Politiques de santé et groupes pharmaceutiques
En effet,
depuis leur origine, et plus encore depuis que les politiques de santé sont
financées par des systèmes de sécurité sociale, les groupes pharmaceutiques sont
en partie liés aux Etats, que ce soit par le biais des réglementations sur la
création et la fabrication des médicaments, ou, en Europe (et notamment en
France par exemple), par la fixation réglementaire du prix d’interventions et de
produits médicaux. Mais outre ce qui ressort de la simple réfinition des règles
propre à tout secteur économique
Deux
raisons principales justifient l’existence de liens entre le secteur
pharmaceutique et les politiques de santé.
- D’une
part, les gouvernements et les systèmes de soins doivent évoluer en fonction des
nouveautés qu’apportent la recherche pharmaceutique (nouveaux médicaments,
nouvelles technologies médicales), et en fonction des nouveaux besoins médicaux
, de plus en plus sophistiqués, des usagers d’assurance maladie.
- D’autre
part parce que les groupes pharmaceutiques sont au coeur des réflexions modernes
sur la modération des dépenses d’assurance maladie. Dans ce domaine on notera
que l’impact de leur production est ambivalent. D’un côté l’incorporation d’une
forte teneur en recherche et développement coûte cher (coût pharamineux pour
développer un médicament – 500 Millions de dollars en moyenne, et augmentation
des coûts du matériel médical et des thérapies modernes – cancers, très
coûteux). De l’autre, elles pourraient permettre au contraire, en réduisant le
rapport coût/efficacité des médicaments, d’alléger les dépenses des assurances
maladies.
Globalement, tous les pays
industrialisés sont confrontés au défi démographique et à ses conséquences en
matière de financement des systèmes d’assurance maladie. Ils doivent, pour
résoudre les déficits croissants, associer les groupes pharmaceutiques, Cette
association se font selon des des formes différenciées (en fonction des cultures
médicales et des traditions institutionnelles) aux Etats-Unis, En Europe et au
Japon.
C’est pourquoi après avoir vu
quelles formes prennent les relations entre les Etats et les groupes
pharmaceutique (I) nous verrons quel rôle peuvent jouer ces dernier dans la
maîtrise médicalisée des dépenses de santé (II)
I/ Les formes de
relations entre le secteur pharmaceutique et les politiques de santé
A/ Le
secteur pharmaceutique : un secteur toujours règlementé
- La
réglementation des prix découle nécessairement du système de remboursement des
soins, l’Etat voulant limiter le prix payé . Le médicament est lui aussi un bien
dont l’accès au marché est réglementé. Ces réglementations structurent très
fortement cette activité. Tout au long du processus de fabrication, l’Etat
intevient par le biais des autorisations d’expérimenter, et contrôle en aval le
médicament. De même l’Etat prélève une taxe sur la pub des laboratoires afin de
les mettre à contribution de l’accroissement des dépenses de santé. La fixation
des prix peut aller de la liberté « négociée » à l’encadrement administratif.
Cet ensemble réglementaire constitue une barrière à l’entrée sur le marché.
- En
revanche l’absence de contrôle des prix aux
Etats-Unis fait de ce marché le plus important pour l’industrie pharmaceutique.
En fait, on peut conclure que plus le secteur de la santé est sous contrôle d’un
système national de santé, plus il a tendence à comprimer le secteur
pharmaceutique (effet constricteur).
-
Effet des procédures réglementaires de contrôle des médicaments et de ces
coûts induits : d’une part une tendance à la concentration, et d’autre part le
recours par les groupes pharmaceutiques à des start-up biotechnologiques
(essaimage) dans lesquelles elles investissents, sans prendre intégralement en
charge le risque associé. 20-25% des budgets de recherche sous-traités.
-
Autre phénomène : les pharmas réagissent à la réglementation. Situation
de théorie des jeux. Une firme voyant un des ses médicaments sorti de la
nomenklature des soins remboursés aura tendance à modifier la composition de son
produit pour l’y faire rentrer par un autre moyen (et accroître ses ventes –
voire ses prix, l’absence de paiement par le consommateur accroissant sa
demande) qui peut s’avérer encore plus coûteux pour l’AM (ex : Tulle gras).
B/ La
réglementation n’explique pas tout. Les relations entre les groupes
pharmaceutiques et le corps médical prennent des formes informelles et
coventionnelles multiples.
-
Des relations conventionnelles difficiles car fondées sur des intérêts
souvent divergents. L’Etat doit d’un part assurer la rentabilité des médicaments
tout en freinant la montée des prix. Dans toute l’Europe, des chartes ont été
signées entre les syndicats de laboratoires pharmaceutiques et les Autorité
médicales (en France avec l’AFSSAPS), dans le but de leur faire prendre
conscience des enjeux financiers de la médicine. Naturellement, ces chartes
n’ont pas de valeur juridique expres.
-
Un lien organique uni médecins, groupes pharmaceutiques et instituts de
recherche médicale, et est orienté vers l’amélioration de la qualité des soins
et l’accroissement de la compétitivité (annexe : le cas des médicon valley –et
la création de clusters , ou pôles de compétitivité – Lyon pour la
médecine ?). L’information circule dans les deux sens, contribuant à diffuser
les bonnes pratiques médicales.
-
le lobbying des groupes pharmaceutiques (cf. rapport Cahuzac) 300millions
de dollars dépensés lors des campagne électorales américaines. En France, ce
phénomène freine la croissance du marché du générique contrairement aux USA, où
le plus fort développement du secteur (14% du PIB contre 8 à 11% en Europe)
permet de faire une place plus importante aux génériques. On remarquera ainsi
que les patrons de l’industrie pharmaceutique française sont souvent issus des
cercles de pouvoirs (énarques, anciens chef de cabinets comme
J-F Dehecq, Sanofi-Synthélabo, ou L-C. Viossat,Lilly)
C/ Cas
particuliers de politiques diféérenciés : les législations différentes en
matière de biotechnologies découlent des différentes cultures institutionnelles
en matière d’innovation.
-
Les OGM : les différence de poids de ce secteurs entre US et UE se
reflète dans les législations. UE fin du moratoire récent. Pas encore transposé
(en cours). L’UE a pour le moment édicté 4 directives sur les OGM (sur
l’alimentation, la dissémination, et pour organiser la tracabilité) quand les
USA sont beaucoup plus « libéraux en la matière, eu égard aux enjeux pour les
groupes américains.
-
Le clonage. Des législations interdisant le clonage reproductif humain
sont en vigueur en Allemagne, en Espagne, en Italie ou en France mais aussi en
Chine, Russie, Inde, Japon). La situation est plus incertaine aux Etats-Unis(ex :
cas raël). En revanche, la question d’utiliser le clonage à des fins
thérapeuthiques est posée dans de nombreux pays, et c’est ainsi que la loi de
2004 s/ les biotech en France a apporté des modifications en ce sens. Si le
dynamisme américain en matière de biotech est lié à la vigueur du NASDAQ, il ne
faut pas minorer l'effet d'entraînement qu'a joué l’association entre le budget
fédéral et les fonds privés de recherche (qui se concentrent notamment au sein
de fondations privées. Le National Institute of Health (NIH) joue également un
rôle de diffusion des bonnes pratiques et des nouveaux médicaments.
II/ Les relations à
géométrie variable entre les politiques de santé et les GP.
A/ Les
politiques de santé tâchent difficilement d’orienter la recherche
pharmaceutique.
- En
France, l’Etat conclu régulièrement des accords-cadre avec la profession
pharmaceutique ; en échange de garanties sur les prix qui accroît la sécurité
des marges, les pharmaciens s’engagent sur l’adoption de comportements tendant à
limiter les dépenses pharmaceutiques, et les labos s’engegent à investir dans la
recherche sur des méthodes médicales et des médicaments les moins coûteux et les
plus efficaces. De même les groupes pharmaceutiques bénéficient souvent des
subventions de l’Etat, et des conseil des institutions publiques de santé. En
Allemagne et en France le crédit impôt recherche reste une valeur sûre.
- D’autre
part, les Institutions nationales et européennes s’efforcent de travailler à
accroître la compétitivité des groupes pharmaceutiques. Pour cela, les Etats
doivent favoriser un haut niveau de qualité de main d’oeuvre par des formation
solides, la capacité à répondre à la demande médicale, l’utilisation optimales
des externalités positives de la recherche pharmaceutique (par la constitution
d’une profession en réseau avec le secteur médical public), l’importance des
subventions de l’Etat accordées aux groupes pharmaceutiques, la modération des
prix (souvent assurée par des négociations sérrées avec les autorités nationales
de régulations, notamment en France, GB, Allemagne).
- Il faut
nuancer – c’est le marché qui guide largement les stratégies des entreprises,
même si des incitations de type « plan cancer » peuvent stimuler la recherche
dans ce sens. Si nombre de médicaments sont annexés aux différentes listes
nationales de médicaments remboursés, ils sont en régression dans tous les pays
développés. Le secteur du « produit de santé », non remboursé, se développe
fortement au point de finalement être en première ligne des ventes. Le rapport
Cahuzac (conseiller d’Evin) montre finalement que l’Etat échoue à maîtriser la
logique pharmaceutique. Il est finalement assez illusoire de croire que l’Etat
peut influencer plus qu’à la marge les orientations stratégiques des groupes
pharmaceutiques. Enfin, il ne faut pas oublier que les pharmaceutiques sont
souvent des FTN, qui se passent d’accords avec les Etats nationaux.
B/ Ce
sont plus les politiques de santé qui s’adaptent aux moyens techniques et
médicaux existants
- Charge financière
importante des thérapies nouvelles (ex : SIDA, cancers) – découlant notamment
d’une volonté politique de l’opinion publique incitant à renforcer les efforts
dans ce domaine.
-
L’orientation stratégique des groupes pharmaceutiques est déterminée par
le marché. Il faut remarquer que les groupes profitent de l’accroîssement des
dépenses de santé et notamment du vieillissement de la population : + 10 % de
croissance des recettes en moyenne depuis 5 ans pour les pharmas. L’Etat est
obligé de suivre. Si les groupes pharmaceutiques doivent s’adapter à la montée
en puissance des génériques, ils surfents sur la vague de l’automédication, en
croissance dans tous les pays de l’OCDE.
- En ce
qui concerne l’intégration des nouveaux médicaments arrivant sur le marché, il
faut se pencher sur la façon dont les médecins (prescripteurs) s’adaptent à
l’évolution pharmaceutique. En la matière, on notera l’affrontement de deux
logiques : celles recherchant l’efficience coût/qualité par la diffusion des
« bonnes pratiques » tant au niveau national qu’au niveau international, et
celle du marketing pharmaceutique, utilisant de nombreuses tactiques pour
conquérir (pas toutes très honnêtes) le coeur des médecins, quelle que soit
l’efficacité du médicament, eu égard à ses coûts pour la collectivité (dans un
système de système national).
C/
L’association des groupes pharmaceutiques aux objectifs comptables et financier
des systèmes d’assurance maladie.
Dans
l’ensemble les groupes pharmaceutiques ont un rôle à jouer dans la maîtrise
médicalisée des dépenses de santé, même si la majorité de leurs recettes sont
hors rmboursement (En Europe, le problème ne se posant pas aux USA).
-
En France 2nd producteur de pharmas en europe (Sanofi
synthélabo, Aventis), les différents ministres de la santé ont voulu associer
ces groupes à la politique de santé française. L’intervention de Nicolas Sarkozy
pour la défense du rachat d’Aventis par Novartis montre la volonté des Etats de
maintenir dans leur giron le secteur pharmaceutique, dans le but de pouvoir
influer sur leurs objectifs, notamment pour éviter que le produit des dépenses
de l’Assurance maladie ne sorte de l’économie française, et pour profiter d’un
secteur caractérisé par des prévisions de recettes en croissance. (En France, L’HAS,
récemment créée a pour objectifs d'évaluer l'efficience médicale des actes
médicaux et médicament pris en charge par l'assurance maladie et de promouvoir
les bonnes pratiques et le bon usage des soins auprès des professionnels de
santé et du grand public. Comme on l’a vu (reagan) cette logique peut largement
entrer en conflit avec le marketing pharmaceutique. Ceci suppose un rapport de
contrôle et d’orientation des nouvelles pratiques médicales en relation avec les
pharmas.). Douste-Blazy a affirmé pour sa part souhaiter associer les
pharmaceutiques à la logique de modération des dépenses de santé.
-
En Grande-Bretagne 3ème européen des pharmas. LE départment of
Health travail notamment à associer les groupes pharmaceutiques à une stratégie
de compression des tarifs remboursés par le NHS, et favorise la compétitivité
des groupes pharmaceutiques. Un Chief pharmaceutical officer et d’une « competitiveness
task force ont en charge d’assurer la répercussion des orientations de la
politique de santé dans les objectifs stratégiques des entreprises. Mesures
faiblement opérationnelles qui consiste plus en la création de liens informels
que d’une contrainte vériatable.
- En
réalité, ce sont les médecins les vrais détenteurs de la responsabilité de
freiner le coût de leurs prescriptions (et l’Etat les contrôle). Les
pharmaceutiques ont donc intérêt à convaincre les médecins lorsqu’ils découvrent
de nouveaux soins moins coûteux. Seule une prise en compte de ces impératifs
permettra aux pharmas de maintenir leur parts de marché, faute de quoi ils
entreraient en contradiction ouverte avec les objectifs que les médecins ont à
tenir, et risqueraient de perdre des parts de marché ; ils y ont donc intérêt,
mais n’y sont pas tenus
Conclusion, de plus en plus,
les groupes, les réglementations, les procédures deviendront européens du fait
de la tendance à la concentration des firmes, et du fait de la volonté
d’harmoniser les méthodes, législations (comme pour le clonage ou las OGMs), et
surtout les prix.