Terriblement choqué par sa vision du champ de bataille de Solférino en 1859, Henri Dunant, citoyen suisse, décide de fonder « des sociétés de secours dont le but serait de donner des soins aux blessés, en temps de guerre »[1]. Ainsi naît, en 1863, ce qu’on connaît toujours aujourd’hui sous le nom de Comité international de la Croix-Rouge. |
Après avoir décrit succinctement l’institution en elle-même et ses missions, il est intéressant de clarifier la position du CICR dans le système juridique international contemporain.
Le CICR est une des composantes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. En 1998, le CICR décide de mettre en place de nouvelles structures pour son organisation interne et adopte donc dans un texte du 24 juin de nouveaux statuts qui remplacent ceux de 1973. Basé à Genève, son emblème est la croix rouge sur fond blanc. Les membres du CICR au nombre allant de quinze à vingt-cinq sont de nationalité suisse ; ils sont soumis à réélection tous les quatre ans.
Le CICR est composé de trois organes. L’Assemblée, organe suprême, exerce la haute surveillance de l’institution, adopte la doctrine, les objectifs généraux, la stratégie institutionnelle, le budget et les comptes. Le second organe, le Conseil de l’Assemblée agit par délégation de celle-ci. Il prépare les activités de cette dernière, statue sur les objets de ses compétences et assure la liaison entre la Direction et l’Assemblée. Ses membres sont élus par l’Assemblée. La Direction, troisième et dernier organe du CICR, est l’organe exécutif responsable d’appliquer et de faire appliquer les objectifs généraux et la stratégie institutionnelle définie par l’Assemblée. Elle est aussi chargée de veiller au bon fonctionnement et à l’efficacité de l’administration. (Statuts du CICR, art. 9, 10, 12)
Le CICR est financé, volontairement, principalement par des contributions des gouvernements et des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge mais également par des contributions d’entités supranationales telles que la Commission européenne, par des donations de sources privées et par ses propres fonds internes. A titre d’exemple, le budget initial total du CICR s’élève, en 2003, à 938,7 millions de francs suisses, soit environ 694,8 millions de dollars US.
Aujourd’hui sept principes fondamentaux ressortent de l’œuvre du CICR: humanité, impartialité, neutralité, indépendance, volontariat, unité et universalité.
Outre ses interventions bien connues dans les conflits armés en faveur des personnes civiles touchées, au comité appartient un rôle plus global, celui de « gardien » du droit humanitaire international tel que lui a formellement confié la communauté internationale. Le droit humanitaire international doit, en effet, être compris comme « un ensemble de règles qui, pour des raisons humanitaires, cherchent à limiter les effets des conflits armés. Il protège les personnes qui ne participent pas ou plus aux combats et restreint les moyens et méthodes de guerre ». Le DIH se trouve essentiellement dans les quatre Conventions de Genève de 1949 complétées par les deux Protocoles additionnels de 1977 relatifs à la protection des victimes des conflits armés[2]. Afin de mieux comprendre ce rôle, six principales missions peuvent être mises en lumière.
_ La première est la mission de « vigie » qui consiste à vérifier l’adéquation des normes du DIH aux réalités des situations de guerre en vue de préparer leur adaptation et leur développement.
_ La fonction « d’animation » est celle d’inciter à la réflexion sur les problèmes rencontrés et sur leurs solutions à donner.
_ Le but de la fonction « de promotion » est de plaider et de collaborer à la diffusion du DIH afin que les Etats prennent des mesures nécessaires à sa mise en œuvre.
_ Le CICR se doit également de défendre le DIH face à des mesures normatives qui tendraient à l’affaiblir. Il joue en quelque sorte le rôle « d’ange gardien ».
_ Mais il contribue également directement et concrètement à l’élaboration de ce droit.
_ Enfin, sa fonction « de chien de garde » consiste à alerter l’ensemble de la communauté internationale sur les éventuelles violations graves du DIH.
Ainsi, le CICR se présente comme une association de type humanitaire ayant un certain nombre de missions à accomplir. Pourtant la réalité juridique de ce comité est loin d’être aussi simple. Juridiquement quelle est la nature du CICR ?
Le CICR est doté de la personnalité juridique suisse. En effet, d’après ses statuts, le CICR est une association régie par les articles 60 et suivants du Code civil suisse. Ses membres sont des citoyens suisses. C’est une association non-gouvernementale née d’initiatives privées. En aucun cas, il peut être considéré comme une organisation intergouvernementale ou inter-étatique, selon les terminologies. Pourtant, en pratique, la fonction et les activités du CICR semblent échapper au cadre juridique suisse pour relever presque exclusivement du droit international public, ce qui confère un statut totalement spécial à cette institution.
A plusieurs égards, l’existence du CICR sur le plan international est officiellement reconnue. Les quatre Conventions de Genève et les deux Protocoles additionnels de 1977 lui confèrent un mandat fondé sur le droit international public. Ce qui signifie alors que les 188 Etats signataires de ces textes reconnaissent le CICR comme un acteur des relations internationales. L’Assemblée générale et le Conseil de sécurité de l’ONU ont également, implicitement ou explicitement, reconnu son existence dans le domaine humanitaire. Beaucoup d’organisations internationales le considèrent d’ailleurs comme une organisation intergouvernementale. Mais la plus belle preuve de la reconnaissance de son fait sur le plan international est la signature d’accord siège entre le CICR et la Suisse, procédure relevant directement du droit international public qui confère immunités et privilèges à ses membres. Par là-même, la Suisse reconnaît le statut de personne juridique internationale au CICR pourtant soumis à son ordre juridique interne.
Sa reconnaissance internationale établie, comment sa personnalité internationale juridique peut-elle être comprise ?
La personnalité juridique se définit comme l’aptitude à être titulaire de droits et assujettis à des obligations. Celle-ci a été reconnue aux Etats, aux organisations internationales et aux mouvements de libération nationale.
Comme le souligne Lorite Escorihuela, la personnalité juridique internationale du CICR dérive du fait « que ses actes peuvent être appréhendés comme le contenu de normes du droit international ». Cela lui confère des droits face aux Etats afin de le mettre en rapport de collaboration et non de subordination avec eux. Ainsi, le CICR possède les attributs « classiques » d’un sujet du droit international qui sont la capacité de conclure des traités internationaux, la capacité d’entretenir des relations diplomatiques avec les Etats et la capacité de faire valoir des prétentions internationales. Ces attributs sont en réalité la preuve que le CICR se comporte juridiquement comme un Etat souverain, jouant d’égal à égal avec les autres Etats.
Le CICR, organisation humanitaire, indépendante et neutre, apparaît donc bien comme un sujet du droit international tout en étant ancré dans le système juridique suisse.