La situation du financement des régimes obligatoires de sécurité sociale
Les réformes des rétraites de 2003 ou de l’assurance maladie en 2004, la réforme des retaites de 2010 ont montré
que les régimes obligatoires de sécurité sociale les plus importants connaissent
des difficultés structurelles pour assurer leur équilibre financier.
On distinguera deux questions interdépendantes dans ce sujet : celle de la
situation quantitative – la question de l’équilibre du financement - et celle la
situation qualitative - la structure de financement.
Les régimes obligatoires de sécurité sociale sont constitués de quatre
branches, Maladie, Vieillesse, Famille et Accident du travail, qui ont chacune
une situation de financement différente mais qui, au total, et dans leur
globalité – après compensation - sont en situation de déficit structurel. Même
si les branches Famille et Accidents du travail sont en général excédentaires,
ils ne compensent que très partiellement les déficits les branches Vieillesse et
Maladie. On distinguera, au sein de chaque branche, les différents régimes
appliquables en fonction de la situation professionnelle du bénéficiaire.
Concernant la structure du financement, l’Etat s’est de plus en plus intégré au
financement – et en partie à la gestion - des régimes obligatoires depuis 1990
mais il ne parvient ni à compenser les baisses de charges qu’il a par ailleurs
décidé dans le cadre de ses politiques d’emploi, ni à mîtriser la progression
des dépenses de sécurité sociale malgré les nombreuses réformes techniques qu’il
a entreprises depuis 1986 (relatives notamment à l’assurance maladie).
Les recettes totales des quatre branches du régime général de sécurité sociale
s’élevent à environ 335 milliards d’euros en 2004, et les prévisions de dépenses
se montent à 345 milliard d’euros.
En 2003, le montand total des dépenses de la branche vieillesse s'est établi à
146 milliards d'euros. Celles de l’Assurance maladie à 143 milliards d’euros.
Les branches Famille et Accident du travail représentent pour leur part
respectivement 45 Md€ et 10 Md€.
Après avoir étali le constat d’un problème de financement de ces régimes, les
questions sont donc de savoir si la structure actuelle de financement
(cotisations sociales + impôt) est perfectible (I) et si les réformes
entreprises et à venir sont en mesure de rétablir la situation financière de la
sécurité sociale (II).
I/ Le déficit de la sécurité sociale provient d’une insuffisante
compensation entre régimes déficitaires et régimes excédentaires, et d’une
structure de financement qui ne trouve pas son optimum.
A/ Cause et conséquences des déficits des régimes assurance maladie et
vieillesse
à On peut résumer les causes
des déséquilibres financiers des régimes obligatoires par le viellissement, la
dépendance, la baisse du rapport actifs/inactifs, le chômage, l’asymétrie
d’information entre le secteur médical et la gestion administrative,
l’insuffisance de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, les baisse des
charges menées depuis les années 90, la diversification des Aides d’Etat prises
en charges par la branche Famille,
à Les régimes de retraite
[Général, ARRCO-AGIRC (cadres), CANCAVA (artisans), ORGANIC (Com&Indus), CNAVPL
(libérales), régimes spéciaux (Etat)] connaissent et connaîtront de très
importantes difficultés de financement. Le Conseil d'orientation des
retraites (Cor) a estimé le besoin de financement du Régime général à 40
milliards d'euros en 2020. Seule la CNAVPL est structurellement bénéficiaire.
à Le déficit des régimes
obligatoires d’assurance maladie [Général, Agricole, non salariés non
agricoles (les « non-non ») et spéciaux] est actuellement de 11 milliards
d’euros. Selon le Haut conseil de l’assurance maladie le déficit tendanciel
à l'horizon 2010 serait compris entre 27 et 39 milliards d'euros, et entre 60 et
105 milliards d'euros soit 3,2 points de PIB en 2020. La progression des
dépenses se fait à un rythme élevé, compris entre 4 et 7 % par an.
à Ces deux régimes cumulés sont
actuellement à 14 milliard d’euros de déficit, et l’on prévoit, à l’horizon
2020 entre 100 et 150 milliards d’euros de déficits, ce qui pose
« d’importants » problèmes en terme d’accroissement de la dette, déjà
actuellement à 66% du PIB.
B/ La
compensation insuffisante des régimes famille et accident du travail.
à Ces régimes sont
struturellement excédentaires. En 2001, ces régimes cumulaient un excédent
de 13,8 Md€ (moindre en 2004). 9,4 milliards pour la branche famille, 3,4 pour
le régime accidents du travail.
à Ces excédents ne compensent que
très partiellement les déficits des régimes déficitaires et risquent de
s’amoindrir dans les années à venir, suite à l’augmentation des dépenses
liées aux aides au logement et aides sociales (RMI) prises en charge par la
branche Famille, et du fait de l’accroissement des accidents du travail.
à Au sein du régime général de
sécurité sociale, le mécanisme de compensation se fait entre les différentes
caisses excédentaires et déficitaires. Les régimes spéciaux reçoivent la
plus grosse partie des fonds de compensation (SNCF notamment – 9% du total), car
ils sont les plus structurellement déficitaires. Le déficit est comptabilisé au
titre de la dette sociale, gérée par la Caisse d’Amortissement de la Dette
Sociale (CADES), mise ne place par les ordonnances du 26 novembre 1996.
C/ Une
structure de financement perfectible
à Dès ses origines, la sécurité
sociale connaît un paradoxe entre sa généralisation aux non travailleurs et
des cotisations sociales uniquement assis sur la masse salariale. C’est
pourquoi l’Etat a dû s’investir dans le financement de la sécurité sociale.
Cette montée en puissance progressive de l’Etat s’est traduite par une
réduction de la part des cotisations sociales dans les recettes des régimes
obligatoires , remplacées par des contributions fiscales, bien qu’elles restent
prépondérantes. Aujourd’hui, les cotisations représentent entre 43 et 98 % des
ressources de la sécurité sociale, selon la caisse en question. En moyenne elle
représentent les deux tiers des ressources des régimes obligatoires pris dans
leur ensemble, soit 218 milliards d’euros.
à Les réformes Rocard de 1990 et
Juppé de 1995-1996 créent la CSG et le CRDS dans le but de compenser les
baisses de charges par des contributions fiscales. Ces impôts, malgré une
assiette très large et des recettes importantes (CSG = 105% IR), ne
compensent pas entièrement le besoin de financement des régimes obligatoires.
Impots proportionnels, assis sur tous les revenus, ils apportent respectivement
57 Md€ et 9 Md€ à la sécurité sociale. On peut ajouter à ces deux impôts la taxe
sur les alcools, sur les produits pharmaceutiques, la contribution sociale de
solidarité sur les sociétés (C3S), qui rapportent 14 Md€ Au total, ces
contributions publiques voient réaffectées 80,7 milliards d’euros vers les
comptes sociaux, auxquels s’ajoutent 20 milliards de cotisations sociales payées
par l’Etat et 12 milliards au titre de subventions d’équilibre versées à
certains régimes. Si l’Etat souhaitait combler entièrement le déficit du budget
social de l’Etat, il réaffecterait la totalité du produit de ces contributions.
à L’Etat, contraint par son
propre déficit et ses obligations européennes, ne peut ni compenser les
baisses de charges par ses contributions données aux régimes obligatoires, ni
combler le déficit glogal de la sécurité sociale. Ces problèmes récurrents
de financement suscitent un débat sur les charges dites « indues » supportées
par les régimes obligatoires du fait des politiques d’emploi et des baisses de
charges.
II/
Les réformes entreprises ne peuvent assurer un retour à l’équilibre qu’à de
strictes conditions non remplies à l’heure actuelle.
A/ Les
réformes entreprises...
à La réforme des retraites de
2003 s’articule autour d’un nombre importants de mesures destinées à freiner
l’accroîssement des dépenses liées au vieillissement de la population, et à
inciter au départ plus tardif à la retraite.
Du côté
des dépenses, la liquidation de la retraite à taux plein sera ouverte à 164
trimestres au lieu de 160 actuellement, en prenant en compte les 25 meilleures
années et non plus les 6 derniers mois. Pour inciter au départ tardif à la
retraite, la réforme prévoit une surcote de 3 % par an en cas de poursuite de
l’activité à partir de 60 ans, ainsi qu’un mécanisme permettant de toucher une
partie de sa pension en fonction du temps de travail effectué après l’age de la
retraite. Du côté des recettes, le taux de cotisation sociale saugmentera de 0,2
points, ainsi que la CSG.
à La réforme de l’assurance
maladie s’articule autour de trois volets dans le but de (a) dégager des
recettes supplémentaires (4 Md€), (b) de rationaliser l’offre de soins (9Md€, et
(c) d’accroître la participation des usagers (1Md€). Au-delà des mesures
concernant la maîtrise des dépenses de santé , le plan prévoit la reprise de la
dette par la CADES (1,1 Md€), des gains de productivité dans le travail de la
CNAMTS, le ticket modérateur d’ordre public (1€), Un léger accroissement de la
CSG (4Md€), une hausse de la C3S (1Md€), et par une allocation de 1 milliards
par l’Etat sur les taxes sur les tabacs.
B/
...ne peuvent assurer un retour à l’équilibre qu’à de strictes conditions
à Ces réformes n’assurent qu’une
maîtrise temporaire du déficit et pas une compensation complète du besoin de
financement. La réforme des retaraites n’assurera que 35% de réduction du
déficit pour l’Assurance vieillesse (selon les prévisions optimistes du COR), et
la réforme de l’assurance maladie n’a permis qu’une réduction de 2 milliards
d’euros du déficit de l’AM en 2004 (selon le Haut conseil à l’assurance maladie.
à Ces prévisions s’appuient
sur les travaux du COR qui tablent sur un taux de chômage compris entre
4,5 à 7%. Plus que toute autre variable, la baisse du chômage est la
condition d’une retour à un financement équilibré de la sécurité sociale. Ces
prévisions sont optimistes compte tenu de la situation actuelle du marché
de l’emploi. Par ailleurs, les gains de productivité et la croissance
sont d’autres variables que l’on doit prendre en compte pour réaliser des
prévisions en la matière. Données qui restent difficiles à prévoir. Cependant,
le caractère primordial de la baisse du chômage dans la réduction des déficits
de la sécurité sociale peut s’atténuer si l’on découple les cotisation sociales
de la masse salariale.
C/ Des réponses en termes de
structure de financement et de maîtrise des dépenses existent, mais dont
l’application reste suspendue aux contraintes politiques.
à L’assurance maladie concentrant le
gros du déficit des régimes obligatoires, c’est sur cette branche que doivent se
concentrer les réformes. Car la progression des dépenses de santé n’est pas
ammenée à se réduire. Donc, la question est « jusqu’où l’Etat peut-il suivre
cette progression » ? Plus les dépenses de santé s’accroîtront (11% du PIB
actuellement, 15% en 2010-2015), plus se posera avec acuité la question de la
remise en cause d’un financement national et de la mise en concurrence
progressive des régimes de sécurité sociale dans chacune de leur branche.
à Il est possible de repenser la
nature des contributions fiscales qui concourent au financement de la sécurité
sociale. Les biens médicaux sont en effet des biens supérieurs, dont la demande
s’accroît avec l’augmentation du revenu. Rendre la CSG et le CRDS
progressifs permettrait une adéquation entre la structure de demande des
biens médicaux et la structure de financement de la sécurité sociale.
à Asseoir une partie des
cotisations sociale sur la valeur ajoutée pour ne plus pénaliser l’emploi et
permettre aux entreprises une variabilité des charges en fonction de la
conjoncture (et dégager des recettes supplémentaires grâce aux emplois créés).
à Les mobilisations syndicales et
politiques qui prennent place lors de chaque réforme des systèmes sociaux
rappellent l’importance des obstacles politiques et la nécessité d’un
consensus et laissent penser que les problèmes de financement des régimes
obliatoires de sécurité sociale ne sont pas amenés à disparaître de sitôt.