L'enrichissement sans cause

 

 

Introduction

L’enrichissement sans cause est un quasi-contrat, c’est à dire qu’il ne découle pas d’un dommage, ou d’une clause de responsabilité contractuelle, mais d’un transfert de patrimoine d’un individu à un autre sans qu’un acte juridique (contrat) ne légitime ce transfert. Devenu progressivement un motif classique d’indemnisation, l’enrichissement sans cause a mis du temps avant d’être consacré par la jurisprudence, aucune disposition du code Civil ne qualifiant précisément le quasi contrat, sauf le paiement de l’indu (art 1376). C’est au XIXème siècle (Cass.civ 1850, et surtout, Cass req, Boudier, 1892) que la jurisprudence a consacré le principe de l’enrichissement sans cause.

L’instrument judiciaire de traitement de l’enrichissement sans cause est nommé « action de in rem verso », par lequel la personne lésée peut obtenir l’indemnisation de sa perte de patrimoine, aux dépens de l’enrichi.

On notera qu’il s’agit d’une action à caractère subsidiaire, c’est à dire qu’elle n’est nécessaire que lorsqu’il n’y a pas de possibilité ouverte à une action en responsabilité contractuelle ou délictuelle (c a d parce qu’il n’y a pas de contrat ou de délit dans les situations en cause).

 

Après avoir vu comment se forme l’enrichissement sans cause (I), nous verrons quels effets juridiques sont attachés à une telle qualification (II)

 

I/ Les conditions de l’enrichissement sans cause

 

            A/ Un transfert de patrimoine d’un appauvri à un enrichi

 

1)      L’enrichissement sans cause découle du fait qu’une personne gagne de l’argent parce qu’une autre personne s’est appauvrie sans bénéficier les fruits de ses dépenses. En fait, il s’accapare le fructus de investissement en temps ou en argent d’un autre, lui-même dépossédé. Ainsi, un locataire qui réalise des travaux  d’amélioration et qui se fait expulser par la suite s’est appauvri du coût des réparations alors que c’est le propriétaire qui, à l’occasion d’une vente touchera la plus-value. De même le professeur particulier qui donne des cours à titre onéreux à un enfant, et qui, s’étant disputé avec les parents, n’est pas rémunéré, s’est appauvri au bénéfice de l’enfant qui s’est enrichi. Ces parents, responsables de son fait sont fondé à indemniser le professeur. La perte peut être largement entendue, un « non-gain » normalement lié à un service rendu est assimilé à un appauvrissement.

 

2)      Ce transfert peut être direct ou indirect. Il est direct lorsque le transfert s’effectue entre deux personnes sans qu’un tiers intervienne. Au contraire, lorsque l’enrichissement se fait aux dépens d’un tiers, du fait d’un intermédiaire, l’action de in rem verso doit se résoudre entre le tiers lésé et l’enrichi. Il en est ainsi lorsqu’un locataire de terrain cultivable achète des engrais sans les payer, et que le propriétaire s’enrichit de la bonification de la terre, aux dépens du marchand d’engrais. Ce dernier est fondé à engager une action de in rem verso pour obtenir de la part de l’enrichi l’indemnisation de sa perte. De même un organisme social prenant en charge un démuni, alors que ses parents ne s’acquittent pas de leur obligation  de pension, pourra demander réparation de son appauvrissement à l ‘avantage des parents.

 

            B/ L’absence d’acte juridique comme cause de transfert

 

1)      L’action de in rem verso ne peut se faire que lorsqu’il n’y a pas de contrat ou d’élément écrit, bref, d’acte juridique fondant ce transfert de patrimoine. Dans le cas contraire, l’appauvri ne pourra pas alléguer un enrichissement sans cause, mais son dommage éventuel devra être poursuivi dans le cadre la responsabilité contractuelle. Ainsi, dans un contrat de bail, si une clause précise que le propriétaire bénéficie des améliorations apportées au bien par le locataire, il ne peut y avoir par la suite d’action ouverte pour enrichissement sans cause.

 

2)      Le principe général reste qu’« il n’y a pas enrichissement sans cause lorsque l’enrichissement réalisé par une personne a sa justification dans un acte juridique ». La lésion par exemple ne rentre pas dans la catégorie de l’enrichissement sans cause mais constituera une catégorie à part, qui justifierait non l’indemnisation, mais la rescision du contrat selon la règle de 7/12ème. La lésion apparaît lorsqu’une vente de biens immeubles se fait au détriment du vendeur dans la limite des 7/12ème du prix, c'est-à-dire s’il le vend à un niveau inférieur à ce plancher, par méconnaissance, par dol, et hors du cas de variation normale du prix du marché.

 

3)      Exception : parfois, un acte juridique peut exister qui lie l’enrichi et l’appauvri, mais il n’empèchera pas l’action de in rem verso de s’appliquer. C’est notamment le cas lorsque dans un ménage, uni sous le régime de la séparation des biens, travaille pour son mari, mais ne reçoit aucun salaire officiel. En cas de divorce, celle-ci peut engager des poursuites pour enrichissement sans cause, malgré l’acte de mariage.

 

II/ Les effets de l’enrichissement sans cause

 

            A/ Un régime d’indemnisation spécifique

 

1)      Le régime du dédommagement est différent que dans le cas des responsabilités contractuelle ou délictuelles. que celui-ci pourrait retirer des amélioration faites aux dépens de l’appauvri.

 

2)      L’indemnisation ne dépasse pas les gains de l’enrichi. Elle ne peut s’élever qu’à hauiteur de la plus-value éventuelle Symétriquement, elle ne peut exceder la perte de l’appauvri. Il n’y a pas de dommage moral qui entre en compte.

 

3)      Le régime un peu moins favorable que la responsabilité contractuelle s’explique par le caractère subsidiare de l’action pour enrichissement sans cause. En effet, c’est seulement lorsqu’il est impossible pour la victime de faire valoir ses droit à un débiteur sur un fondement délictuel ou contractuel que celui-ci peut engager une telle action.

 

B/ Les causes d’exonération : l’élément moral de l’appauvrissement

 

1)      L’objectif est de limiter les abus de droit et de l’utilisation de l’action de in rem verso. Dans l’ensemble, l’appauvrissement par la faute de l’appauvri ne peut ouvrir droit à la qualification d’enrichissement sans cause. En fait, cette faut constitue une cause à cet appauvrissement.

 

2)      L’appauvrissement à l’avantage de l’appauvri. Est également considérée comme une cause d’appauvrissement légitime celle qui est faite dans l’intérêt exclusif de l’appauvri. Lorsque celui-ci a agit de façon égoïste, les juges tendent à moraliser l’institution et n’ouvrent pas de droit à indemnisation, ou exhonèrent une partie de l’indemnisation. De même les investissements faits à ses risques et périls, sans même par exemple que le propriétaire soit informé, ne peuvent ouvrir droit à de telles actions. Là encore, on voit l’objectif moralisateur des juges, qui débusquent la mauvaise foi de certains demandeurs.

 

3)      Détail technique : la date d’appréciation par le juge du commencement de l’enrichissement sans cause. Celle-ci soit être la plus favorable à l’appauvri, sans léser les droits de l’enrichi. Contrairement à la responsabilité contractuelle qui s’apprécie le jour du jugement, l’enrichissement sans cause s’ouvre à la date de la demande en indemnisation par l’appauvri. Par contre, en cas de mauvaise foi de l’enrichi (s’il encaisse de l’argent auquel il n’avait droit par ex.) , celle-ci s’ouvre dès le premier jour de l’enrichissement, avec les intérêts (et les intérêts des intérêts).

 

 

Conclusion : L’action de in rem verso constitue un dernier recours pour ceux qui n’ont pu faire valoir leurs droits autrement, et réalise un équilibre entre les droits et devoirs d’un appauvri, et ceux d’un enrichi. On le voit, elle s’ouvre souvent dans des situations où les individus n’ont plus d’autre moyen de faire rendre justice (travail au noir, relations non-contractuelles). Ne peut-on pas dire, alors qu’elle constituerait une forme d’équité ?

 

 

Message du forum : Attention, ne copiez pas cette fiche pour la rendre comme votre travail, ce n'est ni utile pour apprendre, ni honnête. De nombreux outils de détection du plagiat existent et vous serez donc détectés par votre professeur. Servez-vous en plutôt comme outil d'apprentissage, d'approfondissement ou de révision.