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Cours d'économie - Notions economiques - L’ENTREPRENEUR

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L’ENTREPRENEUR

 

Comme le montre Mark Casson dans L’Entrepreneur, il n’existe pas une mais de multiples définitions de l’entrepreneur, qui se contredisent souvent. Néanmoins, la définition la plus répandue est celle établie par Joseph Aloys Schumpeter : « Nous appelons entrepreneurs les agents économiques dont la fonction est d’exécuter de nouvelles combinaisons. » (Théorie de l’évolution économique), c’est-à-dire celui qui innove.  Cette définition évolue aujourd’hui.

pb : Qu’est-ce qu’un entrepreneur ?

***

 

I De multiples définitions de l’entrepreneur, parfois en contradiction

1 – A l’origine de la notion d’entrepreneur : Richard Cantillon (Essai sur la nature de commerce en général, 1728-30)

 

→ entrepreneur au centre de la production et de l’échange




ex : « Le fermier est un entrepreneur qui promet de payer au propriétaire, pour la ferme ou la terre, une somme fixe d’argent […] sans avoir la certitude de l’avantage qu’il tirera de cette entreprise. »

L’entrepreneur doit être capable de conduire une affaire quand les coûts sont connus, mais la rémunération incertaine ; il doit savoir ajuster ses prix en fonction de la demande (pour éviter les invendus). Il doit comprendre et anticiper ce qui se passe sur le marché.

+ distinction entrepreneur / capitaliste

2 – Un approfondissement de la théorie : Jean-Baptiste Say (1767-1832)

vision très proche de celle de Cantillon

·  entrepreneur = intermédiaire entre tous les agents qui participent au processus productif → il agit à la fois du côté de l’offre et de la demande

·  entrepreneur d’industrie = « celui qui entreprend de créer pour son compte, à son profit et à ses risques, un produit quelconque »

·  qualités morales peu communes nécessaires : jugement, être actif, avoir de la « constance », « connaissance  des hommes et des choses »

·  entrepreneur ≠ capitaliste

3 – D’autres définitions qui se démarquent

a) A. Marshall (1842-1924) insiste beaucoup plus les activités sur les activités routinières de gestion et de surveillance que sur l’activité novatrice de l’entrepreneur.

b) Leibenstein (XXe s.) : entrepreneur = réponse créative à l’absence d’effort des individus et leur inefficience consécutive (théorie de l’efficience X).

c) Kirzner (XXe s.) : entrepreneur = celui qui reçoit un profit pur, càd le revenu résiduel disponible une fois que tous les paiements contractuels ont été déduits des recettes de l’entreprise.

→ La rémunération de l’entrepreneur supporte les coûts de l’incertitude (= risque).

d) M. Casson (fin du XXe s.) : entrepreneur = « quelqu’un de spécialisé dans la prise (intuitive) de décisions (réfléchies) relatives à la coordination des ressources rares. »

 

II Une analyse poussée de l’entrepreneur : J.A. Schumpeter (1ère moitié du XXe s.)

 1 – Une vision romantique de l’entrepreneur

entrepreneur = héros du capitalisme (« le personnage le plus haut en couleurs du processus capitaliste »), homme « de qualités intellectuelles et de volonté supérieures »

a)       ses motivations :

-          « le rêve et le désir de fonder un royaume privé et, mais pas toujours, une dynastie » : il compare le succès industriel ou commercial à la « suzeraineté médiévale »

-          « désir de conquête » : montrer sa supériorité

-          « joie de créer, de faire quelque chose de positif », « exercer son énergie et son ingéniosité »

b)       ses qualités :

-          savoir surmonter de nombreuses résistances (acr la nouveauté est une menace pour certains)

-          liberté d’esprit

-          volonté, capacité à saisir les choses dans leur réalité

→ entrepreneur ≠ « homo oeconomicus » (comportement rationnel afin de maximiser sa satisfaction) : l’entrepreneur « se préoccupe peu des fruits hédonistes de ses actes ».

2 – L’entrepreneur, « révolutionnaire de l’économie »

Etre entrepreneur n’est pas une profession mais une fonction. Comme l’exécution de combinaisons nouvelles est un phénomène discontinu, on ne peut pas être entrepreneur de manière permanente.

Schumpeter rompt avec l’analyse statique traditionnelle de l’époque en soulignant l’importance de l’entrepreneur-innovateur. Il distingue 5 cas où l’on peut parler d’innovation :

-          nouveau produit

-          nouveau procédé de production

-          nouveau marché

-          nouvelle source d’énergie ou matière première

-          nouvelle organisation de production

L’entrepreneur n’est pas forcément propriétaire de l’entreprise : il peut avoir n’importe quelle fonction. Il n’assume pas le risque financier : c’est le rôle des actionnaires.

3 – L’apparition en groupes des entrepreneurs

Dans la Théorie de l’évolution économique, Schumpeter pose une question : « Pourquoi les entrepreneurs n’apparaissent-ils pas d’une manière continue et égale dans chaque période, mais en troupe ? ». Il y répond par 5 types d’effets d’entraînement de l’innovation :

-          les 1ers investisseurs font sauter certains obstacles, ce qui rend l’innovation accessible à d’autres entreprises.

-          les entreprises concurrentes vont essayer d’accéder aussi à l’innovation dans le même secteur, pour rester compétitives.

-          une innovation dans un secteur peut entraîner l’apparition de nouveaux produits dans d’autres secteurs.

-          la suppression des obstacles dans un secteur peut contribuer à les faire disparaître dans d’autres secteurs.

-          les grappes d’innovation sont à l’origine d’un profit supplémentaire qui stimule la croissance économique à travers les nouveaux investissements, les emplois créés, la hausse du pouvoir d’achat… (mécanisme des gains de productivité)

III Crépuscule ou renouveau de l’entrepreneur ?

1 – Actualité de la définition schumpetérienne

 

a)       3 hommes chez qui l’on retrouve les qualités de l’entrepreneur

Þ idéologie de combat, savoir agir rapidement et saisir les opportunités (hommes que s’informent), « hommes de vision »… L’entrepreneur ne peut se reposer sur ses lauriers en raison de la concurrence.

·  Richard Branson (Virgin) : il a pris le risque d’ajouter un secteur alimentaire (Virgin Cola) à sa firme afin d’innover.

·  Bill Gates (Microsoft) : il ne s’est pas construit sur son patrimoine mais sur sa créativité et son esprit d’entreprise.

·  Lee Iacocca (Chrysler) : il n’a pas créer d’entreprise mais il a su innover, relevant le défi de sauver Chrysler (il prit le risque de quitter Ford pour cela).

b)       l’exemple des start-ups

années 1990 : création d’entreprises promises à une croissance fulgurante, les start-ups (« jeunes pousses ») → rôle moteur joué par l’innovation (nouvelles technologies)

2000 : éclatement de la « bulle Internet » → retournement de la conjoncture

Þ « destruction créatrice » schumpetérienne ?

 

2 – Limites de cette théorie

a)       …évoquées par son théoricien

Schumpeter observait déjà dans Capitalisme, socialisme et démocratie (1942) que la classe bourgeoise d’où provenait la majorité des entrepreneurs se positionnait de moins en moins dans une perspective de long terme, et par conséquent qu’elle serait moins encline à épargner, donc innover.

b)       un encadrement peu favorable à l’entreprenariat

Les conseils d’administration limitent le champ d’action du chef d’entreprise.

c)       l’entrepreneur peut-il se réduire à un seul individu ?

Pour Galbraith, le manager remplace aujourd’hui l’entrepreneur. Les grandes écoles de commerce forment à la gestion des « staffs » (équipes). Or le manager est un minimisateur de coûts avant d’être un créateur.

Aujourd’hui, les théoriciens de l’entreprenariat se basent toujours sur la définition schumpetérienne, ce qui démontre sa validité et sa pérennité. Toutefois, cette définition dominante connaît une dynamique, qui la modifie quelque peu et l’adapte de cette sorte au XXIe siècle.