processus de paix, purement onusiennes, en coordination avec une organisation régionale ou en en mandatant une;

-    le succès relatif de ces opérations a contribué à multiplier les opérations de 2° génération et à lier paix, développement et démocratisation en impliquant les Etats -ainsi le tribunal spécial en Sierra Leone, mixte;

-    l'ONU, l'UE, le G8 ou des Etats les aident à se doter d'une capacité endogène de maintien de la paix et de réaction rapide aux crises -troupes, logistique, matériels-, ou financent leur participation aux opérations.

ØDes Etats extérieurs participent aussi à la formation de capacités militaires, en coordination avec l'ONU:

-    programme français RECAMP depuis 1997, par la formation, l'entraînement et l'équipement;

-    programme américain ACRI (African Crisis Response Initiative ) depuis 1997;

-    formation par le Royaume-Uni d'officiers sur le continent même, renforcement des capacités gouvernementales africaines par l'Italie…

 

Les interventions extérieures classiques persistent toutefois, palliant les difficultés militaires et politiques locales. Elles montrent la difficile recherche d'un équilibre entre d’un côté prise en main encourageante de l'Afrique par elle-même, qui ne doit pas être ressentie comme un abandon par les pays riches, et de l’autre soutien parfois mal vécu mais encore nécessaire venant des Etats non africains.

Bibliographie

 

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