Le manque de clarté de la Constitution américaine mais également l’évolution historique des relations entre le Congrès et l’exécutif n’ont pas permis l’émergence d’une compétence claire du congrès américain en matière de politique étrangère. |
La place du Congrès dans la définition de la politique étrangère américaine ne peut être véritablement comprise sans l’opposer à celle de l’exécutif. C’est des tensions entre ces deux pouvoirs que découle la politique étrangère américaine.
La Constitution américaine liste un certain nombre de points qui sont explicitement sous l’autorité du Congrès : le pouvoir de déclarer la guerre, le pouvoir de lever et de financer une armée, de voter le budget de la défense; le pouvoir, pour le Sénat, de ratifier les traités ou de désapprouver la nomination des ambassadeurs. Le Congrès se voit également attribuer la responsabilité de définir la politique commerciale.
Toujours selon la Constitution, le président est le chef des armées, c’est également lui qui négocie et signe les traités et nomme le personnel diplomatique.
Les constituants de 1787 ont cependant maintenu une zone d’ombre sur la répartition des pouvoirs entre l’exécutif et le Congrès, entraînant une compétition permanente entre les deux pouvoirs. Historiquement l’interprétation de ce partage des tâches a plutôt favorisé l’exécutif au détriment du Congrès. Ainsi depuis la création des Etats-Unis, 200 opérations militaires ont été menées alors que le Congrès n’a officiellement voté de déclaration de guerre qu’à 5 reprises. C’est notamment dans ce cadre de l’utilisation de la force que les conflits entre le Congrès et l’exécutif ont été les plus virulents.
Plusieurs éléments concourent à cette affirmation.
→ Les crises, et notamment celles de la guerre froide, appellent des réponses rapides et l’exécutif semble plus à même de prendre des décisions dans l’urgence que le Congrès. Le nombre d’accords en forme simplifiée, c’est à dire qui ne sont pas soumis à la ratification du Sénat, explose ainsi au cours de la période 1940-1973.
→ Les informations militaires passent par le président, ce qui en fait naturellement le plus à même aux yeux du public et du Congrès de gérer les crises.
→ Les deux pouvoirs sont caractérisés par des différences de culture qui font du président un meilleur responsable aux yeux du public de la politique étrangère. Il représente la permanence de l’intérêt national alors que le Congrès apparaît plus soumis aux intérêts locaux et à la pression des lobbies.
→ Le Congrès a, de lui-même, délégué certaines responsabilités à l’exécutif. Dans le cadre par exemple de sa politique commercial, il lui donne dès 1934 la possibilité de négocier sans l’accord du Congrès des accords bilatéraux de réduction des barrières douanières. Le Congrès à eu tendance à reconnaître, de manière générale, une plus grande légitimité au président pour conduire la politique étrangère.
Les années 60, 70 constituent l’apogée du leadership présidentiel. La guerre du Vietnam va cependant miner la confiance du Congrès dans l’action présidentielle et entraîner de plus nombreux conflits entre le Congrès et l’exécutif.
A. Le Congrès légifère pour reconquérir ses prérogatives constitutionnelles
La guerre du Vietnam marque un renouveau dans la volonté du Congrès d’intervenir dans la politique étrangère. Il tente, par le biais de plusieurs lois, de contrôler l’action présidentielle et notamment son emploi de la force:
- La Loi case-zablocki, 1972 : les accords en forme simplifiée doivent être portés à la connaissance du Congrès.
- Le War Power Act, 1973 : son objectif est de contrôler l’utilisation par le président de la force armée. 3 cas d’utilisations de la force armée sont possibles : si le Congrès a déclaré la guerre, si une loi permet explicitement au président d’entrer en guerre ou si une situation de crise nécessite une riposte immédiate. Dans ce dernier cas, le président doit informer le Congrès dans les 48 heures puis dispose d’un délai maximum de 90 jours avant que le Congrès ne rende son avis sur le bien fondé de l’emploi de la force.
Ce délai conduit finalement à laisser carte blanche au président pendant 90 jours, de plus les actions clandestines ne sont pas soumises à cette loi. Le War Power Act a pu avoir une action dissuasive mais en réalité il n’a pas véritablement permis de soumettre à l’approbation du Congrès les opérations militaires menées par le président comme par exemple les actions clandestines menées au Nicaragua.
- L’amendement Hugues Ryan, 1974 : il limite le champ d’action de la CIA.
B. Le Congrès dispose de moyens constitutionnels efficaces pour contrer l’action présidentielle
Si le Congrès est plus critique aujourd’hui vis à vis de l’action présidentielle qu’au cours des années 60, il a toujours usé de ses pouvoirs constitutionnels pour intervenir dans la politique étrangère :
- Le Congrès vote le budget. C’est par le biais de ce pouvoir financier qu’il va forcer l’exécutif à respecter ses décisions. Après avoir tenté à plusieurs reprises d’interdire au président Nixon de poursuivre ses opérations militaires au Cambodge et au Nord Vietnam, le Congrès a fini par supprimer les crédits budgétaires alloués au conflit. De la même manière le Congrès a employé l’arme budgétaire pour tenter de mettre fin à l’aide apportée par le gouvernement américain aux contras nicaraguayens.
- La ratification des traités constitue la deuxième arme du Congrès. Le Sénat a ainsi refusé de ratifier un certain nombre de traités comme le traité de Versailles, le traité SALT II ou encore des traités portant sur des sujets économiques ou environnementaux comme le traité sur la biodiversité signé par Clinton en 1993.
Bibliographie :
Congress and the making of US foreign policy, Robert B. Zoellick in Survival 2000
Democracy under pressure, Milton Cummings, David Wise
La démocratie américaine, anatomie d’un marché politique, Jean-Pierre Lassale, Armand Colin 1991