Les armes chimiques et bactériologiques et le désarmement international

 

L’exacerbation des craintes concernant le recours illicite aux armes chimiques et bactériologiques par les Etats délinquants ou des groupes terroristes après le 11 Septembre n’a fait que ranimer un sentiment d’urgence face à la menace posée celles-ci: le désarmement biologique et chimique parait plus indispensable que jamais.

Le désarmement peut être défini comme la réduction ou la suppression des armements nationaux - dans le cas du désarmement chimique et bactériologique, des armes chimiques et biologiques. Par arme chimique, on comprend les armes qui emploient de façon délibérée les propriétés toxiques des substances chimiques pour causer du mal ou la mort. Les armes biologiques, elles, comprennent toutes les armes qui emploient de façon délibérée des matériaux pathogéniques pour infliger une maladie ou la mort. Toutes deux appartiennent à la catégorie d’armes de destruction massive.

Les mesures typiques de désarmement comprennent: (i) l’interdiction d’utiliser, de procurer, de développer, de disséminer ou d’exporter l’arme interdite en question; (ii) la destruction des réserves existantes ainsi que des moyens de dissémination.

 

I. Historique des efforts de désarmement chimique et bactériologique

A. Une prise de conscience précipitée par les deux guerres mondiales

 

♦ Déjà avant la Première guerre mondiale, en 1899, la Convention de La Haye condamne “l’emploi de projectiles qui ont pour but unique de répandre des gaz asphyxiants ou délétères”. Cependant, cet accord est sans effet puisque la Grande guerre ne s’est pas faite sans un large usage des gaz par les participants.

 

♦ C’est le Protocole de Genève, interdisant “l’emploi en temps de guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou autres et d’agents bactériologiques” et signé le 17 juin 1925 qui lance véritablement les efforts internationaux de limitation de l’usage des armes chimiques et biologiques. Largement adopté par la communauté internationale, il présente cependant d’importantes lacunes: l’interdiction n’englobe ni la recherche, ni la production, ni les transferts d’armes dont une définition ambiguë autorise le contournement de l’interdiction. De plus, certains Etats (parmi lesquels EU, URSS, France et GB) ne signent qu’à condition de préserver le droit de représailles en cas d’attaque chimique.

 

♦Après la Deuxième guerre mondiale, les discussions sur la maîtrise des armes chimiques et bactériologiques demeurent liées. Mais suite à une impasse survenue dans les négociations, les Britanniques proposent en 1968 de séparer les discussions sur les deux sujets. Cette proposition, d’abord rejetée par les Soviétiques, est finalement acceptée en 1971.

 

B. Une séparation des discussions sur les deux sujets ouvre la voie à la conclusion d’une Convention sur l’interdiction des armes chimiques d’une part, et d’une Convention sur l’interdiction des armes biologiques, de l’autre.

 

♦ La Convention sur l’interdiction des armes biologiques, basée sur un projet conjoint américano-soviétique, est alors adoptée le 12 avril 1972. Elle entre en vigueur le 26 mars 1975. Elle interdit “la mise au point, la fabrication et le stockage des armes bactériologiques ou à toxines”. Elle vise avant tout la destruction des stocks existants d’armes biologiques et la prévention de leur prolifération. Début 2003, 147 avaient ratifié ou adhéré à la Convention et 18 autres l’avaient signée, mais pas ratifiée. Trente et un ne l’ont pas signée.

 

♦ La Convention d’interdiction des armes chimiques est adoptée le 13 janvier 1993 à Paris. Elle interdit “la mise au point, la fabrication et le stockage des armes chimiques”. Elle entre en vigueur le 29 avril 1997.

La Convention crée un nouvel organe international, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), chargé de surveiller la mise en application du traité.

- La première étape du désarmement requiert des États la déclaration des armes chimiques en leur possession et des installations liées à celles-ci dans un délai de 30 jours après l’entrée en vigueur de la Convention dans l’État concerné.Celle-ci doit être accompagnée d’un plan général de destruction.  

- C’est sur la base de ces déclarations que peuvent être lancées les inspections des sites de stockages des armes chimiques anciennes ou abandonnées et des installations liées aux armes chimiques.

La Convention établit aussi un régime de contrôle des exports des produits chimiques.

 

♦ Dans la Convention sur les armes chimiques tout comme dans celle sur les armes biologiques, ce n’est pas la fabrication et l’usage des produits chimiques ou biologiques toxiques en tant que tel qui sont interdit mais leur fabrication et leur usage à des fins interdites par la Convention (cf. “critère de destination générale” défini dans l’Art. II).

 

                        C. Efforts régionaux, bilatéraux, et trilatéraux

 

♦ Aux efforts globaux mentionnés ci-dessus, il faut ajouter l’existence de tentatives régionales et bilatérales de contrôle des armes chimiques et biologiques.

® Efforts régionaux: ex: l’Accord Mendoza de 1991 dans lequel l’Argentine, le Brésil et le Chili s’engagent à renoncer à la production, l’acquisition, le transfert, et l’usage d’armes biologiques et chimiques. 

® Efforts bilatéraux: ex: L’Accord de Destruction Bilatérale signé entre l’URSS et les EU en 1990 obligeant les deux pays à ne pas produire d’armes chimiques, à réduire leurs stocks au même niveau, à développer des procédures d’inspection, et à coopérer pour éliminer les armes chimiques de façon non-dangereuse.

® Efforts trilatéraux: ex: La Déclaration Commune sur les Armes Biologiques faite par la Russie, la GB et les EU le 11 septembre 1992, assurant leur plein engagement à la Convention sur l’interdiction des armes biologiques.

 

II. Où en est-on avec le désarmement chimique et bactériologique aujourd’hui?

A. Un bilan positif dans l’ensemble pour le désarmement chimique

 

♦ La Convention sur les armes chimiques est le traité de désarmement le plus complet jusque là: c’est le premier accord multilatéral qui interdise une catégorie d’arme de destruction massive, prévoit la vérification de l’élimination des armes et institue un organe international (l’OIAC) pour assurer l’application des dispositions de la Convention.

 

♦ Elle est maintenant bien établie. Son régime couvre aujourd’hui 90 % de la population mondiale et 98% de son industrie chimique. Pour la première fois, des opérations de destructions de grande échelle sont en cours dans les 4 Etats déclarés détenteurs d’armes chimiques: l’Inde, la Corée du Sud, la Russie et les Etats-Unis. Enfin, depuis Octobre 2000, l’OIAC et l’ONU sont engagés dans un accord formel sur l’échange d’information, de ressources, et de personnel.

 

♦ Des problèmes subsistent néanmoins, entre autres les arriérés de paiement de 31 pays et la perte du droit de vote de 20% des Etats parties; des interprétations divergentes quant à l’obligation de déclaration des États parties; les tentatives de certains États de surprotéger leur industrie chimique; et l’échec du régime de contrôle des échanges commerciaux.

 

♦Des conférences d’examen sont prévues tous les cinq ans pour dresser le bilan de la mise en application de la Convention et discuter, le cas échéant, de modifications nécessaires. La première conférence d’examen évaluant les cinq premières années d’activité de l’OIAC a eu lieu du 28 avril au 9 mai 2003.

B. Des résultats plus décevants dans le domaine du désarmement bactériologique

 

♦  L’entrée en vigueur de la Convention sur les armes biologiques a indéniablement été un élément moteur de la maîtrise des armements dans la période d’après guerre. Cependant l’existence de lacunes importantes l’ont empêché de devenir un instrument efficace et efficient.

 

♦ Tout d’abord, La Convention sur les armes biologiques n’exige pas des Etats parties de déclarer leur programmes passés. Suite à des accords négociés lors des conférences d’examen périodiques, les États sont simplement encouragés à soumettre volontairement des informations concernant les activités liées au développement d’armes bactériologiques. Peu de pays ont jusque-là soumis de tels détails. 

 

♦ De plus, contrairement à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, elle n’est pas accompagnée d’un régime de vérification ni par conséquent d’un organe équivalent à l’OIAC pour mener cette vérification. Ceci a largement limité sa portée.

 

♦ Face à ces problèmes, les États parties à la Convention se sont engagés à élaborer un protocole de vérification pour renforcer cet instrument. Ils établissent en 1994 un Groupe de travail ad hoc, chargé d’identifier les modalités possibles de vérification du respect de la Convention. Cependant, le travail du groupe s’est enlisé et a été confronté à de nombreux obstacles : en novembre 2001 notamment, les Etats-Unis ont récusé le protocole négocié par le groupe ad hoc et demandé la suspension du groupe. 

 

♦ Une réforme de la Convention reste plus indispensable que jamais: de nouvelles approches doivent être développées pour faire face aux nouvelles menaces, venant non seulement des Etats, mais aussi d’acteurs non-étatiques et de groupes terroristes.

 

 

La Déclaration de Bruxelles en 1874 et les Conférences de La Haye en 1899 et en 1907  sont les premières tentatives de suppression des armes bactériologiques et chimiques de l’arsenal militaire. Ces mesures n’empêcheront pas l’usage de l’arme chimique pendant la Première Guerre Mondiale (gaz moutarde).  Le 17 juin 1925 est signé à Genève, le Protocole concernant la prohibition d’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques. Une autre grande étape dans le processus de non-prolifération de telles armes fut la convention d’interdiction des armes biologiques de 1972. Quel sont les limites de ces traités, sont-ils respectés ? Comment assurer la non-prolifération de ces armes difficilement détectables et peu coûteuses? L’histoire nous permet de justifier l’élaboration de conventions tendant à limiter l’usage d’armes chimiques et bactériologiques mais nous verrons qu’elles ne sont pas encore garantes de la non-prolifération de ce type d'équipement.

 

L’histoire justifie le risque de prolifération et la nécessité des conventions internationales.

 

Histoire et explication de l’emploi d’armes bactériologique et chimique.

 

Quelques cas d’utilisation :

D’Ypres, (chlore, Belgique, 1915) au métro de Tokyo, (sarin, 1995, secte Aum), des expérimentations de l’armée japonaise pendant la Seconde guerre mondiale au jugement du Dr Wouter Basson, en Afrique du Sud, le développement et l’utilisation de substances chimiques et d’agents biologiques à des fins militaires et politiques ont constamment marqué le XXe siècle.

 

les vecteurs de la prolifération :

-Les échanges Sud/Sud : L’arme du pauvre qui ne peut acquérir l’arme atomique.

-La fuite des cerveaux (Russie) et la corruption, prolifération du savoir-faire.

-La recherche médicale et scientifique et la possible application militaire des découvertes.

 

Les efforts de contrôle des armements, évolution, objectifs et moyens:

 

La Convention sur les armes chimiques (CAC) :

But :

Éliminer les armes chimiques (armes de destruction massive).

Comment :

- Interdiction emploi / Fabrication / Stockage / Transfert.
- Destruction stocks / Installations de production.
- Vérification : vérification de routine + inspections par mise en demeure (court préavis).
- Organisation pour l'interdiction des Armes Chimiques (OIAC).

Calendrier :

- (1925) - protocole de Genève - (interdiction emploi).
- 13 janvier 1993 - Signature à Paris.
- 29 avril 1997 - Entrée en vigueur.
- 01 janvier 2003 – 174 signatures - 143 ratifications.

 

La Convention sur les armes bactériologiques (CAB) :

But :

Interdire toute activité à but offensif dans le domaine des armes biologiques (Agents + Moyens d'emploi)

Comment :

Mesures de confiance renforcées.

Calendrier :

- (1925) - Protocole de Genève.
- 10 avril 1972 - Signature à Londres - Moscou - Washington.
- Décembre 1996 :  Conférence périodique d'examen.
- 2001 - cinquième conférence d'examen.

 

Mais les conventions ont une portée encore limitée quant à la non-prolifération :

 

En l’absence de définition du terme prolifération et de critères d’évaluation correspondants, il ne peut y avoir de consensus quant au stade auquel la prolifération s’est produite ou à partir duquel elle commence à présenter un risque pour la sécurité internationale.

 

La CAC :

 

a) Problèmes liés au champ et aux coûts de l’application :

- 5 Etats non-adhérents ont des capacités en matière d’armes chimiques : Egypte, Syrie, Libye, République populaire démocratique de Corée.

- Fédération de Russie : problème du coût de la destruction stocks (6 milliards de dollars estimés sur 10 ans)  : 40 000 tonnes déclarées, 24 installations de production.

 

b) Problèmes liés à la souplesse d’application de la convention :

- Un nombre relativement élevé d’Etats parties (1/3) n’ont pas déposé de déclarations sur les armes et les installations ou ont déposé des déclarations incomplètes.

- Non-recours à des inspections par le biais de mise en demeure dans le cas de soupçons de l’existence d’activités contraires à la CAC ( cas Etats-Unis contre l’Iran).

- L’exemption américaine : le Président des Etats-Unis peut refuser une inspection en invoquant une menace pour la sécurité nationale ; danger si généralisation.

 

La CAB

 

a) Le système de contrôle insuffisant engendre des violations de la convention :

Notion de « gentlemen’s agreement ». Aucun système de vérification et d’inspections n’est prévu, il n’y a pas d’organe exécutif.

Les nombreux cas de violation : maintien du programme soviétique de recherche et de production d’armes biologiques (accident de Sverdlovsk, en 1979), programme irakien d’armement biologique, projet sud-africain « Coast »…

 

b) Le problème du champ d’application de la convention :

La Convention autorise les Etats à mettre au point des moyens de se défendre contre une guerre biologique, ce qui suppose la possession de connaissances sur les agents de guerre biologique actuels et potentiels.

Chaque Etat a le droit de mettre au point, de fabriquer, d’acquérir et même d’utiliser des produits toxiques "à des fins non interdites", possibilité de transfert aux applications militaires en cas de crise.

 

Les efforts faits depuis 1925 et le Protocole de Genève jusqu’à présent, avec la CAC et la CAB, ont un mérite majeur, celui d’empêcher ou de rendre difficile la prolifération d’armes bactériologiques et chimiques. Cependant l’utilisation éventuelle de ces armes à des fins militaires ou politiques continue de constituer une menace émanant d’entités étatiques et non étatiques. La première peut être contenue par la Convention sur les armes biologiques, par la poursuite des discussions et négociations sur le renforcement et l’application de ses dispositions, au sein des Nations Unies ou dans d’autres forums multilatéraux, comme le Groupe d’Australie. La seconde est passée au stade de réalité avec les cas de contamination à l’anthrax d’origine criminelle constatés aux Etats Unis en octobre 2001.

 

Bibliographie:

- www.opbw.org, site de la Convention sur les armes biologiques.

- www.opcw.org, site de l’OAIC.

- site de l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR): www.unidir.org

- site du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI): www.sipri.org

 

 

 

 

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