Les effets du taux d'intérêt sur l'activité économique
I. Si, en tant qu’intermédiaire entre sphères
monétaires et réelles, le taux d’intérêt est traditionnellement utilisé comme un
instrument de gestion macroéconomique par les Autorités monétaires…
II. …De nombreux
paramètres viennent conditionner ou minorer ses effet sur l’activité économique
et impose des règles prudentielles strictes à son utilisation
A/ Le taux d’intérêt a des effets ambivalents et
conditionnés à d’autres facteurs qui doivent être pris en compte par les
autorités monétaires
=> Le
niveau d’ouverture de l’économie détermine le niveau d’autonomie de
détermination du taux d’intérêt. Les effets du
taux d’intérêt sur le taux de change et sur le niveau et la nature
des exportations. Les effets du taux d’intérêt sur la distribution de l’épargne
et de l’investissement mondial. L’importance et la réactivité des capitaux
flottants peut constituer un risque de déstabilisation rapide d’une économie
nationale suite à une action sur les taux. Cf. le triangle de Mundell et
Fleming : en cas de mobilité des capitaux et de changes fixes (SME), la
politique monétaire n’est pas autonome.
=> Les
effets inflationnistes d’une utilisation imprudente du taux d’intérêt.
Cas des années 70 et de la gestion politique des
taux.
=>L’effet d’éviction de la dette publique et ses effets sur les taux d’intérêt.
=> La
nécessaire prise en compte des anticipations sur la gestion du taux directeur.
risque majeur de formation de bulles via les
anticipations dites « auto réalisatrices » (confiance => afflux de capitaux =>
montée des taux => poursuite de l’afflux, jusqu’à l’éclatement).
Cf. la crise russe de 1998, avec l’éclatement de
la bulle des GKO (taux d’intérêt nominal supérieur à 200%…), ou encore la
« bulle Internet » aux USA jusqu’à l’an dernier (effondrement du NASDAQ).
Dans ces cas, la croissance de la sphère
financière se déconnecte totalement de celle de la sphère réelle, et ne joue
donc plus, par définition, son rôle d’allocation.
B/ …Et ne peut être
utilisé de façon autonome dans une politique économique…
=> Les éléments conditionnant l’optimisation de l’action sur les taux
d’intérêt :
importance de l’efficacité marginale du capital et du taux d’utilisation des
capacités de production dans la détermination du taux d’intérêt. L’importance
du rendement escompté du capital (ROE).
=> Le niveau de coordination des politiques monétaires par le taux de change
conditionne également leur efficacité. LA théorie
des jeux en matière de compétition monétaire internationale.
Cf. aussi la politique de désinflation
compétitive & de franc fort des années 1980-1990s.
=> La nécessaire arme de la crédibilité pour contrer l’incertitude passe par une
gestion prudente des taux : Cf. (BARRO et GORDON,
1983). L’idée est de construire une forte crédibilité qui permettra de réduire
l’incertitude et donc d’attirer les capitaux (=> baisse des taux d’intérêt à
long terme). C’est la stratégie de la BCE. Elle peut permettre, à terme
d’optimiser l’effet d’une action, même moindre sur les taux d‘intérêt.
=> Face
à ces limites de l’utilisation du taux d’intérêt, l’intégration économique peut
être un levier de politique économique :
L’intégration financière des zones monétaires optimales permet de réduire le
taux de dépendance externe (l’un des critères d’optimalité pour une union
monétaire, selon Mc KINNON), et donc libère la politique de taux d’une partie de
la contrainte de changes, tout en ouvrant l’opportunité d’une « policy mix »
(politiques budgétaires nationales libérées elles aussi des contraintes
externes).
Conclusion :
Le lien entre taux d’intérêt et croissance économique est donc étroit. D’une
part, la politique monétaire de taux d’intérêt, depuis la fin des années 1980,
permet d’accompagner la croissance réelle de l’économie, en favorisant une
connexion optimale entre la sphère financière et la sphère réelle. De nombreux
facteurs viennent cependant relativiser sa portée pratique sur la structure
économique même. Le taux d’intérêt est plus un aiguillon qu’une clef
matricielle, dans la mesure où il ne peut être utilisé seul, et doit l’être
selon certaines conditions dans un cadre plus large de politique économique. Il
n’est également qu’un reflet de la réalité économique et peut s’en déconnecter,
ce qui n’aurait pour effet que de retarder voire d’aggraver une crise
concomitante. Il ne produit enfin ses effets optimaux seulement si certaines
conditions économiques - indépendantes de la volonté des autorités monétaires –
se manifestent
C’est
pourquoi la BCE centre son action sur une politique de stabilité monétaire et
des prix qui viendrait réduire l’incertitude monétaire, et finalement, à terme
accroître l’efficacité des l’utilisation du taux d’intérêt pour relancer
l’activité. Nul ne peut cependant répondre à la question du quand ? Quand la BCE
décidera d’utiliser le potentiel de relance par le taux directeur de l’euro ?