Le projet de traité constitutionnel européen
Le 29 octobre 2004, les vingt-cinq Chefs d’Etats et de gouvernements de
l’Union européenne ont signé le projet de traité constitutionnel, élaboré durant
la Convention pour l’Avenir de l’Europe (C.A.E.), présidée par Valérie Giscard
d’Estaing, et amendé en CIG du 18 juin. Le texte final, actuellement sujet à
controverses, diffère du projet originel, et traduit les tiraillements
d’intérêts qui n’ont pas manqué d’avoir lieu lors des conférences
intergouvernementales. De février 2002 à juin 2003, les seize mois nécessaires à
l’élaboration du texte conventionnel (par opposition au texte final) furent la
conséquence des myriades de débats, de désaccords puis de compromis qui ont
émaillé la C.A.E. Ce projet de traité, comme toute chose européenne, fut le
fruit de négociations « acharnées » et de solutions compromissoires, d’autant
plus qu’il a été élaboré à vingt-cinq, ce qui n’a pas manqué de multiplier les
cas de revendications nationales. De « l’exception culturelle française » à la
question de l’inscription d’une mention relative à l’identité chrétienne de
l’Europe, en passant par le refus anglais de donner valeur exécutoire, en droit
interne, à la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union, ce sont tant des
arguties idéologiques que des disputes mathématiques (relatives au nombre de
commissaires ou à la pondération de la double majorité qualifiée) qui se sont
succédées lors de l’élaboration de ce traité dit constitutionnel. Sa lettre, son
énoncé, sont directement issus de ces dialectiques. Il traduit la Loi de la
négociation et du compromis permanent qui oriente l’Europe depuis ses origines
(cf. Léon Constantin, Psychologie de la
négociation, PUF, 1971, chap. II)
Le traité est l’acte
commun du droit international public par lesquels les Etats s’engagent
mutuellement. Il les lie à l’exécution de ses clauses en droit interne, dans des
délais généralement fixés par le traité (ici 2006 pour les dispositions
générales, 2009 pour certaines dispositions, cf. art I-20 et I-25 par exemple
et 2014 pour le nombre de Commissaires). Son application est conditionnée à sa
ratification interne, et à la clause « d’exceptio non adimpleti contractus »,
c’est à dire sous réserve de réciprocité.
Ce projet de traité est qualifié de
constitutionnel mais dans sa décision récente du 19 novembre 2004 le Conseil
Constitutionnel affirme que ce projet reste un Traité ; ce traité ne remplace
pas la Constitution française.
Il comporte une Préambule, 445 articles, 2
annexes, 36 protocoles et des déclarations.
àLa partie I définit
(toutes les mentions d’articles renvoient à la
version finale) :
·
Les valeurs, objectifs et citoyenneté de l’Union (art.
I-1 à I-11)
·
Les compétences respectives des Etats et de l’Union (art.
I-11 à I-18)
·
Les Institutions européennes et leurs rapports mutuels (art.
I-18 à I-31)
·
Les types d’actes normatifs que l’Union peut produire (art I-32 à I-38)
àLe traité réaffirme les Droits
Fondamentaux de l’Union et distribue des droits subjectifs dans la partie II.
àLa partie IV constitue les
dispositions finales et générales qui abroge les traités antérieurs, et qui
détermine les modalités de révision (IV-443).
àPlus controversée, la partie III
constitutionnalise les cadres des différentes politiques sectorielles de
l’Union. Ce sont en tout 342 articles qui définissent de façon plus ou moins
détaillée comment sera conduite l’action de l’Union européenne dans les
décennies à venir. Cette partie définit :
·
Le marché intérieur, les libertés de circulation et la concurrence (art.III-130
à III-176)
·
La gouvernance économique et les procédures budgétaires (art. III-177 à III-202)
·
Emploi, cohésion sociale, agriculture, transport, environnement, PESC, etc…(art.
III-203 à III-256)
·
La justice et affaires intérieures (art. III-257 à III-277)
·
santé, industrie, culture, éducation, etc… (art. III-278 à III-291)
·
La politique extérieure, commerciale et de défense commune (art III-292 à
III-329)
·
Les articles III-330 à III-423 précisent les relations inter-institutionnelles
Comment fut élaboré ce traité ? Quelles sont ses chances de dépasser
le simple statut de projet ? Quels seront ses impacts dans l’ordre juridique
interne ?
Après avoir étudié les enjeux, la méthode et les obstacles qui ont participé de
l’élaboration et de la ratification du projet de traité constitutionnel européen
(I), nous détaillerons les différents aspects de son contenu et les controverses
dont ils sont issus (II).
I/ De l’idée d’une Constitution européenne à la ratification d’un traité :
l’élaboration du projet de traité constitutionnel européen
A/Pourquoi un nouveau traité ? Pourquoi un traité constitutionnel ?
Les enjeux du projet
· Nécessité de prendre en compte
l’intégration des 10 nouveaux entrants et les risques de freins institutionnels
que cela pourrait occasionner sur les processus de décision.
En effet l’accroissement mécanique de
fonctionnaires, de commissaires, d’intérêts divergents en présence impose une
rationalisation d’un processus décisionnel élaboré à six, cinquante ans
auparavant ; rationalisation que le traité de Nice n’a pas pu réaliser (opacité,
compromis purement techniques et mécontentement mutuel des 25).
· Donner une véritable architecture
politique à l’Europe, en accord avec les objectifs « fonctionnalistes »
des Pères fondateurs, c’est à dire en utilisant l’engrenage économique pour
créer un cadre d’action politique (cf. sur ce
point l’excellent Bino Olivi, L’Europe difficile, 1998, Folio, chap. I à IV)
· Redéfinir les compétences respectives
de l’Union et des Etats dans un sens plus communautaire.
· Clarifier les rôles respectifs des
différentes institutions européennes
· Donner à l’Europe une
représentation sur la scène internationale. Sur ce point, l’article I-28
institue un Ministre des Affaires Etrangères européen.
· Lancer un processus symbolique,
qui concentrerait l’attention et le débat des citoyens sur l’Union européenne,
celle-ci pâtissant d’un déficit d’intérêt de la part des européens et donc de
légitimité.
· Tenter de résoudre par-là même le
problème du déficit démocratique européen selon un objectif de
transparence. Il s’agissait d’une part de
simplifier l’architecture européenne, en intégrant les parties « annexes » aux
traités européens et d’autre part de rendre la compréhension de l’Europe plus
accessible et en mettant fin à l’enchevêtrement des normes européennes.
à Ces facteurs ont incité les Chefs
d’Etats européens à mettre en place à Laeken une Convention Pour l’Avenir de
l’Europe, composée tant de décideurs communautaires que de membres des
gouvernements, avec un apport substantiel de parlementaires nationaux et
européens, traduisant une volonté de représenter une diversité relative de
décideurs politiques. Le Sommet de Laeken (14-15 décembre 2001) a ainsi donné
mandat à une Convention de reposer dans ses fondements la question de la
finalité de l’Union et de soulever un grand débat sur l’Europe. Celle-ci s’est
autoproclamée constituante.
B/Si le contexte a rendu difficile une élaboration
harmonieuse du texte…
· La crise irakienne a
durablement tendu les relations intra-européennes. Le clivage entre atlantistes
et opposant à la guerre s’est directement répercuté sur les rapports entre
gouvernements lors des CIG de décembre 2003 et de juin 2004.
Elle n’a cependant pas empêché des avancées en
matière d’Union européenne de la défense la Commission et le complexe militaro
industriel ayant décidé de mettre cette question au centre des CIG. (Cf.
Annuaire stratégique et militaire 2004, FRS, Odile Jacob, p. 245-264)
· Cette crise a eu d’autre part
un impact sur la crédibilité de l’Union européenne dans sa capacité à dépasser
les conflits internes, et à se constituer en une entité véritablement unifiée,
pareil à un super Etat. Dès lors, la
qualification de « Constitution » a-t-elle un sens ? C’est ainsi qu’au milieu du
travail de la CAE, d’importants débats sur la portée véritablement
constitutionnelle de ce traité ont eu lieu. Ils ne sont pas tranchés. Ils ne le
seront que lorsque la nature fédérale de l’Europe sera formulée. Or, nombre d’Etats
(dont la Grande-Bretagne) refusent catégoriquement une telle conception.
C/… la méthode a permis une efficacité relative tout en
insufflant un surcroît de pluralisme.
· Ce projet est le
fruit d’une nouvelle méthode fonctionnelle associant plus étroitement des
acteurs communautaires, intergouvernementaux et des parlementaires nationaux.
La CAE était constituée d’une assemblée plénière,
et d’un Praesidium qui déterminait l’ordre du jour, avait un rôle de
résolution des conflits, et constituait le rédacteur en dernier ressort. Les
conventionnels furent divisés en une dizaine de groupes de travail spécialisés
qui avaient pour mission de rédiger les futurs articles du texte en tenant
compte des points d’accords et de désaccords des différents Etats. Les produits
des travaux de ces groupes étaient ensuite soumis à l’assemblée plénière, après
avoir été visés par le Praesidium. Evidemment, ce dernier était l’objet
de toutes les pressions pour faire passer telle ou telle notion, tel ou tel
argumentaire sur tel ou tel intérêt en présence.
· La négociation
gouvernementale a pris un an et a demandé deux sommets européens [les
Conférences Intergouvernementales (CIG) de Bruxelles en décembre 2003 et de
Rome en juin 2004]. Elles aboutiront le 29 octobre 2004 à la signature du projet
de traité. Celle de Bruxelles fut un échec, les
discussions achoppant sur la référence chrétienne (Pologne et Espagne), sur la
pondération des voix au Conseil (coalition de « petits pays » ne souhaitant pas
voir leur influence trop diminuer par rapport au traité de Nice) et sur les « red
lines » de Tony Blair (unanimité requise pour les questions de fiscalité, de
défense commune, de sécurité sociale, pour tout nouvelle dépense de l’Union, et
surtout pour l’amendement du traité).
· On peut noter un effort, dans cette
Convention, pour assurer la diffusion de ses travaux et une association relative
de la société civile. Que ce soit au travers du
site Internet de l’Europe, de la médiatisation par LCP, ou par les Conventions
européennes des étudiants, la convention a
tâché de symboliser la transparence des travaux. Des critiques ont pourtant
existé, durant la Convention, sur un certain accaparement des pouvoirs par le
Praesidium, ce qui traduisait dans le même temps une volonté affichée par
celui-ci de travailler efficacement à l’avancée rapide des travaux.
à Fruit d’un ensemble de compromis,
ce traité apporte de nombreuses avancées qui sont autant de solutions juridiques
à des interactions d’intérêts. Il a connu nombre de retouches successives du
fait des idéaux des conventionnels, des intérêts des Etats (et vice versa), des
transactions diplomatiques et des nécessités techniques. Complexe, il illustre
le caractère titanesque que constitue la mise en adéquation de préférences
collectives, à partir de 28 préférences individuelles étatiques.
II/A l’image de tous les développements successifs de l’Europe, le
projet de traité constitutionnel s’est façonné dans le compromis et la
résolution de conflits d’intérêts idéologiques, stratégiques ou économiques, ce
qui obère une part de ses chances d’être adopté
A/Les grands couples d’oppositions en présence se
matérialisent dans la lettre du texte ; ils se sont résolus dans des
compromis parfois difficiles à accepter
· Petits Etats versus grands
Etats : L’enjeu de la négociation pour les uns et les autres est de renforcer si
possible, et de maintenir coûte que coûte, le niveau d’influence de son Etat
dans la prise de décision. Cela concerne les
questions de pondération de chaque Etat au Parlement européen, à la
Commission, au Conseil des Ministres. La double majorité qualifiée au Conseil
[arrêtée à 55% des membres du Conseil et 65% des habitants de l’Union lorsque la
proposition émane de la Commission, et à 72%--65% lorsqu’elle émane du Conseil
lui-même (art I-25)] a suscité nombre de débats, chaque Etat voulant défendre
son poids décisionnel et se donner des possibilités de faire des coalitions
de blocages grâce à la seconde majorité.
· Opposition entre intergouvernemental
et communautaire : prééminence du principe communautaire, au dépend relatif de
l’intergouvernemental. Premièrement parce que
l’Union a étendu ses compétences dans de nombreux domaines, Deuxièmement parce
que la procédure de codécision (navette Parlement-Conseil des ministres) a été
renforcée (art I-19) ce qui augmente les pouvoir de contrôle du Parlement
européen. Mais c’est surtout l’extension des domaines de majorité qualifiée qui
confirme cette extension du pouvoir communautaire.
D’un autre côté, l’élection d’un Président du Conseil tous les deux ans et demi
(art I-21 et I-22) assure une représentation sur la scène européenne des
intérêts intergouvernementaux. Il en va de même
pour la dérogation apportée dans ce texte au principe de monopôle d’initiative
de la Commission, qui permet au Conseil de proposer des lois et de les voter
(art I-25).
· Le principe de subsidiarité,
qui consiste à donner une compétence au niveau de pouvoir le plus efficace dans
la mise en œuvre d’une politique est matérialisé dans l’article 18 qui définit
la clause de flexibilité des compétences.
· La personnalité juridique (art I-7)
unique de l’Union permet d’achever l’intégration des deuxième et troisième
« piliers communautaires » (J.A.I. et PESDC) au droit originaire européen.
· Extension importante des domaines de
la (double) majorité qualifiée, clarification des domaines de compétences
exclusives et partagées, et maintient de la clause de flexibilité des
compétences.
· Création d’un ministre des affaires
étrangères européen et d’une agence européenne d’armement.
· Création d’un Président du Conseil
des Chefs d’Etats (renommé Conseil européen), élu pour deux ans et demi par ses
pairs (art I-21 et I-22).
· En 2014, le nombre de Commissaires
européens sera des « deux tiers du nombre d’Etats membres » (art. I-26), ce qui
doit se concrétiser par un accroissement de l’efficacité décisionnelle.
· Pluralisme et transparence de la
C.A.E. relativement aux traités antérieurs, surtout Nice.
Si l’on peut dire que l’élaboration
constitutionnelle aura infirmé l’imputation du déficit démocratique en terme de
méthode, il en va différemment de la communication de l’Union européenne qui,
trop technique, n’intéresse généralement que les pages secondaires des journaux
et des médias. Au total il est difficile
de définir un niveau acceptable de participation démocratique dans l’élaboration
d’une Constitution. Certains diront « qu’ils » n’ont pas été associés, et donc
que ce texte n’est pas démocratique. Pourtant, en comparaison avec tous les
traités antérieurs, qu’il s’agisse du traité de Rome, de l’acte unique ou
d’Amsterdam, cette Convention a bénéficié d’une médiatisation importante.
Confirmant la volonté de démocratiser l’Union, certains Etats ont opté pour une
ratification référendaire.
· Affirmation d’objectifs sociaux
éminents (art I-48, II-94, et chapitres emploi,
cohésion sociale, santé, éducation, dans la partie III).
· Mais opposition sur la question de
l’identité chrétienne, qui n’aura pas aboutit à une mention dans ce sens. ·
Sur la question de la culture, l’article III-315 maintient l’unanimité dans la
politique commerciale commune des biens et services culturels,
reflétant ainsi la volonté de la France de défendre l’un de ses intérêts
vitaux.
· L’ensemble des « red lines »
de Tony Blair ont été finalement respectées.
B/ L’impact du
traité constitutionnel en droit interne
·
Se pose tout d’abord la question de la nature du
traité : s’agit-il d’un simple traité international ou d’une Constitution
stricto sensu ? Matériellement, il peut
apparaître comme une Constitution car il traite de sujets de nature
constitutionnelle, mais il reste en réalité un traité international car il ne
pourra être adopté et révisé qu’à l’unanimité des Etats membres, contrairement à
une Constitution qui peut être modifiée par une majorité de suffrages.
·
Les parlements nationaux bénéficient
d’innovations mineures. Ainsi au lieu de
recevoir les propositions de réglementation européenne par les gouvernements
nationaux, les parlements nationaux en obtiendront désormais connaissance
directement de la Commission : il n’y aura donc plus de prétexte de retard de
transposition. Un mécanisme de « sonnette
d’alarme » a également été institué : au minimum
un tiers des parlements nationaux peuvent
demander à la Commission de revoir et de modifier ses projets s’ils trouvent
qu’une proposition ne satisfait pas aux principes de subsidiarité et de
proportionnalité.
· Le
traité constitutionnel parle pour la première fois dans son article I-6 de la
primauté du droit communautaire, ce qui ne représente pas une modification des
relations entre les ordres juridiques nationaux et communautaire car :
-
le 15 avril 1964 dans l’arrêt Costa/Enel la CJCE affirme la
primauté du droit communautaire au nom de la spécificité des communautés
européennes.
-
La CJCE le 9 mars 1978 par l’arrêt Simmenthal précise non
seulement que le droit communautaire prime sur toutes les dispositions internes
quel que soit leur niveau dans la hiérarchie interne des normes mais aussi que
les juges nationaux ont l’obligation d’appliquer en priorité le droit
communautaire sur toute norme nationale.
-
La Cour de Cassation puis le Conseil d’Etat ont reconnu respectivement en
1975 et 1989 (arrêts Jacques Vabre et Nicolo) la primauté du droit
communautaire mais sur une base interne.
-
Le Conseil constitutionnel se refuse à juger de la conformité d’une loi
de transposition d’une directive à la constitution française.
-
C/…mais l’adoption unanime de ce texte par référendum est problématique.
· Si la partie I du projet fait dans
l’ensemble l’unanimité, la partie II a gêné le gouvernement Britannique qui a
voulu lui retirer valeur exécutoire en droit interne.
· La réalisation de l’objectif de
transparence est discutable.
Tout d’abord la Convention a inauguré une nouvelle méthode d’élaboration des
traités et la répartition des compétences (articles I-11 à I-18) permet une
clarification de l’état du droit. Certains
déplorent cependant la complexité de certaines procédures, comme celle relative
aux coopérations renforcées (art I-44). Si
la Commission à 15 semble aller dans le sens d’un surcroît d’efficacité, la
double majorité (cf. supra) semble incompatible avec l’objectif de
simplification d’une part, ni même de rationalisation décisionnelle d’autre
part, puisqu’elle permet des majorités relatives de blocage. Cause de ce
phénomène de pullulement juridique : les CIG successives qui ont profondément
remodelé la teneur et la qualité du texte de la convention. Globalement, la
taille et le style technocratique utilisé dans ce texte semble difficilement
compatible avec l’objectif de transparence que s’étaient fixés les
conventionnels (cf. plus généralement sur ce point J. de Guérivière, Voyage à
l'intérieur de l'eurocratie, 1992, Ed. Le Monde.)
· La partie III concentre les
critiques. Premièrement à cause de sa complexité (342 articles). Deuxièmement,
certains affirment qu’elle constitutionnaliserait des politiques qui sont
normalement à définir dans les lois européennes.
L’article IV-443 dans la version finale, instaurant la règle de l’unanimité pour
la révision ou l’amendement de ce traité, est accusé de lier les mains des
futurs décideurs européens aux clauses de politiques générales de la partie III.
Celle-ci ne fait pourtant que dessiner des cadres
généraux d’action, qui peuvent aisément laisser la place à la production du
droit dérivé européen. De la même manière, ce traité ne fait souvent que
reprendre des traités antérieurs, qui étaient aussi révisables à l’unanimité.
Enfin, n’est-il pas louable de vouloir donner un surcroît de légitimité aux
politiques européennes en les constitutionnalisant, c’est à dire en les
assimilant au droit originaire et non plus au droit dérivé ?
· En dernière analyse, on ne peut que
constater que chaque pays est divisé sur ce texte.
La France et l’Angleterre semblent être les
terres les plus symptomatiques de ce conflit. Ici le FN, une partie des gauches
et droites républicaines, l’extrême gauche sont liées dans le rejet ce projet de
traité constitutionnel. Là-bas, le UK Independent Party et le British National
Party, qui ont réalisés d’importants progrès électoraux en juin 2004 sont alliés
de circonstance avec le parti conservateur contre ce projet. Les reculs du parti
travailliste augurent mal d’un résultat positif. Les tabloïdes britanniques,
possédés en grande partie par Rupert Murdoch, foncièrement anti-européen,
insistent sur le caractère lourd et indigeste du texte, mais aussi sur le rejet
du « european superstate ». Les divisions dépassent les
clivages traditionnels et semblent être le principal obstacle à une ratification
à l’unanimité des Etats membres. S’agit-il alors d’un projet destiné à le
rester ?
àQuoi qu’il en soit, le faible
niveau d’intérêt des citoyens européens, attesté par le modique taux de
participation aux élections européennes de 2004 mine les chances d’adoption du
texte, que ce soit en Grande-Bretagne (de tradition juridique non écrite), en
Pologne, et même en France.
Ce projet de traité constitutionnel, né dans les tensions du traité de
Nice et sur fond de crise irakienne a dans l’absolu permis de remettre l’Europe
au centre du débat, de clarifier certains aspects du droit institutionnel
européen, et de définir un vaste projet politique pour une durée illimitée
(IV-446). Fruit de compromis parfois difficiles à accepter de la part des Etats
membres, il voit ses chances de ratifications réduites par la conjonction
d’obstacles et de critiques hétérogènes difficiles à dénouer. Des considérations
idéologiques sur son caractère plus ou moins social aux positionnements
tactiques, en passant par l’exaltation nationaliste, les partisans du traité
« ne savent plus où donner de la tête ». Peut-être est-ce là la limite de
l’Union européenne : à force de compromis, elle s’est complexifiée sans pour
autant satisfaire complètement toutes les demandes contradictoires qui
s’imposent à elle. De ce fait, l’entrée en vigueur ce projet de traité
constitutionnel tient à un fil.
Bibliographie :
· La Convention Pour l’Avenir de
l’Europe, Traité établissant une Constitution pour l’Europe, 2003,
http://european-convention.eu.int/docs/Treaty/cv00850.fr03.pdf
· Alain Lamassoure, Histoire
secrète de la Convention européenne, 2004, Albin Michel
· Olivier Duhamel, Pour l’Europe, 2003,
Le Seuil
·
http://www.gauche-en-europe.org/pdf_lib_agee/traiteconstitutionnel.pdf
,Traité final