Tout d'abord, je tiens a vous remercier d'apporter vos lumières en ce qui concerne cette periode de l'histoire qu'il me semble essentiel de connaitre en tant que citoyen français. Vous aurez, je le pense, remarqué que mes références sont limités. En effet, j'ai lu très peu de livre concernant la Révolution, ses causes et ses pendants (j'espère que cela ne vous incitera pas à me snober). J'ai l'intention de combler ces lacunes en lisant des livres que vous pourrez peut-être me conseiller (J'ai en vue de lire "Le contrat social"). La pertinence de citer Victor Hugo, réside, me semble t-il, dans le fait qu'il apporte un point de vue avec un certain recul ; il est bien connu que souvent, on a une meilleure vue d'ensemble en s'éloignant du sujet. Voilà pour l'explication qui ne m'a pas été demandé (je vous en remercie).
---------------------------------------------------------
Alci
le système anglais où le Roi garde des pouvoirs très importants, le vote est inégalitaire et le pouvoir réservé aux nobles.
Je pense, moi aussi, que l'Angleterre n'avait aucune leçon de démocratie à nous donner...
Mais cette grande Angleterre s'irritera de ce que nous disons ici. Elle a encore, après son 1688 et notre 1789, l'illusion féodale. Elle croit à l'hérédité et à la hiérarchie. Ce peuple, qu'aucun ne dépasse en puissance et en gloire, s'estime comme nation, non comme peuple. En tant que peuple, il se subordonne volontiers et prend un lord pour une tête. Workman, il se laisse dédaigner ; soldat, il se laisse bâtonner. On se souvient qu'à la bataille d'Inkermann un sergent qui, à ce qu'il paraît, avait sauvé l'armée, ne put être mentionné par lord Raglan, la hiérarchie militaire anglaise ne permettant de citer dans un rapport aucun héros au-dessous du grade d'officier.
Victor Hugo
---------------------------------------------------------
Elessar
Abaissement du cens signifie accès de plus de gens à la vie politique. Oui ça reste une oligarchie, mais avec plus d'oligarques.
Tu sembles cautionner l'oligarchie parce que plus de personnes pourraient en profiter. C'est ton opinion, et je la respecte. Mais pour ma part, je ne peux me contenter de ce statu quo. Je désire, pour mon pays, pour tous les peuples, la "Démocratie", et non pas une ploutocratie qui en mettrait le masque.
---------------------------------------------------------
Elessar
Et effectivement il y a des difficultés à finir cette Révolution, mais à moins de vouloir la faire trainer jusqu'à aujourd'hui elle s'arrête à mon avis en 1815, avec au final le retour du frangin de celui qui vingt ans plus tot était hué et guillotiné. Marrant cette inconstance.
Ne voyons dans Waterloo que ce qui est dans Waterloo. De liberté intentionnelle, point. La contre-révolution était involontairement libérale, de même que, par un phénomène correspondant, Napoléon était involontairement révolutionnaire. Le 18 juin 1815, Robespierre à cheval fut désarçonné.
Victor Hugo
Ce 1815 fut une sorte d'avril lugubre. Les vieilles réalités malsaines et vénéneuses se couvrirent d'apparences neuves. Le mensonge épousa 1789, le droit divin se masqua d'une charte, les fictions se firent constitutionnelles, les préjugés, les superstitions et les arrière-pensées, avec l'article 14 au cœur, se vernirent de libéralisme. Changement de peau des serpents.
Victor Hugo
La famille prédestinée qui revint en France quand Napoléon s’écroula eut la simplicité fatale de croire que c’était elle qui donnait, et que ce qu’elle avait donné elle pouvait le reprendre ; que la maison de Bourbon possédait le droit divin, que la France ne possédait rien ; et que le droit politique concédé dans la charte de Louis XVIII n’était autre chose qu’une branche du droit divin, détachée par la maison de Bourbon et gracieusement donnée au peuple jusqu’au jour où il plairait au roi de s’en ressaisir. Cependant, au déplaisir que le don lui faisait, la maison de Bourbon aurait dû sentir qu’il ne venait pas d’elle.
Elle fut hargneuse au dix-neuvième siècle. Elle fit mauvaise mine à chaque épanouissement de la nation. Pour nous servir du mot trivial, c’est-à-dire populaire et vrai, elle rechigna. Le peuple le vit.
Elle crut qu’elle avait de la force parce que l’Empire avait été emporté devant elle comme un châssis de théâtre. Elle ne s’aperçut pas qu’elle avait été apportée elle-même de la même façon. Elle ne vit pas qu’elle aussi était dans cette main qui avait ôté de là Napoléon.
Elle crut qu’elle avait des racines parce qu’elle était le passé. Elle se trompait ; elle faisait partie du passé, mais tout le passé c’était la France. Les racines de la société française n’étaient point dans les Bourbons, mais dans la nation. Ces obscures et vivaces racines ne constituaient point le droit d’une famille, mais l’histoire d’un peuple. Elles étaient partout, excepté sous le trône.
La maison de Bourbon était pour la France le nœud illustre et sanglant de son histoire, mais n’était plus l’élément principal de sa destinée et la base nécessaire de sa politique. On pouvait se passer des Bourbons ; on s’en était passé vingt-deux ans ; il y avait eu solution de continuité ; ils ne s’en doutaient pas. Et comment s’en seraient-ils doutés, eux qui se figuraient que Louis XVII régnait le 9 thermidor et que Louis XVIII régnait le jour de Marengo ? Jamais, depuis l’origine de l’histoire, les princes n’avaient été si aveugles en présence des faits et de la portion d’autorité divine que les faits contiennent et promulguent. Jamais cette prétention d’en bas qu’on appelle le droit des rois n’avait nié à ce point le droit d’en haut.
Erreur capitale qui amena cette famille à remettre la main sur les garanties « octroyées » en 1814, sur les concessions, comme elle les qualifiait. Chose triste ! ce qu’elle nommait ses concessions, c’étaient nos conquêtes ; ce qu’elle appelait nos empiétements, c’étaient nos droits.
Lorsque l’heure lui sembla venue, la Restauration, se supposant victorieuse de Bonaparte et enracinée dans le pays, c’est-à-dire se croyant forte et se croyant profonde, prit brusquement son parti et risqua son coup. Un matin elle se dressa en face de la France, et, élevant la voix, elle contesta le titre collectif et le titre individuel, à la nation la souveraineté, au citoyen la liberté. En d’autres termes, elle nia à la nation ce qui la faisait nation et au citoyen ce qui le faisait citoyen.
C’est là le fond de ces actes fameux qu’on appelle les Ordonnances de juillet.
Victor Hugo
---------------------------------------------------------
JamesNondorfskoya
Le credo permanent a été "Finir la Révolution".
C'est que la révolution ne peut être vraiment vaincue, et qu'étant providentielle et absolument fatale, elle reparaît toujours, avant Waterloo, dans Bonaparte jetant bas les vieux trônes, après Waterloo, dans Louis XVIII octroyant et subissant la Charte. Bonaparte met un postillon sur le trône de Naples et un sergent sur le trône de Suède, employant l'inégalité à démontrer l'égalité ; Louis XVIII à Saint-Ouen contresigne la déclaration des droits de l'homme. Voulez-vous vous rendre compte de ce que c'est que la révolution, appelez-la Progrès ; et voulez-vous vous rendre compte de ce que c'est que le progrès, appelez-le Demain. Demain fait irrésistiblement son œuvre, et il la fait dès aujourd'hui. Il arrive toujours à son but, étrangement.
Victor Hugo
---------------------------------------------------------
Alci
je reprends mon idée : retournement ironique des théories de pureté de sang développées par la noblesse européenne. Ici ce détournement sémantique permet d'attaquer les contre-révolutionnaires.
Un choc de principes ressemble à un choc d’éléments. L’océan défend l’eau, l’ouragan défend l’air ; le roi défend la royauté, la démocratie défend le peuple ; le relatif, qui est la monarchie, résiste à l’absolu, qui est la république ; la société saigne sous ce conflit, mais ce qui est sa souffrance aujourd’hui sera plus tard son salut ; et, dans tous les cas, il n’y a point ici à blâmer ceux qui luttent ; un des deux partis évidemment se trompe ; le droit n’est pas, comme le colosse de Rhodes, sur deux rivages à la fois, un pied dans la république, un pied dans la royauté ; il est indivisible, et tout d’un côté ; mais ceux qui se trompent se trompent sincèrement ; un aveugle n’est pas plus un coupable qu’un Vendéen n’est un brigand. N’imputons donc qu’à la fatalité des choses ces collisions redoutables. Quelles que soient ces tempêtes, l’irresponsabilité humaine y est mêlée.
Victor Hugo
---------------------------------------------------------
Alci
On peut aussi voir que le sang impur montre surtout les pensées impures des ennemis.
C'était également ma façon d'interpréter le passage concerné, avant de considérer que je n'avait pas le sang plus pur que n'importe lequel de mes concitoyens. Quel est le sens de l'expression "Qu'un sang impur... abreuve nos sillons" ? Qui sont les sangs impurs ? Je persiste à penser que "nous" (citoyens) sommes les "sangs impurs", en opposition à la prétendue pureté de sang de la noblesse. Ce n'est d'ailleurs pas Gavroche qui me contredirait...
Gavroche en marche
– Tout va bien. Je souffre beaucoup de la patte gauche, je me suis cassé mon rhumatisme, mais je suis content, citoyens. Les bourgeois n’ont qu’à se bien tenir, je vas leur éternuer des couplets subversifs. Qu’est-ce que c’est que les mouchards ? c’est des chiens. Nom d’unch ! ne manquons pas de respect aux chiens. Avec ça que je voudrais bien en avoir un à mon pistolet. Je viens du boulevard, mes amis, ça chauffe, ça jette un petit bouillon, ça mijote. Il est temps d’écumer le pot. En avant les hommes ! qu’un sang impur inonde les sillons ! Je donne mes jours pour la patrie, je ne reverrai plus ma concubine, n-i-ni, fini, oui, Nini ! mais c’est égal, vive la joie ! Battons-nous, crebleu ! j’en ai assez du despotisme.
Victor Hugo
Gavroche, arrêté derrière, écoutait :
– Les vieilles, dit-il, qu’est-ce que vous avez donc à parler politique ?
Une bordée l’assaillit, composée d’une huée quadruple.
– En voilà encore un scélérat !
– Qu’est-ce qu’il a donc à son moignon ? Un pistolet ?
– Je vous demande un peu, ce gueux de môme !
– Ça n’est pas tranquille si ça ne renverse pas l’autorité.
Gavroche, dédaigneux, se borna, pour toute représaille, à soulever le bout de son nez avec son pouce en ouvrant sa main toute grande.
La chiffonnière cria :
– Méchant va-nu-pattes !
Celle qui répondait au nom de mame Patagon frappa ses deux mains l’une contre l’autre avec scandale :
– Il va y avoir des malheurs, c’est sûr. Le galopin d’à côté qui a une barbiche, je le voyais passer tous les matins avec une jeunesse en bonnet rose sous le bras, aujourd’hui je l’ai vu passer, il donnait le bras à un fusil. Mame Bacheux dit qu’il y a eu la semaine passée une révolution à… à… à… – où est le veau ! – à Pontoise. Et puis le voyez-vous là avec un pistolet, cette horreur de polisson ! Il paraît qu’il y a des canons tout plein les Célestins. Comment voulez-vous que fasse le gouvernement avec des garnements qui ne savent qu’inventer pour déranger le monde, quand on commençait à être un peu tranquille après tous les malheurs qu’il y a eu, bon Dieu Seigneur, cette pauvre reine que j’ai vue passer dans la charrette ! Et tout ça va encore faire renchérir le tabac. C’est une infamie ! Et certainement, j’irai te voir guillotiner, malfaiteur !
– Tu renifles, mon ancienne, dit Gavroche. Mouche ton promontoire.
Et il passa outre.
Quand il fut rue Pavée, la chiffonnière lui revint à l’esprit, et il eut ce soliloque :
– Tu as tort d’insulter les révolutionnaires, mère Coin-de-la-Borne. Ce pistolet-là, c’est dans ton intérêt. C’est pour que tu aies dans ta hotte plus de choses bonnes à manger.
Tout à coup il entendit du bruit derrière lui ; c’était la portière Patagon qui l’avait suivi, et qui, de loin, lui montrait le poing en criant :
– Tu n’es qu’un bâtard !
– Ça, dit Gavroche, je m’en fiche d’une manière profonde.
Peu après, il passait devant l’hôtel Lamoignon. Là il poussa cet appel :
– En route pour la bataille !
Et il fut pris d’un accès de mélancolie. Il regarda son pistolet d’un air de reproche qui semblait essayer de l’attendrir.
– Je pars, lui dit-il, mais toi tu ne pars pas.
Victor Hugo
Gavroche
Prends garde à toi si tu ricanes
Je suis un bon citoyen
J'ai montré sur les barricades
Que j'étais républicain
Et si je n'ai pas de carrosse
Le Roi n'est pas mon cousin
Je sais ce que j'ai dans ma caboche
Et personne n'y peut rien
PS : désolé pour le pavé, mais peut-être est-il plus intelligent de le poster que de le lancer (quoique..?)
Last edited by Mayrik (21-02-2006 18:51:49)
sic