Le général iranien disparu à Istanbul aurait fait défection
LE MONDE | 09.03.07 | 15h47 • Mis à jour le 09.03.07 | 15h47
NEW YORK CORRESPONDANT
Les services de renseignement occidentaux semblent avoir enfin remporté un succès dans la "guerre de l'ombre" qu'ils livrent depuis des années à leurs homologues iraniens. Le général Ali Reza Asgari, 63 ans, ministre adjoint de la défense jusqu'en 2005 sous la présidence de Mohammad Khatami et ancien général des Gardiens de la révolution, a mystérieusement disparu, il y a un peu plus d'un mois, en Turquie. Il avait réservé une chambre à Istanbul, à l'hôtel Ceylan International, où il ne s'est jamais présenté.
Selon des sources anonymes américaines, M. Asgari aurait fait défection. Il est arrivé à Istanbul le 7 février, de Damas, et a alors disparu. Sa famille aurait quitté l'Iran pour la Turquie peu avant lui. Un responsable américain cité par le Washington Post du 7 mars suggère que l'opération a été orchestrée par Israël.
Jérusalem a démenti. "A ma connaissance, Israël n'est pas impliqué, en aucune façon, dans cette disparition", a déclaré un porte-parole du ministère des affaires étrangères. Toujours de sources américaines, peu après la découverte de la disparition de M. Asgari, Téhéran a dépêché en urgence une équipe de sécurité en Turquie pour retrouver sa trace et a lancé dans le même temps une campagne afin de minimiser son importance, laissant entendre qu'il était à la retraite depuis plusieurs années.
Le plus intéressant dans le profil de M. Asgari, pour les Américains et les Israéliens, semble être son rôle passé au sein du commandement des Gardiens de la révolution, force prétorienne du régime islamique qui a, entre autres, la responsabilité de protéger et de surveiller les installations nucléaires et leur personnel. Elle entraîne et équipe le Hezbollah libanais et les mouvements chiites en Irak.
"GROS CALIBRE"
Ram Igra, ancien agent de renseignement israélien, a déclaré à la radio israélienne qu'Ali Reza Asgari a joué un rôle essentiel dans la création du Hezbollah. "Dans les années 1980 et au début des années 1990, Asgari était le responsable des Gardiens de la révolution au Liban. Il vivait au Liban et est l'homme qui a construit, développé, financé et fondé le Hezbollah", a-t-il affirmé. Ancien directeur du Mossad, les services de renseignement israéliens, et aujourd'hui député, Dany Yatom qualifie Ali Reza Asgari de "gros calibre". A son retour du Liban, le général Asgari aurait participé au programme de développement d'armes de destruction massive et notamment à celui du missile balistique Shaab-3.
Les services occidentaux, notamment la CIA (Agence centrale de renseignement) et le Mossad, ont investi des moyens financiers et humains considérables depuis plusieurs années, apparemment sans grand succès, pour pénétrer les services militaires et de sécurité de Téhéran. Si la défection du général Asgari venait à se confirmer, elle serait la première en vingt-huit ans depuis la révolution islamique. Elle pourrait être aussi le premier signe de craquements au sein de l'appareil militaire iranien.
Le fait qu'un personnage de cette importance ait été capable de disparaître avec sa famille est une surprise. Mais il a aussi pu être enlevé. C'est la thèse iranienne : "Il est probable qu'Asgari a été enlevé par des services de renseignement occidentaux", a déclaré le général Moghaddam, chef de la police.
Eric Leser
Article paru dans l'édition du 10.03.07